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À la recherche du temps perdu en avion

Quelques anecdotes à lire dans la salle des pas perdus d’un aéroport…

Décidément, plus ça va et plus Toronto bat Montréal sur toute la ligne : non seulement leur festival du film bat à plates coutures celui de Serge « Ma casquette » Losique , mais voilà qu’en termes de quantité et de longévité, les ennuis des passagers laissés en berne à l’aéroport Lester B. Pearson durant la récente crise de température extrême a laissé loin derrière les performances de l’aérogare Pierre Elliot-Trudeau. Faut dire que la moitié des gens qui auraient pu aller faire les cent pas à Trudeau n’ont jamais pu s’y rendre à cause des indications routières nébuleuses qui entourent l’endroit. Tout ça pour dire que cette crise m’a rappelé une couple d’anecdotes personnelles liées au merveilleux monde de l’aviation.

Première histoire. Il y a de ça quelques années, un producteur télé avait contacté mon ami Jean-Pierre Plante et moi avec une idée qu’il avait pour un nouveau concept télé. Il voulait faire une série avec ce qu’il est convenu d’appeler dans le monde de la télévision les moments « feel good » ou encore « human interest ».Oui, ce sont des termes anglais, et pourtant ce n’était pas un producteur de France. Ces termes désignent ces petites capsules amusantes, tendres ou cocasses que les diffuseurs rajoutent souvent à la fin du bulletin de nouvelles pour finir sur une note légère. Vous savez, du genre « cette semaine, le zoo de Pékin a présenté le tout premier bébé panda à avoir été accepté à l’émission Occupation double… ».Le producteur avait fait l’acquisition de centaines de ces capsules dans l’espoir d’en faire une quelconque série.

Après de longues heures de visionnement, Jean-Pierre et moi en étions venu malheureusement à la conclusion qu’il n’y avait pas grand chose à faire avec le tout, et l’affaire en était resté là. Mais au moins une de ces capsules m’est resté gravé dans la mémoire. Elle mettait en vedette la regrettée -c’est une expression- Lady Diana. Ça vous situe un peu la chose dans le temps. Dans la dite capsule, on faisait visiter à Lady Di et son entourage les tous nouveaux hangars à bagage de l’aéroport Heathrow, en banlieue de Londres. C’était effectivement impressionnant : un hangar grand comme celui qu’on voit à la fin du premier film d’Indiana Jones, où s’empilaient, rangée après rangée, et sur une hauteur de plusieurs mètres, des milliers et des milliers de valises. Mais ce n’est pas tout (et c’est là que le cocasse et amusant commençaient) : Lady Di et son entourage avaient alors droit à une démonstration. En effet, on leur présentait l’as-renifleur anti-drogue épagneul de l’aéroport accompagné de son maître-chien. Je le jure, le charmant chien en question n’était pas plus haut que le Milou de Tintin. On découvrait alors que pour les fins de la démonstration, on avait dissimulé de la drogue dans une valise. On m’a toujours dit que ce type de chien renifleur étaient en fait des chiens préalablement drogués, qu’on avait par la suite sevrés; ce qui expliquait leur application fleurant le fanatisme à découvrir de la drogue dans nos valises. Toujours est-il que dans ce cas, ça marchait furieusement. La valise en question avait été dissimulée sur une étagère d’au moins 3 mètres de haut, ce qui n’avait pas découragé le chien , de faire un triple salto et d’attraper la valise, sous les applaudissements polis de Lady Di et de son fameux entourage. Ceux-ci continuaient ensuite de faire leur visite guidée. Pendant ce temps-là, on assistait en background à une scène désopilante. Le toutou drogué, fier de sa découverte, ne voulait pas lâcher prise et mordait furieusement dans la valise; son maître, de son côté, ne voulait pas lâcher la poignée de la valise. Résultat : pendant que Lady Di s’éloignait tranquillement dos à la scène, on apercevait derrière le maître-chien faire de furieux moulinets avec au bout du bras une valise, valise que l’épagneul enragé refusait de lâcher.

