SALMIGONDIS À MA MANIÈRE
Cela fait un certain temps que je suis à la fois intrigué et agacé par un auto-collant qu’on retrouve un peu partout à Montréal dans des vitrines de snack-bars et qui dit « Ne cuisinez pas, JUST EAT.CA ».Après vérification, j’ai constaté que c’était un signe qu’on pouvait commander à la maison de ces restos-là. Personnellement, je n’ai rien contre, ça peut même m’arriver de le faire même si dans le cas de certains des commerces portant ce sigle, il manque à mon avis un « CA » à la fin de la phrase.
Non, ce qui m’achale est à 2 niveaux (en passant, note pour les sportifs et les politiciens en conférence de presse : ceci est le bon usage du mot « niveau », contrairement à la manie de dire « au niveau » plus souvent que les ados disent « genre »; fin de la parenthèse.) Je disais donc que j’étais prodigieusement agacé par 2 choses : d’abord l’utilisation du français et de l’anglais dans la même phrase, comme dans les refrains de toutes les chansons qui jouent à CKOI; et deuxièmement, une sorte d’encouragement à ne pas se faire à manger soi-même. Et Dieu sait que je partais de loin dans ce domaine.
J’ai eu la chance de grandir- pas tant que çà- dans une famille où ma mère faisait à manger et mon père faisait la cuisine. Et en plus, j’étais difficile. À quel point difficile : je vous en fais la démonstration. Il fallait toujours que je laisse quelque chose dans mon assiette. Mais finfinaud, j’avais inventé une théorie qui justifiait cette pratique : la théorie du Méchant. Comme je l’expliquais à mes parents sceptiques, tout le monde sait que dans chaque aliment, il y a quelque chose de mauvais pour la santé; et pire encore ce mauvais est vivant. Alors si par exemple on mange une toast, le méchant a tendance à reculer vers le fond de la toast (partie que les scientifiques appellent « croute »). Conséquemment, si on laisse sa croute dans son assiette, on évite de manger le méchant. Simple, non?
Je disais donc que mon père faisait bien la cuisine. Je vous parle un peu de lui et non de ma mère parce que j’ai commencé ce texte en prévision de la fête des Pères de la semaine dernière et qu’à cause de mon célèbre don pour la procrastination, je serai donc –soyons positifs- très en avance pour la fête des Pères de l’année prochaine. Or donc, les talents de chef de mon père. Lui qui aurait toujours rêvé de vivre à la campagne devait se contenter de ses visites du samedi matin- juste avant l’ouverture des tavernes- au marché Jean Talon, et plus tard à son petit carré de terre au jardin communautaire du quartier Villeray. Oui, mon père avait vraiment le pouce vert, mais il avait aussi souvent le coude haut, ce qui donnait parfois des résultats mitigés. Je me souviens par exemple de la fois où il avait acheté un poulet entier et s’était installé au bout de la table de cuisine avec l’intention de couper à grands coups de hachoir les pattes de la dite volaille. Comme il était dans un état de légère ébriété, il s’était plutôt abattu le hachoir sur le pouce, heureusement avec le mauvais bord du hachoir. Je vous l’ai dit : il était dans un état de légère ébriété. Du coup il était tombé raide évanoui au bout de la table pendant que je hurlais « Mon père est mort! Mon père est mort! » en courant en rond dans notre logement, ce qui est vite fait quand on vit dans un quatre pièces du quartier Villeray…
Parlant de père disparu et de volatile, un autre jour mon père qui élevait amoureusement un couple de perruches, était sur la galerie arrière en train de nettoyer leur cage, lorsqu’il est entré en coup de vent, blanc comme un drap en disant : « J’ai perdu mon père ! » J’en ai d’abord conclu que doté de talents psychiques, mon père venant d’avoir une vision de mon grand-père Lionel raide mort. Non : sa perruche mâle venait de se sauver. Et puisqu’on parle de perruche, un aparté. Ça m’arrive. Connaissez l’histoire de la perruche et du regretté Gaston l’Heureux?
