NOTE : Ce texte a d’abord été publié sur le blogue de Philippe Couture sur revuejeu.org
Je vous écris du festival d’Avignon. J’y suis depuis déjà plus d’une semaine et ai déjà vu une quinzaine de spectacles sans avoir beaucoup le temps d’en parler aux lecteurs de revuejeu.org. Ça s’en vient. En attendant, vous pouvez lire les deux articles que j’ai publiés dans Le Devoir et écouter ma chronique radio à l’émission Bouillant de Culture sur la Première Chaîne de Radio-Canada.
En ce lendemain de fête nationale, le président François Hollande est en ville. Il a prévu voir une représentation de Six personnages en quête d’auteur, mise en scène de Stéphane Braunschweig. Un choix très prudent: metteur en scène français très établi, texte classique et plutôt inoffensif. Même si Braunschweig en propose une relecture, il pose un regard plus ou moins neuf sur ce texte de Pirandello et, franchement, c’est l’un des spectacles les moins intéressants que j’ai vus dans cette 66 édition du festival, dont la programmation est pourtant exceptionnelle. Un grand cru.
Peu importe. Les esprits s’échauffent à la venue du Président. La planète théâtre toute entière réunie à Avignon s’est aussi excitée la semaine dernière lors du passage de la nouvelle ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Elle a vu, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, la mise en scène du Maître et Margueritepar l’artiste associé Simon McBurney. Et elle est restée quelques jours, car elle fréquente de toute façon déjà le festival. Une fidèle.
Elle a prononcé, ô joie, cette belle phrase que jamais notre ministre de la Culture à nous, Christine St-Pierre, n’oserait prononcer si catégoriquement.
«La culture n’est pas un luxe qu’un pays peut se permettre quand tout va bien; c’est un élément structurant de notre paysage économique.»
Certes, il y a les mots et l’action. Nul ne sait comment la nouvelle ministre passera de la parole aux actes et quel sera son réel pouvoir pour soutenir la création dans le contexte actuel de crise économique.
Mais je me permets d’être jaloux des cousins français. Parce que leur Ministre de la Culture, une femme de lettres qui a d’ailleurs publié quelques romans, a aussi dit ceci dans un entretien qu’elle a accordé au journal La Terrasse.
«Le spectacle vivant, par sa nature même, résiste plus que d’autres expressions à la marchandisation et, par son caractère non-reproductible, il constitue une résistance au grégarisme, au conformisme, aux stéréotypes. Il y a dans le meilleur de ce qu’il produit une irrévérence non négociable essentielle à toute société.»
Pas de discours déprimant sur la nécessaire rentabilité du spectacle vivant. Pas de longs calculs des retombées économiques du milieu culturel pour en justifier l’existence et le financement public. Non. Madame Filippetti louange l’irrévérence et l’anticonformisme du théâtre.
On croit rêver.
Pendant ce temps, à Montréal, la ministre Christine St-Pierre traite presque le conteur Fred Pellerin de terroriste parce qu’il porte le carré rouge.
Alors oui, sur ce coup-là, je suis jaloux de la France…