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La merveilleuse cuvée du Prix Michel Tremblay

Il y avait foule hier soir au Monument-National pour la remise des prix Michel-Tremblay et Louise-Lahaye, remis chaque année à l'auteur du meilleur texte porté à la scène et du meilleur texte jeune public porté à la scène. C'était beau à voir. Je vous dis, j'étais ému. (C'est fou ce que je m'ouvre à vous). Le théâtre arrive de moins en moins souvent à me tirer des larmes, mais les remises de prix, quand elles ne sont pas trop léthargiques et que les prix sont mérités, me rendent carrément sentimental.

Peut-être est-ce dû à la qualité de la cuvée 2010, qui a dû donner bien du fil à retordre aux membres du jury. Voyez par vous-mêmes les finalistes du prix Michel Tremblay: La Liste, de Jennifer Tremblay, Rouge-Gueule d'Etienne Lepage, L'Imposture d'Évelyne de la Chenelière, Porc-Épic, de David Paquet, Les Mauvaises Herbes de Jasmine Dubé et Excuse-moi de Serge Boucher. Tous de grands textes, très différents les uns des autres, mais parmi les meilleurs que notre dramaturgie ait fait naître dans les cinq ou dix dernières années. (Quoique je ne puisse me prononcer sur Les Mauvaises Herbes, que je n'ai ni lu ni vu).

Elle se porte bien, la dramaturgie québécoise, quand même. Je ne la trouve pas toujours assez formellement audacieuse, pas toujours assez originale, mais il faut bien reconnaître que la dernière année fut faste et que des voix très fortes se font entendre. Pas étonnant que devant une telle sélection, le jury n'ait pas réussi à trancher. Ils ont fait deux gagnants: Jennifer Tremblay et David Paquet. Ce dernier a livré un discours spontané mais fort inspirant, n'hésitant pas à exprimer sa fierté d'appartenir à la famille dramaturgique québécoise et de pouvoir s'y épanouir. Faut dire qu'avec le montant de 20 000$ qui accompagne cette bourse, Paquet pourra s'épanouir comme jamais auparavant. Y'a de quoi déployer vivement ses ailes. 

Le Prix Louise LaHaye, que se disputaient Jasmine Dubé (Marguerite), Jacqueline Gosselin (Le grand méchant loup) et le collectif d'auteurs de Eclats et autres libertés (Mathieu Gosselin, Etienne Lepage, Marie-Josée Bastien et Jean-Frédérick Messier), a été remporté par le collectif. Vous connaissez déjà tout le bien que je pense de cette pièce, pour l'avoir lu ici.

La ministre Christine St-Pierre, elle aussi visiblement galvanisée par l'événement, n'a même pas lu son discours officiel et s'est lancée dans une dénonciation du projet de loi C-32, assurant que le gouvernement du Québec travaillerait fort à le faire amender. Vous me direz qu'il est facile pour notre Ministre de la Culture de faire bonne impression quand le gouvernement d'à côté fait cent fois pire qu'elle. Certes. Les libéraux paraissent si bien devant Harper: on dirait presque de véritables bâtisseurs culturels. Il n'en est rien, bien sûr, car les initiatives des artistes continuent d'être éternellement sous-financées… Mais la Ministre, qui, avouons-le, n'est pas la plus éloquente du caucus libéral, a misé juste avec ce discours improvisé qui s'est mérité des applaudissements sentis. Avec une pointe de scepticisme, quand même, car on attend de pied ferme que son Ministère livre la marchandise dans ce dossier. À suivre.