NOTE : Ce texte a d’abord été publié sur une autre version du blogue Parathéâtre
Vous avez visionné cette discussion de BazzoTV, inspirée de la chronique de Jean Barbe sur la disparition de la culture dans les médias ? (La culture est-elle morte?)
Le constat: la culture, entendue au sens de culture artistique et non de divertissement, occupe de moins en moins d’espace dans les médias traditionnels québécois, pour des raisons de « rentabilité ». Sauf au Devoir, bien sûr.
Personne ne contestera les chiffres avancés par Jean-François Dumas, président d’Influence Communication. La dégradation de la couverture artistique se constate de toute façon à l’oeil nu.
Guy Nadon, autour de la table, a bien raison de regretter l’époque des Beaux Dimanches. Mais le pire, et personne ne le mentionne dans ce débat, c’est que depuis ce temps-là, Radio-Canada a créé une nouvelle chaîne télé censée se consacrer totalement à l’art et à la culture, la très joliment nommée ARTV, et que cette chaîne télé n’est qu’un leurre. On y voit aussi peu d’art qu’ailleurs (ou presque). Comment expliquer une telle abomination?
Jetez un oeil par vous-mêmes à la programmation d’ARTV. Il y a dans cette grille-horaire beaucoup de place pour la télé elle-même (C’est juste de la TV, ainsi que de nombreuses séries américaines en traduction), et un peu de temps consacré à des émissions et des capsules qui vendent de la culture en format minimal, effleurant les sujets de manière rapide et bien condensée, selon les exigences du marketing (La Liste, les rendez-vous artv). Quoi d’autre? Beaucoup de contenu récupéré de la SRC (Tout sur moi, Infoman, Les Six dans la Cité, Studio 12, Rumeurs). Bien sûr, il y a aussi Mange ta Ville, formidable magazine culturel, et puis les Grandes Entrevues de Stephan Bureau, et encore la très sympathique émission Viens voir les comédiens. Il y a beaucoup de cinéma, et parfois du pointu. Il y a une rarissime émission sur l’architecture (Visite Libre). Il y a parfois de bons documentaires sur l’art.
Mais où sont les grands spectacles de danse, de théâtre et de musique que cette chaîne spécialisée a le mandat de diffuser? N’est-ce pas le rôle d’une telle chaîne: donner véritablement accès à la culture, dans un souci de démocratisation, comme le fait d’ailleurs un peu mieux la chaîne franco-allemande Arte, équivalent européen d’ARTV? Je sais, je sais, on peut voir des spectacles à l’occasion sur notre chaîne artistique. Mais si peu souvent. Les créations de nos meilleurs artistes de théâtre, par exemple, trouveraient très bien leur place dans les téléviseurs des Québécois si ARTV se donnait le mandat de les y emmener. Imaginez un peu comment la danse contemporaine, si peu vue par les spectateurs québécois en dehors de Montréal, arriverait à redorer son image si la télé nous la montrait telle qu’elle est, dans toute sa splendeur et sa diversité. Et pourquoi ne pas diffuser des captations de spectacles européens, américains ou même japonais, histoire de nous offrir des découvertes que la voie terrestre ne nous permet pas si aisément? Ces captations existent: Arte en diffuse à l’occasion. Et ça tombe bien, Arte possède 15% des actions d’ARTV. Les deux chaînes sont partenaires. La chaîne franco-allemande n’est pas parfaite, loin de là, mais entre les deux il y a tout de même un monde.
Il n’y a pas d’émission littéraire non plus, sur les ondes d’ARTV. Pas plus qu’ailleurs. Ai-je besoin de préciser qu’on n’y parle à peu près jamais d’art visuel?
Tout ça coûte cher, me direz-vous, et ARTV ne dispose certainement pas d’un énorme budget, d’autant que le contenu culturel n’affole pas l’audimat. N’empêche, c’est une chaîne publique dont l’intérêt premier ne devrait pas être la rentabilité, mais bien la poursuite d’une mission honorable: « offrir à l’échelle nationale un service spécialisé de télévision de langue française axé sur les arts« .
Puisque les chaînes principales de Radio-Canada, à la télé comme à la radio, semblent déjà avoir abandonné la partie en tournant le dos à la critique et aux collaborateurs spécialisés, peut-on espérer mieux d’Artv? J’aimerais y croire.