Vous souvenez-vous de l'Académie québécoise du théâtre?
Vous savez, c'est cette organisation éphémère qui a organisé pendant quelques années une grande célébration du théâtre. Ça s'appelait le Gala des Masques. Ça vous rappelle vaguement quelque chose? C'était même diffusé en direct sur les ondes de Radio-Canada. La grosse affaire.
Bon, j'ironise, mais la disparition de l'Académie en décembre 2008 n'a jamais tellement été questionnée. Dans les médias, la nouvelle n'a pas fait l'objet d'un grand approfondissement, ni d'ailleurs d'un grand intérêt. Pourtant, l'histoire tortueuse de l'Académie nous montre à quel point le financement privé d'un organisme artistique est une affaire complexe et hasardeuse.
Il y a quelques mois, j'ai rencontré Vincent Bilodeau, dernier président de l'organisme, pour faire la lumière sur cette sombre affaire. L'entretien est publié dans la section Bords de Scène du répertoire analytique Rappels 2008-2009, qui vient de paraître en ligne. Non seulement Bilodeau y expose les difficultés d'un financement majoritairement privé pour un organisme de ce genre, mais il écorche au passage la communauté théâtrale, qui a accueilli la nouvelle de la disparition de l'Académie dans la plus troublante indifférence.
Vous pouvez lire ça ici.
Et je vous invite au passage à découvrir Rappels, publication méconnue mais précieuse. La section Bords de Scène comprend divers textes qui font le point sur la saison théâtrale 2008-2009, mais Rappels est avant tout une base de données dont l'objectif est de brosser, année après annnée, un portrait statistique et critique des pratiques théâtrales au Québec. Une référence appelée à devenir incontournable.
http://www.crilcq.org/rappels/rappels2008-2009.asp
Le dossier de l’Académie québécoise du théâtre a fait coulé beaucoup d’encre, tant depuis la disparition de cet organisme, si essentiel à la promotion de l’art théâtral québécois, que durant la fin de son mandat. Peut-être que les médias n’y ont accordé qu’une mince couverture, mais le sujet n’a pas laissé insensible le milieu théâtral, bien au contraire. En effet, lors des Seconds États généraux du théâtre en 2007, le dossier de l’Académie a été débattu en assemblée plénière. Les discussions étaient vives et passionnées et un consensus a fait place sur la nécessité que l’Académie crée un comité consultatif afin de redéfinir le concept du Gala des Masques. Le milieu théâtral s’est longtemps reconnu dans l’Académie, mais au fil des ans un désintérêt s’est manifesté et nous avons assisté à un désengagement des compagnies de création à présenter leur spectacle en compétition. Le Gala des Masques ne semblait plus correspondre dans sa forme privilégiée, à la vitrine de l’excellence de l’art théâtral québécois tel que le milieu le souhaitait.
C’est à l’initiative du Conseil québécois du théâtre (CQT) que l’Académie québécoise du théâtre a vu le jour. Il n’était pas dans les intentions des administrateurs du CQT de l’époque, menés par Normand Chouinard à la présidence, de désengager le CQT de son mandat de promotion, mais tout au contraire de favoriser la création d’une entité autonome dévouée essentiellement à cette tâche. Avec la disparition de l’Académie, le CQT se réapproprie le mandat de soutenir et promouvoir l’art théâtral québécois. Aujourd’hui, et avec l’expérience vécue, il est important de repositionner les objectifs et les activités qui visent cette promotion. Pour ce faire, le CQT va prendre le pouls de la communauté théâtrale. D’ailleurs, un sondage sera adressé prochainement au milieu théâtral, qui sera également convié à discuter de ce sujet lors d’une rencontre organisée par le CQT en décembre prochain.
Enfin, quelques mots sur le thème des institutions théâtrales, un sujet sensible, chargé d’interrogations et d’affirmations de toutes sortes. Rappelons que les Seconds États généraux ont été le lieu de vifs débats sur ce thème. Les professionnels du théâtre, par les propositions 73 et 74 adoptées en assemblée plénière, ont alors mandaté le Conseil québécois du théâtre de se pencher sur le dossier des institutions théâtrales au Québec. Un comité y travaille donc depuis plusieurs mois. Sa mission est précise : « Explorer la notion d’institution théâtrale en contexte québécois et de savoir si et comment l’établissement d’institutions reconnues comme telles peut contribuer au plein épanouissement de l’art dramatique au Québec. » Les conclusions des travaux de ce comité se traduiront par un rapport qui établira les bases du prochain Congrès québécois du théâtre prévu en 2011 et dont le thème majeur portera sur l’institution théâtrale.
Les questions et les problématiques qui touchent l’art théâtral sont fort nombreuses. En témoignent les multiples dossiers que traitent annuellement le CQT. Je nous espère nombreux à prendre la parole et à partager notre vision au sein de différentes tribunes afin de contribuer au développement d’une vision d’avenir pour la pratique théâtrale.
Cher Philippe Couture, je vous convie à rester attentif aux travaux du CQT car de nombreux dossiers qui vous interpellent sont présentement à l’étude.
Martine Lévesque
Directrice générale CQT
Que l’Académie québécoise du théâtre (AQT) meurre pour que la communauté théâtrale se réapproprie la promotion collective du théâtre au Québec, voilà qui me semble de bonne augure.
Je lève toutefois mon chapeau à Vincent Bilodeau et à ceux qui ont été d’ardents défenseurs de l’AQT, particulièrement au moment de sa fermeture. Il doit être bien difficile d’accepter humblement de baisser les pavillons, lorsque l’on défend coeur et âme une cause collective. Merci à ces »batailleurs » essentiels.
Et j’espère que ce phoenix renaîtra bientôt de ses cendres, dans une nouvelle forme!
Chère Martine Lévesque,
Content de vous voir vous exprimer ici. Je n’ignore pas, bien sûr, que ces questions ont été débattues aux états généraux et je sais le milieu théâtral impatient de se doter de vraies institutions. Mon questionnement dans le billet « La fatigue des institutions » porte plutôt sur la manière dont les compagnies actuellement implantées dans les lieux théâtraux pourraient ou devraient se comporter pour se rapprocher d’un idéal institutionnel malgré leur statut actuel de théâtre mi-privé mi-public (si je peux schématiser ainsi). Cela dit, je suivrai avec attention les travaux du CQT, mais comme il me semble qu’ils se déroulent pour l’instant en dehors de la sphère publique, je ne peux qu’attendre le dévoilement des conclusions des études en cours avant de les intégrer à ma réflexion. Mais je demeurerai alerte, soyez-en assurée