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À propos du théâtre commercial…

Vous savez ce que j'aime des universitaires ?

Beaucoup de choses, bien sûr. Leur rigueur, leur passion
pour la recherche et la réflexion, leur éloquence, leur ouverture.

Mais j'aime davantage l'incroyable liberté de parole qui
vient avec leurs fonctions.

Dans ma réflexion sur l'absence de véritable institution théâtrale
au Québec, je lis ces temps-ci plusieurs articles de chercheurs québécois.

Rodrigue Villeneuve,professeur-chercheur à l'Université du Québec
à Chicoutimi, écrivait dans un ouvrage récent que «les politiques artistiques
des théâtres sont de plus en plus lâches , rarement guidées par une vision, qu'elle
soit de nature esthétique ou sociale. Trop souvent, le spectacle l'emporte sur
la lecture. Superficielle, faussement scandaleuse, rarement travail de culture
nécessaire, la mise en scène est un métier au lieu d'être une aventure
intellectuelle, un engagement citoyen ou une exploration affective.
» (C'était
dans «Le Théâtre Québécois, 1975-1995.», dirigé par Dominique Lafon aux
éditions Fides)

Gilbert David, historien du théâtre, a frappé plus fort en affirmant
que «sous la gouverne d'une Denise Filiatrault en égérie du théâtre populiste,
le Théâtre du Rideau Vert es
t un théâtre commercial, soutenu par des fonds
publics. C'est le triomphe de la vacuité à l'encontre de toutes les exigences d'un
véritable théâtre d'art.
» C'était dans Rappels 2005-2006 (éditions Nota Bene).

Le TNM, Duceppe et le Rideau-Vert sont parmi les théâtres qui
reçoivent les plus grosses sommes de nos deux conseils des arts, mais ce sont
aussi ceux dont les revenus du guichet comptent pour le plus grand pourcentage
de leur budget. Ce qui les mène très souvent à adopter des comportements de théâtre
privé, favorisant dans leurs choix artistiques des critères de rentabilité plutôt
que les critères d'un théâtre d'art.

Cela, peu de gens osent le dire dans le milieu théâtral. Sauf
peut-être Olivier Kemeid.

Hors, une fois qu'on a admis l'évidence, on est en droit de
se poser la grande question: À quoi ça sert de financer des théâtres à vocation
commerciale? Le Rideau-Vert, par exemple, ne pourrait-il pas fonctionner
sans aide publique? Je n'ai rien contre le théâtre de divertissement.
Rassurez-vous, je suis même très heureux qu'il permette à un grand nombre de
non-initiés à la chose théâtrale de s'y acclimater. Mais ne nous racontons pas
d'histoires, même sans fonds publics, le Rideau-Vert et Duceppe survivraient. Leurs
salles seraient pleines. Leur «clientèle», qui est déjà prête à payer pas mal
cher son billet de théâtre, ne s'offusquerait pas d'une légère augmentation. Et,
dans une optique de théâtre véritablement commercial, en échange d'un peu de
visibilité supplémentaire, les commanditaires tels que Québécor n'hésiteraient peut-être
pas à augmenter la mise.

Les fonds publics ainsi libérés pourraient servir à d'autres
théâtres vraiment soucieux d'art.

Voilà, c'est dit.

Vous pourrez réfléchir à ça pendant le temps des fêtes. Ça
fera de belles discussions autour de la dinde.

Joyeux Noël !