Un jour, à l’époque où il animait une émission en direct du complexe Desjardins, Gaston avait reçu un type qui avait appris à sa perruche à dire « Coco veut un biscuit ». Et de fait l’animal s’exécute avec brio. Par la suite, son maître la remet dans le sac de velours de cognac Crown Royal dans lequel il la transporte toujours soigneusement puis pose le tout sur l’estrade. Deux secondes plus tard, Gaston, qui était plutôt enveloppé à l’époque, s’assoit direct dessus. Comme j’avais dit à l’époque, cela avait pris 10 ans à la perruche à dire « Coco veut un biscuit » et dix secondes à apprendre à dire « Au secours! »
Revenons à mon père et à ses talents culinaires. Il était célèbre dans tout le quartier et très populaire chez ma gang d’amis à cause de sa mythique sauce à spaghetti qu’il préparait religieusement tous les samedis soirs. Je me souviens d’une cuvée particulièrement gouteuse qui avait un certain je-ne-sais-quoi. Nous avons découvert l’origine du je-ne-sais quoi en arrivant vers le fond du chaudron. J’ai mentionné un peu plus haut que nous vivions dans un (petit) quatre appartement : quand le samedi soir j’avais enlevé d’un geste svelte mes combinaisons Et mes bas d’un seul coup pour aller prendre mon bain, un des bas en question était aller choir dans le chaudron de sauce qui mijotait sur la cuisinière, juste à côté de la salle de bain. Mon père m’a pardonné mais n’a pas cru bon d’intégrer ce nouvel ingrédient à sa recette déjà mystérieuse. Nous étions aussi la seule maison du quartier où le traditionnel poulet laissait parfois sa place à des rognons et les patates bouillies aux choux de Bruxelles et brocolis. Détail amusant pour mes amis bédéistes : le grand Gotlib , quand il parlait de brocolis dans la Rubrique-À-Brac, les dessinait comme si c’était des pâtes, jusqu’à temps que je lui fasse découvrir la vraie chose lors d’un de ses passages au Québec. Pas chez mon père, évidemment, puisqu’il a bien fallu qu’un jour je parte vivre en appartement…
Quand je suis parti vivre en appartement avec mes amis François Bouvier et Michel Rivard, j’étais de loin le plus nul des 3 en cuisine. Mais j’ai décidé d’apprendre; je me souviens d’ailleurs que le premier livre de cuisine que j’ai acheté s’appelait THE I HATE TO COOK COOK- BOOK. Je vous le recommande. Et puis il fallait me rendre à l’évidence : le cœur des femmes AUSSI n’est pas loin de leur estomac, surtout les plus rubenesques. Ça me rappelle en passant qu’une des meilleures trouvailles que j’ai vues pour un titre d’article de journal était celui qui coiffait un reportage sur les mannequins féminins plutôt enveloppées. C’était dans le Village Voice de New York et ça s’appelait « VÉNUS DE KILO ». Joli, n’est-ce-pas?
Tout ça pour dire qu’au long des années je me suis amélioré en cuisine. J’en suis même arrivé à inventer ma propre vinaigrette dont mes amis disent qu’elle est excellente et qui je l’espère ferait la fierté de mon père. Je l’ai baptisée la SAUCE PH, pour des raisons que pour paraphraser Aznavour dans La Bohème « les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître ». La voici
Dans un bol à soupe :
-mettre 2 cuillères à soupe de moutarde de Meaux
-rajouter 2 cuillères à soupe de vinaigre balsamique (oui, je sais, habituellement on commence avec l’huile; mais c’est comme ça. Touiller avec une fourchette.
-ajouter une demi tasse de bonne huile d’olive en touillant toujours
-ajouter 2 cuillères à soupe d’huile d’olive et de mandarine. (On en trouve facilement dans les boutiques de produits fins et même dans le souk déguisé en librairie qu’on trouve sur St-Denis, côté ouest, entre Marianne et Mont-Royal
-ajouter un tiers de tasse d’oignons espagnoles hachés.
-ajouter 2 bonnes lamelles de gingembre confit (disponible dans le rayon des produits asiatiques de votre supermarché) très finement haché
-ajouter une cuillère à soupe de câpres égouttés (ça remplace le sel)
-poivrez au goût et touillez encore un peu.
Soyez prévenus : ça ressemble à du glop, mais ça va avec les salades, les asperges, etc …
Les plus aventureux peuvent rajouter un bas.
Ah… la cuisine…!
