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Théâtre à Toronto : Quand Harper fait peur

NOTE : Ce texte a d’abord été publié sur le blogue de Philippe Couture sur revuejeu.org

Le premier ministre Stephen Harper
Le premier ministre Stephen Harper
Histoire d’horreur au Tarragon Theatre, à Toronto.

Le Globe and Mail nous apprenait samedi que la nouvelle pièce de Michael Healey (un auteur dramatique bien connu du Canada anglais) a été retirée de la programmation du théâtre après que l’un des membres du conseil d’administration se soit inquiété de son contenu politique.

La pièce, intitulée Proud, avait été commandée par le directeur artistique Richard Rose, dans le cadre d’une résidence d’écriture. Elle met en scène un Premier Ministre autoritaire dans lequel on reconnaît sans peine la personnalité de Stephen Harper. L’auteur, en quelque sorte, a imaginé de quoi aurait l’air le Canada si les Québécois n’avaient pas massivement élu le NPD aux dernières élections, laissant le gouvernement conservateur de Stephen Harper dominer le pays de sa majorité écrasante. Le Premier Ministre fantasmé par Healey, un homme obsédé par le pouvoir et le contrôle, présente aussi un visage humain: le dramaturge a affirmé en entrevue vouloir comprendre profondément le comportement politique de Stephen Harper et les raisons qui motivent ses choix.

Le dramaturge Michael Healey
Le dramaturge Michael Healey
Or, un administrateur du théâtre (l’avocat John Mckellar) y a vu un propos diffamatoire envers le Premier ministre du Canada et a jugé que cette potentielle diffamation ne méritait pas d’être présentée sur la scène du Tarragon. Ce qu’un avis juridique indépendant de Peter Jacobsen, un spécialiste en diffamation, a tout de suite nié. Le directeur artistique Richard Rose a néanmoins décidé de ne pas programmer la pièce.

Furieux, Michael Healey a claqué la porte et prétendu que le Tarragon a eu peur de perdre du financement fédéral. Pas si improbable comme hypothèse, sachant que le festival SummerWorks de Toronto a justement perdu son financement fédéral l’an dernier après avoir produit Homegrown, une pièce qui, selon le bureau du premier ministre, «glorifiait le terrorisme».

Ça me rappelle dangereusement l’histoire de l’ATSA (Association terroriste socialement responsable), qui a aussi perdu son financement sans raison apparente l’an dernier, n’ayant rien fait de mal sinon que de choisir le mot «terroriste» dans son intitulé. Ça me rappelle aussi la triste histoire du FIL (Festival international de la littérature), qui a subi d’importantes coupures du fédéral après avoir présenté le spectacle Lettres Recommandées, qui mettait en scène les lettres de l’écrivain Yann Martel à Stephen Harper.

Semblerait que ce gouvernement ne supporte pas la critique et n’hésite pas à faire indirectement un peu de censure.

Misère.