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Jack Layton peut-il sauver les artistes?

NOTE : Ce texte a d’abord été publié sur une autre version du blogue Parathéâtre

Jack Layton, ce matin, doit ressentir une incontrôlable euphorie.  Mais également un puissant vertige.

Non seulement doit-il essayer de freiner Harper dans ses projets militaristes et dans ses rêves de réduire les impôts des grandes entreprises, mais il est devenu le représentant des Québécois sur la colline du Parlement.  Ce n’est pas une mince tâche.

Je souhaite de tout cœur que Layton soit l’homme de la situation et qu’il arrive à défendre les valeurs québécoises.  Je souhaite le croire lorsqu’il affirme être en mesure de mettre de côté sa vision centralisatrice pour préserver certains acquis des provinces et surtout du Québec.

Mais ne nous leurrons pas.

Avec une telle majorité, Stephen Harper fera comme bon lui semble.  Et si jamais ce bon Jack réussit à freiner l’abolition du registre des armes à feu ou arrive simplement à débattre de l’achat des F-35, il n’arrivera jamais à imposer à la Chambre des sujets qui lui sont chers.

Imaginez le sort des artistes dans un tel contexte.  Le chef néo-démocrate leur est assurément sympathique, même s’il n’en a pas glissé mot de la campagne, mais nous pouvons être assurés qu’il ne pourra qu’opposer un timide refus aux coupures que Stephen Harper prépare dans les programmes de subventions des arts.

Je sais, le sujet n’a pas été très chaud pendant cette campagne électorale, mais c’est tout de même ce qui se prépare en catimini.

Dans un tel contexte, les artistes et les amoureux d’art n’ont absolument rien à espérer du fédéral.  Jack Layton n’y changera rien.  Il ne reste donc qu’à miser sur Québec, et à réaliser enfin que nous ne serons jamais si bien servis que par nous-mêmes.

Quand les programmes Prom’Art et Routes Commerciales ont été sabordés par Harper, le Ministère québécois de la Culture et de la Condition féminine a fait de son mieux pour réparer les pots cassés par le fédéral.  Même si elle manque de poigne, la ministre Christine St-Pierre s’avère la plupart du temps à la hauteur des combats à mener pour les artistes.  Dans le dossier de la loi C-32 sur le droit d’auteur, elle a promis de lutter aussi fort que possible contre la vision du gouvernement Harper.  Elle a aussi eu un comportement admirable devant l’affaire Cantat, refusant de céder au discours moralisateur ambiant pour se porter à la défense de la liberté artistique.  C’était la moindre des choses, diront certains, mais ce n’est pas l’attitude qu’a adoptée son homologue fédéral.

Je souhaite donc que l’on puisse se fier sur le Ministère de la Culture du Québec, qui agira dans la mesure de ses modestes moyens.

Mais j’espère que la situation nous réveillera et nous fera élire aux prochaines élections provinciales un gouvernement péquiste qui remettra la souveraineté au centre de son action et ne réduira pas l’art et la culture à néant.  Un gouvernement qui, en reprenant le contrôle sur la totalité des fonds publics, donnera à son Conseil des Arts les moyens de son action et qui ne sabotera pas les structures sociales que le Québec s’est donné à sa sortie de la Grande Noirceur.  Je souhaite bien sûr un gouvernement capable de remettre en question le fonctionnement de ses institutions (car il y a là un énorme travail à faire), mais il est absurde de mettre partout la hache, qui plus est lorsqu’on le fait simplement au nom de la rentabilité et qu’on n’arrive plus à voir le monde autrement que comme un marché à ciel ouvert.

Cela, même le PQ doit le garder en tête.  Il est loin d’être à l’abri de la montée de la droite et n’est plus le parti progressiste de l’époque de René Lévesque.  Mais il est le seul parti à pouvoir faire du Québec un pays dans lequel différentes visions pourront se faire entendre, à l’abri des chasseurs CF-18  et de l’obsession maladive de la sécurité.