À quel point les énergies renouvelables pourront-elles vraiment remplacer les combustibles fossiles à l’avenir? Bien que le grand public ait souvent l’impression que les énergies « vertes » offrent une solution facile et productive aux défis énergétiques, le débat fait rage chez les écolos. Un groupe, qui se base surtout sur l’exemple allemand, fait valoir qu’on peut réellement produire de grandes quantités d’énergie « verte ». Un autre groupe, qui étudie le rendement énergétique de ces technologies, fait plutôt valoir que les énergies « vertes » pourraient difficilement subsister sans toute une infrastructure technique et industrielle reposant sur les énergies fossiles.
Un livre récent, intitulé Spain’s Photovoltaic Revolution : The Energy Return on Investment, vient donner des munitions au deuxième groupe. Il s’intéresse à l’Espagne, qui a massivement subventionné l’industrie de l’énergie solaire photovoltaïque (PV, pour faire court). L’Espagne est actuellement le 2e plus grand producteur d’électricité PV au monde, avec 10 % de la puissance totale installée. En 2009, le PV espagnol représentait 2,26 % de toute l’électricité produite dans le pays, le plus haut pourcentage au monde.
L’ouvrage a compilé les données réelles relatives à plus de 57 900 installations PV commerciales en Espagne, dont environ 44 000 sont actuellement sur le bord de la faillite. Sans insister sur le gouffre financier que l’aventure a représenté pour les Espagnols, les auteurs se servent plutôt de ces abondantes données pour tirer des conclusions techniques. Et leur constat est sans appel : le taux de retour énergétique du PV espagnol n’est que de 2,45.
Le taux de retour énergétique (souvent mieux connu sous son abréviation anglaise, EROI) est une mesure qui compare l’énergie obtenue à partir d’une source quelconque, par rapport à la quantité d’énergie utilisée dépensée pour obtenir cette énergie. Sous la barre de 1:1, la source d’énergie consomme plus d’énergie qu’elle n’en produit. On estime qu’à l’origine, le pétrole avait un taux de retour énergétique de 100:1 et qu’avec l’épuisement des meilleures sources, le taux est maintenant de 10:1. Le taux serait de 30:1 pour le charbon et de 5:1 pour le gaz naturel.
Dans le passé, le taux de retour énergétique du PV a été diversement été évalué entre 6:1 et 12:1. Cette nouvelle estimation très basse de 2,45:1, basée sur d’abondantes données, vient jeter un pavé dans la mare. Surtout qu’en extrapolant ces données à l’Allemagne moins ensoleillée, les auteurs estiment que le taux de retour énergétique du PV doit s’y situer entre 1,6 et 2. Autrement dit, en 25 ans de production, le solaire ne fournit que deux fois l’énergie fossile qu’on y a mise!
Car l’ouvrage révèle que le PV comporte beaucoup de coûts « cachés» en énergie fossile. Il y a l’extraction du minerai et sa transformation en panneau solaire, bien entendu. Les installations PV espagnoles produisent 4 237 MW d’électricité chaque année. Mais en contrepartie, amortis sur 25 ans, 57 MW sont dépensés annuellement dans la préparation des sites; 139 MW dans leur sécurité; 608 MW dans les modules électriques; 96 MW dans le transport des équipements. Et ce n’est que le début des nombreux coûts énergétiques cachés.
Pour se rendre aux usines solaires, par exemple, il a fallu construire 300 km de nouvelles routes, qui ont utilisé 900 000 tonnes de gravier – soit 90 000 charges de camions, qui ont parcouru 5,4 millions de kilomètres – soit 1,6 million de litres de diesel. Pour l’aménagement des sites eux-mêmes, on a utilisé 1,6 million de tonnes de béton (dont la production a exigé 489 MW d’énergie) et pour les clôturer, on a utilisé 3 350 tonnes d’acier galvanisé, soit 385 MW d’énergie.
Conclusion : le solaire peut rendre des services là où d’autres formes d’énergie sont peu disponibles, mais on voit mal comment la société pourrait fonctionner dans un système où 40 % de l’énergie produite serait consacrée à la production d’énergie. Il existe une controverse entourant le taux de retour énergétique minimal permettant de soutenir une société industrialisée complexe, mais on met généralement la barre à 8 ou même à 12 pour 1. À 2,45:1 sous le soleil de l’Espagne, le PV ne paraît pas destiné à jouer un rôle très important.
