C’est maintenant chose faite. Ce qui semblait inéluctable est, en effet, advenu hier soir : Pierre-Karl Péladeau est maintenant chef du Parti Québécois. L’homme d’affaires et magnat des médias a été plébiscité par 58% des membres votant, au terme d’une course terne et sans passion durant laquelle la formation politique aura fait l’économie de questions fondamentales concernant sa démarche d’accession à l’indépendance, ou encore l’épineuse question des conflits d’intérêts qui peuvent exister pour un homme qui possède le plus grand groupe de presse de la province et qui aspire, en même temps, au poste de premier ministre. Les candidats qui « osèrent » tenter d’éclaircir le flou des propositions politiques de PKP (Bernard Drainville, Pierre Céré) en ont pris pour leur grade, essuyant les huées copieuses des militants qui assistaient aux débats. Débats qui, par ailleurs, étaient vite devenus des exercices purement stylistiques, où l’on s’échangeait des politesses sans se rudoyer, tant et si bien que l’ex-journaliste Gilles Gougeon avait senti le besoin de lancer aux aspirants-chefs, lors de l’avant-dernière « confrontation » : « Je vous rappelle qu’il s’agit d’un débat! »
Le PQ semble retomber dans ses vieux travers et avoir cédé, encore une fois, à l’appel du messie politique, couronnant celui qui trônait dans les sondages d’opinion, mais qui ne s’est jamais démarqué ni par la profondeur de sa réflexion politique et encore moins par son charisme ou ses habiletés de communiquant. Peut-être est-ce là le lot des formations politiques qui ont été marquées par un père fondateur charismatique qui a transcendé l’histoire de son pays. Or, n’est pas René Lévesque qui veut. Cette détestable tendance à chercher un chef charismatique est d’autant plus fâcheuse qu’elle semble être en décalage avec les aspirations politiques d’une part de plus en plus importante de citoyens et de regroupements qui voient dans l’action collective et l’engagement social les moteurs d’une réelle implication politique, bien loin de la recherche d’un guide messianique. Les récents mouvements d’opposition à la construction d’un port méthanier au Bas St-Laurent ou à la construction d’un pipeline transcanadien en témoignent bien. La politique évolue, peu à peu; le PQ est quant à lui resté englué dans ses vieux réflexes.
Déjà ce matin, certains chroniqueurs de Québécor saluaient l’élection de Péladeau, rivalisant de ridicule pour souligner le discours de victoire du nouveau chef péquiste. Stéphane Gobeil, ancien apparatchik péquiste, écrivait ainsi ce matin dans les pages du Journal de Montréal que PKP avait livré un discours « aux accents gaulliens » – encore cette obsession du général de Gaulle que partagent les péquistes conservateurs! – affirmant du même souffle et sans rire « qu’un homme d’État est apparu ». Pouf! Il est tout bonnement descendu des cieux! Cette épiphanie péquiste, pour l’heure, aveugle les militants souverainistes qui sont incapables de voir que leur champion est sans doute le chef à n’avoir jamais dirigé le parti de René Lévesque dont la situation politique est la plus fragile. Sa propension à se mettre les pieds dans les plats et la prochaine commission parlementaire sur son statut d’actionnaire majoritaire de Québécor devraient à nouveau souligner sa fragilité. La récente déclaration de Brian Mulroney, qui affirmait que Péladeau est toujours consulté sur certains enjeux touchant la conduite de son empire médiatique, apportera sans doute beaucoup d’eau au moulin des adversaires du nouveau chef péquiste.
De deux choses, l’une : ou bien PKP mènera le PQ à la victoire lors d’un prochain scrutin général, ou il subira un échec électoral qui scellera son destin politique. Lorsque les militants péquistes sortiront de leur rêve éveillé et qu’ils cesseront d’adorer leur nouvelle idole, beaucoup devront espérer que leur champion se révélera à la hauteur des espoirs qu’ils ont placés en lui. Le réveil risque cependant être brutal…
Un peu plus tôt cet après-midi, je relisais quelques aventures d’Iznogoud, ce grand vizir qui voulait être calife à la place du calife.
Puis, après une petite sieste (Haroun el Poussah est «contagieux»), voilà que je tombe sur ce billet relatant les visées apparentées d’un autre aspirant au premier coussin.
Des cas sensiblement analogues, dans une bonne mesure.
Sauf que le premier a le grand mérite d’être divertissant…
Qu’en sera-t-il du second? Après les réjouissances, la route direction Waterloo et le réveil sur Sainte-Hélène pourrait bien être la suite la plus probable.
Curieux comme les militants restés au PQ sont devenus religieux.
