Avignon, rue Thiers. C’est ici, dans une petite librairie, que Claude Poissant et une poignée de comédiens québécois ont installé leurs pénates pour quelques jours, invités à présenter des lectures en collaboration avec La Manufacture, collectif qui gère l’un des lieux les plus importants du festival Avignon OFF.
Je me suis présenté le soir où Poissant, avec les comédiens Francis Ducharme, Frédéric Dubois, Patrice Dubois, Alexia Bürger, Sophie Cadieux et Mani Soleymanlou, lisaient Rouge Gueule, d’Étienne Lepage. L’auteur, fraîchement débarqué de l’avion, observait discrètement la scène du fond de la petite salle.
Je ne vous dirai pas que cette lecture, visiblement préparée en quelques heures, à la bonne franquette, était transcendante. Pas certain que l’excellent texte d’Etienne Lepage ait été réellement bien servi par ce contexte très spontané. Les acteurs réunis là sont talentueux, mais s’approprier véritablement un texte demande un peu plus de temps que celui dont ils semblent avoir disposé. Le public a toutefois tendu l’oreille, visiblement intéressé par l’écriture rythmée et les personnages dévorés par de noires pulsions. Sans doute ont-ils été largués par bien des québécismes, mais tout cela fait partie du charme de l’expérience.
Il s’agit d’une visibilité intéressante pour le PAP, qui mérite bien un peu d’attention internationale en tant que compagnie québécoise phare, dont le travail n’a pourtant jamais dépassé les frontières canadiennes. Avignon OFF, c’est plus de mille spectacles, de tout et de rien, de l’exceptionnel et du médiocre: un bordel vertigineux dans lequel bien des compagnies de théâtre se brûlent les ailes. Mais le fait que le PAP soit de la programmation officielle de La Manufacture est un gage de succès. C’est l’un des lieux les plus crédibles et les plus fréquentés du OFF, dont la programmation est souvent incontournable et, surtout, les directeurs de La Manufacture sont tout aussi soucieux que Claude Poissant de faire découvrir de pertinentes écritures contemporaines. Bref, un bon pari que celui-là.
Après avoir aussi lu les pièces Les champs pétrolifères, de Guillaume Lagarde, et Bienveillance, de Fanny Britt, le PAP va donner Cinq visages pour Camille Brunelle (Nous voir nous), de Guillaume Corbeil, ce soir à 20h30.
On leur souhaite de pouvoir présenter l’an prochain une production en bonne et dûe forme. On sait déjà que leur Project FK, prévu pour 2016, est coproduit par La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. Cette collaboration avec une scène nationale française pourrait donner lieu, qui sait, à une présence internationale plus soutenue du Théâtre PAP.