Autre anecdote. En 2001, alors que j’étais producteur au contenu sur les fameux Gags Juste Pour Rire qui ont depuis envahi la planète et ses avions (mais ce n’est pas pour ce dernier détail que j’en parle aujourd’hui) nous avions été invité à aller présenter quelques exemples des gags en questions dans le cadre d’un talk-show américain qui s’enregistrait à New York.Cela s’appelait le Ricki Lake Show, et on l’aura deviné, c’était animé par une certaine Ricki Lake. Comme j’étais le producteur et que je me débrouille plutôt bien en anglais, c’est moi qu’on avait désigné pour aller sur le plateau de l’émission. Je dois avouer que je ne connaissais ni l’émission ni son animatrice, mais à l’époque c’était un gros succès à la télé généraliste. J’avais eu droit à la totale : avion, limo de l’aéroport jusqu’à mon luxueux hôtel de Manhattan; limo qui m’y reprend le lendemain matin pour m’emmener au studio; générale, puis enregistrement et re-limo en direction de La Guardia et mon avion vers Montréal. Tout c’était bien passé à un minuscule détail près : à la répétition, j’ai pris l’animatrice pour sa doublure, tellement la personne devant moi ne ressemblait pas à la Ricki Lake qu’on retrouvait partout sur les affiches dans le studio. Les premiers pas du Botox, j’imagine. Parce que j’ai négligé de vous mentionner que l’époque en question, c’était le 20 septembre 2001, soit, si vous comptez juste, à peine 10 jours après l’attentat du World Trade Center. Il régnait dans la ville une sorte de paranoia générale et-je n’invente malheureusement pas ce détail- une odeur de viande brûlée. Parlant de paranoïa, j’ai un jour lu une courte nouvelle de science-fiction où le héros souffrait d’un symptôme bizarre : il avait toujours l’impression de suivre quelqu’un : la nouvelle s’intitulait…NARAPOÏA. Mais je m’éloigne.

Toujours est-il que je termine l’enregistrement de l’émission sous les vivats et les bravos et que je m’engouffre dans ma limousine qui m’attend près du trottoir. Il est à peu près 16h30 et nous sommes en plein Manhattan. Mon avion est à 22h30, il n’y a donc pas urgence. Je demande à mon chauffeur de d’abord m’emmener chez F.A.O. Schwartz, le célèbre magasin de jouets de New York, question de rapporter des souvenirs à mes filles. Il obtempère. À peine trente minutes plus tard mes achats sont terminés- ça coûte cher, F.A.O. Schwartz !- et même s’il est à peine 5h30, mon chauffeur m’explique qu’il faut déjà se diriger vers l’aéroport, vu les célèbres problèmes de circulation de New York du vendredi soir. Je sais maintenant, avec le recul des années, qu’il m’arnaquait complètement et qu’en fait il a hâte de se débarrasser de moi pour rentrer chez lui pépère. Donc je me fie à son expérience et j’obtempère.

Je me retrouve donc à l’aéroport de La Guardia plus de 4 heures avant le départ de mon vol vers Montréal. Même en tenant compte des fouilles extrêmes que les autres passagers et moi devons inévitablement subir –rien d’étonnant, vu l’époque- nous nous retrouvons dans la modeste salle d’attente pour notre vol au moins 3 heures avant l’appel de l’embarquement. C’est une salle à peu près carrée avec 2 groupes de sièges séparés par une allée. Nous sommes à peu près 40 et, tiens donc, il y a à peu près 40 sièges. Sauf qu’il y a un pépin : parmi notre groupe de passagers, il y a UN -j’insiste- UN passager qui est manifestement arabe, qui de toute évidence, a passé sans encombre toutes les épreuves et questions des douaniers. Mais le groupe de passagers dont je fais honteusement partie en sait plus que ces douaniers. Je vous ai parlé plus haut de paranoïa. Et bien nous avons passé mes 38 amis et moi les 3 heures entassés ensemble dans la première section de 20 sièges, pendant que de l’autre côté de l’allée, notre compagnon de voyage au teint basané avait les 20 autres sièges pour lui tout seul!

Une dernière courte histoire, que j’ai déjà racontée ailleurs mais c’est pas grave. C’est peut-être une légende urbaine, mais il paraît qu’un jour, un réalisateur québécois est parti à Los Angeles pour travailler sur un projet de télévision. Lorsque les douaniers de l’aéroport lui ont demandé quel était le but de son voyage, il aurait répondu candidement : « I’m here to shoot a pilot! ». Quelques ennuis s’en suivirent…