L’empreinte écologique des photos de chats!
Sur un sujet différent, mais apparenté, une très intéressante étude de l’Université Standford nous apprend qu’en 2010, 10 % de toute l’électricité produite aux États-Unis servait à faire fonctionner les serveurs et toute l’infrastructure informatique du pays, dont l’essentiel est relié à Internet. De plus, cette consommation croît de 7 % par année; elle doit donc approcher de 12 % en ce moment.
Mon ami Sébastien Carton, chercheur doctoral en génie environnemental, s’est souvenu que la pornographie constitue 25 % du trafic d’Internet et que les photos de chats en représentent environ 15 %. Ces chiffres sont à prendre avec un grain de sel, mais ils laissent entendre que 4% de l’électricité produite aux États-Unis sert à transmettre de la pornographie et 1,8 %, des photos de chats!
Sébastien s’est amusé à calculer quelle surface de panneaux solaires il faudrait déployer pour produire cette énergie. La puissance totale du PV installé aux États-Unis en ce moment occupe probablement autour de 40 km carrés. Résultat de ses calculs : pour assouvir l’appétit de pornographie des Américains, il faudrait déployer 942 km carrés de PV, soit près de deux fois la superficie de l’île de Montréal. Pour les photos de chats, il faut ajouter 424 km carrés.
Et souvenez-vous que c’est ici que vous l’aurez lu en premier!
Sources :
Spain’s Photovoltaic Revolution. The Energy Return on Investment, par Pedro Prieto et Charles A.S. Hall. 2013.
Energy Usage of Server Farms, Justin Lee, Stanford, Automne 2012.
Et pow.
Vous venez de vendre une copie du livre.
Très, très, très intéressant comme chronique!
Je suis estomaqué.
Je savais que les cellules photovoltaiques n’étaient pas une solution énergétique « stand-alone », mais ce qui me sidère, c’est plutôt l’écart entre les données que vous avez présentés, et ce dont des « éco-militants » jurent être LA solution énergétique.
424km carrés = la distance Québec-Montréal, par 2 km de large… (1 autoroute = 60-100m, tout dépendant des épaulements…donc, une largeur d’au moins 20 autoroutes…)
Je ne sais pas si ça clôt définitivement le débat, parce qu’il existe une multitude de chiffres qui partent dans tous les sens. Mais ces données ont au moins le mérite de nous faire prendre la mesure des quantités inouïes que nous consommons. Les énergies fossiles sont des sources extrêmement concentrées et l’ampleur des installations «vertes» à construire pour en arriver un même résultat donne le tournis. Il est à mon avis peu probable que nous y arriverons un jour; il faudra consentir à vivre avec moins d’énergie.
Calculer le coût de la clôture qui entoure les sites photovoltaïques…
On peut se demander si on fait preuve d’autant de précision pour le rendement des énergies fossiles, où on devrait inclure également le coût de la prospection jusqu’à celui du démantèlement, en passant par les coûts de santé publique (pollution, problèmes respiratoires, etc…).
Dans un souci de rigueur, ils ont même inclus l’impact des assurances et des textes municipales! Je ne sais pas si on s’est livré à des calculs aussi précis concernant les énergies fossiles en général. Mais les débats sur les formes les plus énergivores (sables bitumineux, schistes…) sont innombrables et les résultats en termes de rendement énergétiques ne sont pas brillants non plus. Les estimations pour les sables bitumineux varient généralement entre 3 et 8 pour un, selon la méthode de production exacte et les données disponibles (moins précises que dans le cas du programme solaire espagnol). C’est justement en raison de leur faible rendement, associé à un maximum de pollution, que l’on critique ces sources d’énergie.
Comme il me paraît peu probable qu’il se produise une baisse relativement à tous les bidules que le monde entier fait fonctionner, qu’il s’agisse de bidules essentiels ou pas, la seule solution possiblement envisageable sera de trouver comment rendre toute la quincaillerie moins énergivore…
Du genre comme lorsque les transistors ont remplacé les lampes dans les radios et les télés, par exemple. Meilleur rendement plutôt réduction de l’utilisation.
Viser le développement de technologies moins énergivores pourrait dès lors s’avérer une avenue plus écolo, plus réaliste que de chercher comment produire davantage d’énergie, considérant les embûches imprévues de ce côté.
