Dimanche 26 mai 2013
Premier texte écrit spécifiquement pour le journal (virtuel?) VOIR. Je suis heureux et flatté que Simon Jodoin m’ait demandé d’y collaborer. Mon plus ancien souvenir de VOIR, c’est de voir Jean Barbe, rédacteur en chef de l’époque, être reçu à la légendaire émission de Radio-Canada La Bande des Six pour en parler. Permettez-moi de vous raconter mon propre passage à cette émission, alors que l’excellente Marie-France Bazzo était restée muette – chose rare! – tout au long de mon entrevue, faisant comme si je n’existais pas. Faut dire qu’à cette époque, Croc et elle étaient en guerre ouverte. Mais ce sera l’objet d’un autre topo un jour.
Pour revenir au passage de Jean Barbe à cette émission, je me souviens avoir été très impressionné par le fait qu’il avait littéralement déchiré de ses dents son propre journal et avalé quelques pages. Tout un exploit, quand on se souvient qu’à l’époque Voir utilisait une encre sans doute à base de sable bitumineux qui tachait énormément les doigts de son lectorat.
Pour revenir à Simon Jodoin, il est jaloux du laisser-aller juridique qui existait dans les grandes années du magazine CROC. Il a raison de l’être, mais comme je l’ai souvent répété, j’ai eu l’impression où j’étais le rédacteur en chef de ce magazine de faire en même temps mes études en droit.
Comme vous le savez peut-être, un livre sur les années CROC paraîtra – enfin! – aux éditions Québec-Amérique. Je ne vais surtout pas voler le feu à ses 2 auteurs au sujet de la place du magazine dans l’histoire de l’humour au Québec, mais je profiterai de cette chronique pour vous raconter quelques faits d’armes anecdotiques de ce mythique magazine québécois fondé par mes amis Jacques Hurtubise et Hélène Fleury.
Les plus vieux d’entre vous se souviendront que CROC, au fil des années, a eu ses cibles récurrentes, ses têtes à claques préférées, ses runnings gags inépuisables… La ville de Drummondville en est le meilleur exemple. Au sujet de cette municipalité, je vous fais remarquer en passant que CROC n’existe plus, mais Drummondville est toujours là; tirez-en vos propres conclusions sur la notion de Progrès.
Parmi donc cette pléthore de cibles humoristiques, il y a eu inévitablement à une époque la légendaire chanteuse – maintenant diseuse et auteure – Michèle Richard. En cette matière, CROC n’était pas précurseur; nous ne faisions qnous ne faisions qu’embarquer dans une parade où plusieurs chars allégoriques se sont depuis ajoutés.
À une certaine époque, Michèle Richard avait annoncé son prochain mariage à un individu que je me contenterai d’appeler Yvan D., au cas où il ne serait pas en prison. À la même époque, Pierre Foglia, dans sa chronique dans La Presse, avait, pour une raison quelconque, comparé Michèle Richard à une tondeuse et autres objets du genre. Ne me demandez surtout pas pourquoi, mais toujours est-il que par la suite, il s’était pour une très rare fois excusé de ses propos dans les pages de ce même journal.
Pendant ce temps, à CROC, nous avions eu la bonne idée de publier en primeur mondiale les photos du mariage, AVANT que la cérémonie ait eu lieu. J’avais pour l’occasion recruté dans le quartier gai un travesti spécialisé en Michèle Richard. Par un beau matin, sur le Mont-Royal, nous avions fait de jolies photos. Je jouais le rôle de monsieur D. et à mes côtés on retrouvait ma/mon future (e) conjoint(e). Autour de nous, nos familles respectives, formées de figurants qui avaient échoué l’audition pour faire de la figuration dans le film Deliverance et, comme touche finale, une couple de tondeuses munies de cravates. Rien de méchant, quoi.
Un peu après la parution du numéro contenant la photo, je reçois un appel de monsieur D. en personne, plutôt en colère. Il m’explique en termes colorés que sa propre mère est en résidence pour personnes âgées et que depuis la parution de notre photo, les autres résidents la taquinent gentiment. Le nouveau marié conclut son appel par cette phrase succincte: «La Richard, je m’en crisse, mais t’as fait pleurer ma mère! T’es mieux de lui envoyer des fleurs!»
Ce que je fis, au grand dam de Jacques Hurtubise, qui m’avait – avec raison – traité de lâche. Il avait raison. Mais CROC est mort, et moi je suis toujours vivant.