Ti-Mé s’est trouvé aujourd’hui un défenseur inattendu en la personne de Mathieu Bock-Côté, qui s’est fendu ce matin d’un billet au titre quelque peu provocateur et au niveau de langage fort improbable sous le plume de cet auteur: « Le sport préféré des «branchés»: fesser sur Claude Meunier ». Reprochant aux critiques de télévision d’avoir planifié d’avance l’enterrement du tout nouveau « Ti-Mé show », Bock-Côté en profite pour faire le procès de ceux qu’ils qualifient d’«hypermodernes» méprisants, dont « le message est clair: tasse-toi pépère. Tu n’es plus assez jeune. Assez tendance. Assez branché. Assez à la mode. » Revêtant le chapeau de défenseur de la classe populaire, le sociologue-chroniqueur croit déceler dans les critiques récentes une sombre obsession dirigée contre Claude Meunier : « [ils] ne se contentent pas de ne pas aimer Claude Meunier: ils veulent en finir avec lui », obsession qui ne serait en fait que le reflet d’un mépris de classe encore plus grand porté par les élites contre la masse des téléspectateurs friands de ce genre de divertissement.
Or, en cédant aussi facilement à ses propres marottes (celle de la défense du « peuple » supposément méprisé par une élite intellectuelle à laquelle, de fait, il appartient lui-même !), Bock-Côté évite sciemment de s’attarder au problème soulevé par plusieurs commentateurs – et j’en suis – qui dénoncent non pas les qualités artistiques de Claude Meunier (c’est un autre débat), mais bien le choix de programmer, et à coup de millions, cette émission humoristique alors même que la société d’État procède à des coupes importantes dans ce qui constitue sa vocation première : la diffusion de l’information et la mise en valeur de la culture francophone, au Québec comme ailleurs au pays. Les bulletins d’informations régionaux sont compressés, les animateurs-phares quittent le navire et les émissions de la Première chaîne passent à la coupe ? Pas de problème, puisque nous avons désormais Claude Meunier !
Figure paradoxale que celle de Mathieu Bock-Côté qui se fait régulièrement un plaisir de vanter – et avec raison ! – les mérites d’une chaîne publique comme France culture, qui n’hésite pas à programmer des émissions entièrement consacrées à l’histoire, la littérature, la philosophie ou la spiritualité, mais qui échoue à comprendre les critiques actuellement adressées à la direction de Radio-Canada. Divertir, amuser ? Bien sûr que la télévision publique doit aussi remplir ce mandat et certaines émissions et téléséries (« Un air de famille », « Les enfants de la télé », «Les Parent », etc.) le font très bien. Or, ce mandat de divertir ne doit pas prendre le pas sur la mission première qui devrait être celle d’une chaîne publique : informer et cultiver la population.
Existe-t-il une émission littéraire diffusée à heure de grande écoute à la télévision de Radio-Canada ? Existe-t-il un magazine culturel ou une émission d’affaires publiques qui, à l’instar des émissions françaises prisées par Bock-Côté, laisserait la place à deux heures complètes d’analyse et de débat sur des thèmes politiques ou philosophiques actuels? Un simple coup d’œil à la programmation de la société d’État suffira à répondre à cette question. Alors du mépris, de la condescendance envers Claude Meunier ? Non. Plutôt une profonde lassitude devant les choix d’un diffuseur public qui peine à justifier sa raison d’être et qui, plutôt que d’élever notre esprit et de faire de nous des citoyens plus engagés dans la vie de la cité, se contente de nous considérer comme des récepteurs passifs de blagues sentant le réchauffé. Lorsque Radio-Canada aura définitivement cessé de parler à notre intelligence pour se consacrer entièrement à ses cotes d’écoute et à ses revenus publicitaires, il sera alors trop tard pour rire des blagues de Ti-Mé…
Je viens de lire l’article de Bock-Côté. Je suis d’accord pour dire que ses propos auraient été mieux balancés s’il avait fait allusion au contexte de Radio-Canada se trouve et du questionnement à propos de son mandat. Par contre, l’aspect qu’il soulève n’en demeure pas moins tout à fait vrai à mon avis. Après avoir lu la critique du Devoir et les propos de leurs lecteurs en réponse à cette critique, je suis convaincu que l’élite culturelle québécoise s’acharne sur Claude Meunier. Tout le monde s’entend sur le site du Devoir pour dire que Claude Meunier n’est pas drôle et que son émission était une catastrophe… je l’ai regardée, c’était un peu inégal, mais certainement pas une catastrophe. Mais il est de bon ton d’affirmer que Moi, Claude Meunier de toute façon ne m’a jamais fait rire. L’élite ne trouve en général aucun humoriste drôle, sauf exception (genre Marc Favreau ). Quand l’économie est menacée on entend souvent les gens blâmer l’immigration, quand la Culture est menacée, on blâme souvent cette « sous culture » qu’est l’humour, d’autant plus que les humoristes font de l’argent… L’humour et Claude Meunier sont des boucs émissaires.
Va-t-il avoir une élite dans l’avion ? Un magazine littéraire en grande écoute ! L’économie française pour des raisons historiques a construit une économie du livre. Apostrophe fut le dernier soubresaut télévisuel de cette riche histoire des lettres de papier.
Aujourd’hui nouveau paradigme l’éphémère-permanent qui invente une économie du divertissement basé sur le numérique avec en prime une nouvelle mondialisation par des technologies de plus en plus sophistiquées. Comme l’invention de Johannes Gutenberg a permis la christianisation du monde. La dématérialisation du cinéma suit son cours. La place de l’acteur se résume de plus en plus à un corps branché et modélisé et une voix ! Le dernier film sera interprété par la voix de ___! Le théâtre du groupe de R. Lepage est symptomatique du contexte structurel et culturel d’aujourd’hui. La technologie est utilisée avec abondance en cherchant à neutraliser les effets de vitesse en étirant le temps de la narration.
Pour qui et pourquoi maintenir une télévision nationale au Canada ? Quand le PLQ conteste l’enseignement du français dans les écoles de l’Ouest canadien ! Peur que la communauté anglaise revendique la même chose au Québec. Plus d’anglais dans nos écoles québécoises. Pour le reste du Canada plus de français ! On choisit nos batailles !
Que devient la culture populaire dans le contexte de la nouvelle mondialisation ? Il semble que le discours sur la culture d’élite et de la culture populaire devient encore un enjeu d’une guerre des médias au Québec ! Est-ce que le schéma l’un contre l’autre et l’un avec l’autre qui a été longtemps le jeu d’équilibre entre le populaire et l’élite s’efface maintenant pour un autre paradigme avenir ?