L’électrification des transports se fera-t-elle à l’échelle et à la vitesse suggérée par les partisans des véhicules électriques? Rien n’est moins sûr, a expliqué Fabien Perdu, chercheur en génie au CEA Grenoble, lors du Troisième séminaire international sur l’énergie, un discret rassemblement d’experts indépendants sur l’énergie, tenu en mars 2016 à l’École de Physique des Houches, en France. Selon lui, les batteries demeurent le maillon faible de l’électrification.
Ses travaux révèlent au moins deux grandes failles dans les plans actuels : d’abord, dans son état actuel, l’industrie n’est pas du tout capable de fournir les batteries nécessaires au rythme voulu; et ensuite, le ressources rares qui servent à les fabriquer ne sont pas disponibles en quantité suffisante. Le chercheur déplore également le peu d’information validée sur les technologies de batteries émergentes. En dépit de travaux intensifs, les perspectives de batteries révolutionnaires paraissent faibles.
Des besoins gigantesques
De combien de batteries aurons-nous besoin? Fabien Perdu rappelle qu’un milliard de voitures dotées d’une batterie de 30 kWh représentent au total 30 TWh de stockage d’électricité. C’est une estimation assez conservatrice, quand on pense que le développement de la Chine et l’Inde pourraient porter le nombre total de voitures sur Terre à près de deux milliards. De plus, les plus récents véhicules électriques, à forte autonomie, ont des batteries d’une capacité de 50 à 80 kWh, ce qui pourrait aussi doubler les besoins.
En plus de ces 30 TWh « minimaux », le chercheur estime le marché des batteries domestiques pour les installations solaires et éoliennes à environ 20 TWh supplémentaires. Ses calculs se basent sur les objectifs à long terme annoncés par des manufacturiers comme Tesla et BMW. On parle donc de besoins mondiaux en batteries d’environ 50 TWh, ce qui ne tient pas compte des possibles besoins dans d’autres secteurs, comme les camions, les navires ou les avions.
Un effort industriel gigantesque
Certains industriels rêvent d’une industrie automobile entièrement électrifiée d’ici 2030. Il faudrait donc produire ces 50 TWh de batteries rapidement. Le chercheur français présente quelques chiffres pour une production sur dix ans. En ce moment, la batterie produite à la plus grande échelle est la batterie au plomb que l’on retrouve dans les voitures thermiques, suivie de loin par la batterie lithium-ion. Le reste de la production est négligeable.
Limites physiques
L’enjeu n’est pas seulement de savoir s’il existe assez de ressources pour produire cette quantité de batteries. Il est aussi de savoir si cette industrie est durable, ou si la ressource manquera après quelques années à peine.
Coût énergétique des batteries
Combien d’énergie faut-il pour produire des batteries? Combien de gaz carbonique cela représente-t-il? Fabien Perdu s’est aussi penché sur cet aspect.
Conclusions
Le chercheur tire diverses conclusions de cette étude, en particulier qu’à grande échelle, des techniques comme le pompage d’eau sont beaucoup plus efficaces pour le stockage de l’électricité. Mais il insiste surtout sur le fait que les besoins seront énormes et que la disponibilité des matériaux sera un facteur limitant pour la plupart des technologies actuelles ou en développement, même en tenant compte du recyclage. La solution, conclut-il, n’est pas du côté de la technologie, mais des économies d’énergie.
Sources :
– Diapositives de la conférence de Fabien Perdu.
– Le physicien Pierre Langlois a récemment réagit àune version préliminaire de ce texte ayant circulé sur Facebook. Ses conclusions sur les limites des batteries au lithium rejoignent celles de Fabien perdu. Blogue de Pierre Langlois Les batteries extrêmes, attention!