Des tas de marmites collées, des bols et des assiettes de toutes dimensions où s’agglutine une longue liste d’ingrédients des plus divers, sans oublier tamis et ustensiles tout aussi désespérément salis. Hum… Pas de quoi vraiment mettre l’eau à la bouche pour plusieurs.
Alors qu’il est si facile de pitonner quelques chiffres et d’attendre plus ou moins trente minutes qu’on sonne à porte.
Pour apporter quoi? Ça c’est souvent une autre histoire. Généralement ce sera du «junk on the go» à gros prix. Avec canettes de Pepsi ou de Coke + un ordre de frites inclus. Mais jamais du Maalox, ce qui complèterait si bien le menu.
Bon – j’écris «bon» comme ça, sans le moindre lien avec le menu ci-dessus… – donc je vais terminer avec ce par quoi j’avais tout d’abord l’intention de débuter. En vous remerciant, Monsieur Huet, pour la mention de ce mot «salmigondis»… Ce qui demande évidemment clarification.
Alors voici. Tous les matins, en autant que la météo le permette, je sors marcher quelques kilomètres en parcourant les rues de mon quartier. J’habite dans Côte-des-Neiges près de l’Université de Montréal et de l’Oratoire. Je sors très tôt, avant l’aube. Autour de 4h15 environ.
Et hier matin, en plus des chansons qui me trottent dans la tête, habituellement des miennes, le mot «salmigondis» aussi réclamait un peu de place. Sauf que – et c’est immanquablement toujours le cas – un mot que l’on connaît depuis longtemps trouvera le moyen de se défiler (quant à son orthographe) si on se trouve loin d’un dictionnaire. Et hier matin, c’était justement ce «salmigondis» qui avait décidé de me narguer plus d’une heure durant…
Tout au long de ma promenade, je ne croise personne ou presque. Parfois, des livreurs de journaux ou une ambulance se dirigeant silencieusement (!) vers l’hôpital St. Mary. Par contre, j’ai l’œil aux aguets. Car s’il n’y a pas grand-monde à rencontrer à une heure aussi matinale, j’ai fréquemment l’occasion de me retrouver soudain à quelques pas de ratons ou de moufettes. Et alors, vaut mieux garder ses distances d’avec ces fouineurs nocturnes…
Et puis, je suis toujours à même de constater la prédilection de plusieurs la veille au soir pour du junk accompagné de bière ou de soda, ainsi que pour des boissons énergisantes. Par endroits – et pas toujours dans les poubelles – plein de canettes et de bouteilles jonchent le sol. Le long des trottoirs ou ailleurs. À l’évidence, pas beaucoup d’amateurs de fine cuisine dans les parages après le coucher du soleil. Et pas beaucoup plus pour le respect de l’environnement.
Enfin, alors que l’aube commence à se pointer, je m’arrête souvent saluer celles et ceux qui se tapent le «shift» de nuit chez Pharmaprix, chez Metro ou chez Couche-Tard. Et je ramasse au métro les journaux 24h et Métro. Pour les mots croisés et les sudokus qui m’occuperont par la suite un peu.
À la fin, je rentre. Et je vide mon lave-vaisselle. Un modèle très performant Miele, lequel je nourris au Finish. Pour un résultat impeccable à tout coup. Peu importe l’état dans lequel la vaisselle et les marmites se trouvaient à leur entrée dans l’appareil, tout en ressort d’une propreté étincelante. (Toute une publicité que je fais ici…)
Et je me demande parfois si, mieux équipés, plusieurs ne délaisseraient pas le junk. Sachant que des marmites sales et des montagnes de vaisselle malpropre, c’est un problème qui se règle très facilement. Le coût? Oubliez les notes salées de junk et, avec ce que vous économiserez, procurez-vous un bon lave-vaisselle.
Et vous profiterez ensuite de meilleurs repas!
(Un peu longuet, tout ça… Mais en ce jour de la St-Jean, plusieurs commerces habituellement ouverts 24h sont fermés. Et ni les journaux 24h ou Métro ne sont publiés. Alors, j’ai fait exceptionnellement relâche en ce qui concerne ma marche de quelques kilomètres. Un peu de repos, donc. Bonne journée de Fête nationale, Monsieur Huet. Ainsi qu’à tout le monde.)
Un chausson avec ça ?!
Quel article ! Bon raconteur…