BloguesLe blogue de Pierre-Luc Brisson

Pourquoi vote-t-on ?

C’est désormais confirmé : le gouvernement de Philippe Couillard ira de l’avant avec la modulation des frais de service de garde selon le revenu familial, une modulation qui pourrait faire passer le coût d’une journée en CPE de 7 à 20$ par enfant pour certaines familles au revenu plus « élevé ». Se drapant dans le concept creux de « réelle justice sociale », le premier ministre a tenté d’esquiver hier en chambre les critiques de ses vis-à-vis qui lui reprochaient d’avoir ainsi brisé, en à peine huit mois, l’une de ses principales promesses de campagne qui voulait qu’un gouvernement libéral se limiterait à une indexation graduelle des tarifs, reprochant du même souffle à l’ancien gouvernement Marois le « choc tarifaire » qu’il aller créer en faisant passer à 9$ les frais quotidiens… Mesurez l’ironie!

Talonné par ses adversaires, Philippe Couillard s’est justifié en affirmant qu’au moment de son élection, il n’était pas en mesure de correctement apprécier l’état des finances publiques laissées par le gouvernement péquiste, évitant du même coup de reconnaitre que le PLQ a été au pouvoir durant près de neuf ans, malgré l’éclipse du gouvernement Marois, et que la situation des finances publiques leur est, de fait, largement attribuable… Mais au-delà de la joute parlementaire, nous sommes en droit de nous demander, au juste, à quoi sert encore de voter et de participer à la mascarade grotesque que sont devenues les élections provinciales, si elles n’ont en définitive aucun impact sur les politiques que mèneront par la suite les membres du gouvernement. Au printemps dernier, quand a-t-on informé les électeurs que le gouvernement allait proposer un éventail de tarifs allant de 7 à 20$ pour le réseau des CPE? Quand a-t-on esquissé en campagne électorale les grands contours de la cure d’austérité qui nous est servie aujourd’hui et qui impacte tous les secteurs de l’État, du réseau des universités à qui l’on a récemment asséné une nouvelle coupe de 30 millions, jusqu’aux municipalités qui seront privées de 300 millions de transferts, les obligeant ainsi à réduire leurs services… ou taxer davantage leurs citoyens!

Interrogée ce matin sur les ondes de Radio-Canada, la ministre Francine Charbonneau, dont le peu d’envergure politique n’a d’égale que son incapacité à formuler une idée claire et pertinente, justifiait sa décision de procéder à la modulation des tarifs en affirmant que les Québécois avaient confié à son gouvernement le mandat « de protéger la cote de crédit du Québec ». Magnifique projet de société! La réalité, c’est que nous ignorons toujours quel « mandat » a été confié au PLQ. La réalité, c’est que notre « démocratie » est bel et bien malade. Malade du peu d’imputabilité de ses élu(e)s qui n’hésitent pas à tout bonnement rompre leurs promesses et qui, une foi la rupture consommée, n’ont aucun compte à rendre à leurs citoyens entre deux scrutins, et ce, malgré leurs manquements éthiques. Notre « démocratie » n’en est plus une, alors que le « rôle » politique des électeurs, récepteurs passifs de slogans publicitaires, se résume au geste désincarné de déposer dans une urne un bulletin de vote, une fois tous les quatre ans… Et qu’à cela ne tienne, le résultat électoral n’est en rien le reflet d’une véritable majorité d’opinion, alors que nos gouvernements majoritaires sont élus… avec une minorité de suffrages (60,4% des Canadiens ont voté contre le Parti conservateur en 2011 et 59,5% des Québécois ont voté contre le PLQ en 2014). Or, le gouvernement de Philippe Couillard n’est que le résultat d’une vingtaine d’années d’inaction au chapitre de la réforme des institutions démocratiques, alors que tous les grands partis de gouvernement ont successivement promis d’inclure une dose de proportionnalité dans notre mode de scrutin, avant que d’oublier cette promesse une fois l’élection passée…

Heureusement qu’il y a encore des mouvements citoyens, des manifestants, des journalistes et des auteurs qui font honneur à notre idéal démocratique. C’est dans la réflexion et le débat, sur le terrain, que se trouve le véritable champ d’action du citoyen. Mais pour les autres, qui pourrait leur en vouloir de désormais rester à la maison et de se demander : « Pourquoi vote-t-on ? »