Mais je laisse tout ça aux spécialistes de ces questions complexes. La balle est dans leur camp…
C’est logique en principe, mais ça ne marche pas très bien en pratique. C’est lefameux paradoxe de Jevons: «Le paradoxe de Jevons, baptisé du nom de l’économiste britannique William Stanley Jevons, énonce qu’à mesure que les améliorations technologiques augmentent l’efficacité avec laquelle une ressource est employée, la consommation totale de cette ressource peut augmenter au lieu de diminuer. En particulier, ce paradoxe implique que l’introduction de technologies plus efficaces en matière d’énergie peut, dans l’agrégat, augmenter la consommation totale de l’énergie» http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Jevons
Donc on n’en sort pas, Monsieur Gauthier?
C’est bien ce à quoi je m’attends. Meilleure sera la performance côté énergie, plus grande sera la demande. Car ça aussi c’est logique – en pratique. Sans négliger tous ces gens de par le vaste monde qui, de plus en plus, s’éveillent à des besoins grandissants d’énergie. En Asie, notamment.
Ah… cela me rappelle ce que répétait mon père voilà déjà quelques décennies: «il faut de nos jours courir pour rester… sur place!».
Nous n’avons plus le choix, à présent: nous devons investir davantage dans la recherche et le développement. Autrement, faudra envisager une diminution de la demande en énergie, ce qui n’est pas du tout réaliste.
Mais ne perdons pas l’espoir de déceler un jour une lueur au bout du tunnel…
L’ennui, c’est que miser sur la technologie n’est pas réaliste non plus plus. La simple physique nous apprend qu’il est peu probable qu’une énergie qu’on doive fabriquer produise autant d’énergie nette que les énergies fossiles qui sont trouvées – on ne mesure pas assez combien ces énergies sont miraculeuse et combien la technologie consiste surtout à consommer cette énergie pour accomplir un travail quelconque. D’autre part, si par quelque miracle une percée technologie permettait de maintenir le statu quo en matière de technologie, cela signifierait qu’une population toujours en croissance continuerait à surexploiter et à détruire les écosystèmes plus vite qu’ils se renouvellent; de sorte que dans quelques générations, on se retrouverait avec un problème pire que celui auquel nous sommes confrontés.
JE CROIS QUE LA SOLUTION C’EST L’ÉNERGIE ÉOLIENNE
Parmi les points forts de l’éolien, le retour sur l’investissement énergétique semble beaucoup plus intéressant que dans le cas du solaire. Par contre, les génératrices qu’elles contiennent utilisent de grandes quantités de terres rares et comme le rendement est peu constant, il faut soit combler les creux avec des énergies fossiles, soit installer une énorme surcapacité, ce qui n’est pas très écolo non plus. De plus, certaines éoliennes situés dans des courants migratoires provoquent des hécaatombes d’oiseaux migrateurs et de chauves-souris. Le multiplication désordonnée des éoliennes pose donc des problèmes en soi. Il faut cesser de rechercher «la» solution magique et reprendre le problème par le début, à savoir une consommation d’énergie par capita qui est délirante et insoutenable.
Des MW ce n’est pas de l’énergie, c’est de la puissance. Tous vos chiffres ne font aucun sens sans la bonne unité.
Vous avez raison, l’unité est tronquée, il faudrait lire mW/h pour être plus précis.
des mW/h ? Non, des MWhr … puissance x temp = énergie.
http://www.planete.inrs.ca/webzine/energie-solaire-a-bon-marche
Bien que votre article soit très intéressant, il ne prend pas en compte que ces nouvelles sources d’énergies n’en sont qu’à leurs débuts.
Une voiture électrique à franchi les 100km/h en 1898, la Jamais Contente, où en serions nous aujourd’hui si le pétrole ne c’était pas imposé.
En fait, l’énergie photovolotaïque a des décennies de progrès derrière elle et c’est une technologie plutôt mature: les gains sont relativements lents et de portée limitée. On ne peut plus s’attendre à des progrès spectacuaires. C’est comme la batterie au plomb, qui équipait la Jamais Contente: cette technologie a relativement peu évolué depuis cette époque; les batteries sont maintenant sans entretien et plus durables, mais en termes de capacité de charge et de décharge, les différences ne sont pas gigantesques. Il faut comprendre que toutes les technologies plafonnent un jour ou l’autre et qu’à moins de trouver quelque chose de radicalement nouveau, les technologies photovoltaïques actuelles sont près de leur limite (imposée par les lois de la physique) en termes de rendement.
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