Non seulement ils excommunient tous les souverainistes qui osent critiquer LE parti (en les déclarant « faux souverainistes », voir « à la solde du PLQ »), mais ils croient aux sauveurs.
Pourtant, une pensée moindrement critique leur aurait permis d’apprendre du passé.
Le premier sauveur, Bouchard, devait prendre le 49,6% de OUI du référendum de 1996 pour, avec son « immense charisme » (que je semblait être un des rares à ne pas voir), nous mener rapidement à la souveraineté. A la place, il a écarté celle-ci en attendant « les conditions gagnantes » et démantelé avec enthousiasme l’État québécois. Et mener le PQ au désastre de 2003 (même si c’était Landry qui dirigeait à ce moment, il n’avait fait que suivre la lancée donnée par Bouchard).
Le PQ a perdu un demi-million d’électeurs à ce moment, qu’il n’a jamais récupérés.
Le second sauveur, Boisclair, devait rallier les jeunes et nous conduire à la victoire. Malgré l’appui de l’aile jeunesse du PQ, devenue sa garde prétorienne, et le 53% d’appuis qu’il avait dans les intentions de vote quand il est devenu chef, il a conduit le PQ à la pire défaite de son histoire (seule l’élection de 1970 a donné un score plus bas).
Honteux de s’être trompés de « sauveur », les péquistes ont plébiscité Marois. Cette fois, avec cette grande dame, future première femme PM du Québec, il était « sûr » qu’elle conduirait le PQ à la victoire.
Malgré un écœurement général et une grande mobilisation populaire contre Charest, elle a été incapable de former un gouvernement majoritaire. Pour ensuite déclencher des élections hâtives et conduire le PQ à la pire défaite de son histoire (battant même le désastre de Boisclair).
Maintenant PKP est censé rallier les financiers, rallier les souverainistes et vider la CAQ de ses électeurs pour réaliser le « pays ». C’est la dernière chance parait-il.
Et on attend toujours le moindre signe d’une seule conversion au PQ de financier, de solidaire ou de caquiste. Malgré qu’on sait depuis plus d’un an qu’il serait très certainement le chef du PQ.
Et je ne parle pas des risques de confier, sans aucune garantie, l’avenir du parti au financier lédéraliste e plus agressivement néo-libéral du Québec, ex-grand donateur de Charest, proche de Harper et mystérieusement et soudainement converti à la souveraineté et même, incroyable, à la sociale-démoratie.
« Et on attend toujours le moindre signe d’une seule conversion au PQ de financier, de solidaire ou de caquiste. Malgré qu’on sait depuis plus d’un an qu’il serait très certainement le chef du PQ. »
justement le pq est passé de 19% à 34% des intentions de vote depuis un an. à mon avis quelques caquistes et solidaires se sont convertis.
« l’avenir du parti au financier lédéraliste e plus agressivement néo-libéral du Québec, ex-grand donateur de Charest… »
ok. selon toi péladeau est un imposteur, c’est ça? il n’est pas indépendantiste, c’est ça?
Vous soulevez justement un point important: Les conflits d’intérêt potentiels que causent le fait que PKP soit l’actionnaire de contrôle de Québécor.
Tous les sondages que j’ai vu dans le passé étaient publiés avec une comparaison du sondage précédent. Ou, encore mieux, avec plusieurs sondages immédiatement précédent.
Ce sondage, commandé et publié par le JdM innove: Il compare les résultats avec le sondage, non pas précédent, mais celui qui donne le plus bas score au PQ dans l’ensemble de tous les sondages Léger depuis 1,5 an (en fait, c’est aussi le sondage avec le plus bas score de l’histoire, plus bas même que le résultat du 7 avril 2014).
C’est un manque de rigueur qui semble avoir été motivé par des considérations partisanes. Pour donner l’impression d’une brutale remontée. Sondage commandé par le principal journal de PKP. C’est volontaire ou non ? La question se pose. Parce qu’il n’y a strictement aucune raison de procéder ainsi.
Comme avoir choisi le meilleur résultat pour le comparer au sondage d’aujourd’hui aurait aussi été biaisé.
Si on veut être rigoureux, il faut comparer avec TOUS les sondages précédents. Pas choisir celui qui fait notre affaire.
A titre d’information, vous pouvez faire l’exercice: http://www.leger360.com/admin/upload/publi_pdf/HDIV-Prov-Quebec.pdf
ok tu as raison. je reformule.
justement le pq est passé de 19% à 25% à 28% à 34% des intentions de vote depuis un an. à mon avis quelques caquistes et solidaires se sont convertis.
ce qui est bien avec ta recommandation c’est que ça met en évidence une tendance lourde, ainsi on ne peut mettre le score actuel du pq sur le dos de la volatilité.