François Hollande s’est adressé aujourd’hui aux élu(e)s du Parlement français, réunis exceptionnellement en congrès au château de Versailles, afin de leur étayer l’éventail de mesures qu’il entend mettre en place ces prochains jours et semaines afin de lutter contre la menace terroriste intérieure et extérieure qui pèse sur la France. Un événement rarissime sous la Ve République et rendu possible, ironie de l’histoire, grâce à un amendement constitutionnel présenté par son prédécesseur, amendement auquel François Hollande, alors à la tête de l’opposition socialiste, s’était opposé… Inflexion dans la politique militaire de la France menée au Proche-Orient, intensification des frappes aériennes, déchéance de nationalité pour les Français possédant une double citoyenneté (fussent-ils nés en France) et soupçonnés d’activités terroristes, renforcement des effectifs policiers, renforcement des moyens technologiques de lutte à la menace terroriste; François Hollande s’est présenté aujourd’hui aux élu(e)s français en véritable chef de guerre. Bien plus qu’une réaction prévisible aux attentats meurtriers de Paris, Hollande joue ces jours-ci l’avenir de son quinquennat, face à une droite et une extrême droite qui accumulent, depuis plusieurs mois, les gains électoraux face à un Parti socialiste en désarroi.
Un président affaibli
Les tristes événements de Paris sont survenus à trois semaines du premier tour des élections régionales françaises, alors que le parti du président Hollande semble éprouver de sérieuses difficultés, placé derrière le Front national de Marine Le Pen dans les enquêtes d’opinion, et ce, dans trois régions différentes dont l’Alsace-Lorraine. La popularité du président français, quant à elle, est en berne depuis plusieurs mois, ce dernier ne recueillant à peine 16% d’opinions favorables en octobre dernier, sa popularité personnelle échouant depuis un an à dépasser la barre des 23%. C’est donc un président affaibli, en perte de vitesse, qui doit piloter aujourd’hui l’union de la classe politique française – déjà mise à mal par les récentes interventions de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen – et la réponse des autorités à la menace posée par Daesh.
Un chef de guerre affaibli, donc, qui ne peut ignorer la conjoncture politique et la pression posée par ses adversaires qui se livrent, depuis plusieurs mois, à une surenchère sécuritaire sur le thème de l’identité et de la « menace » supposée que laisserait planer l’arrivée massive de réfugiés de guerre syriens en sol européen. Le tour de vis qu’a annoncé aujourd’hui le président français, nécessitant notamment un amendement constitutionnel afin de renforcer l’arsenal législatif mis à la disposition des forces de l’ordre, n’augure rien de bon pour la suite des choses. S’agit-il là d’une réponse nécessaire et proportionnée à la menace posée par Daesh, ou la faiblesse politique du président lui impose-t-elle un virage sécuritaire qu’il aurait été en mesure d’éviter ou d’atténuer si sa propre position personnelle avait été plus assurée?
Bien plus, le risque qui guette aujourd’hui le président Hollande est de voir une partie de la gauche intellectuelle et politique française – représentée notamment par Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche – refuser le plan aujourd’hui présenté aux parlementaires réunis à Versailles. S’il est probable que le plan élaboré par le gouvernement socialiste recueille l’assentiment d’une importante majorité au sein de la classe politique et dans l’opinion publique, il est encore incertain que cela se traduise par une embellie politique pour le président Hollande et ses troupes. À la lumière des dérives sécuritaires orwelliennes occasionnées aux États-Unis par les attentats du 11 septembre et dont l’ampleur inégalée a été révélée par Edward Snowden, il est légitime aujourd’hui de se questionner sur le recul possible des libertés individuelles et politiques qui pourrait résulter de l’annonce faite par François Hollande. Il s’agit là d’un jeu d’équilibriste difficile à effectuer pour un président qui ne dispose plus du poids politique nécessaire afin de contrebalancer la tonitruance de ses adversaires de droite, qui sortiront sans doute vainqueurs de la séquence politique qui s’amorce. La vigilance, aujourd’hui plus que jamais, sera une nécessité de tous les instants.
Ce qui m’effraie, c’est qu’un président en dégringolade se raccroche à une bouée de sauvetage en imposant, pour ce faire, des mesures liberticides.
Pour une affaire de police. Mesures d’urgence et même un changement constitutionnel, pour attraper le dernier survivant des tueurs de vendredi ? Mobiliser les forces de police pour attraper un fuyard et d’éventuels complices ne suffit plus ?
« La vigilance, aujourd’hui plus que jamais, sera une nécessité de tous les instants. »
Mais pas pour sauver la carrière de Hollande. Pour sauvegarder les libertés face à un État de plus en plus contrôlant.