Comme il fallait s’y attendre, les voix tonitruantes de la droite conservatrice américaine se sont élevées, au lendemain du terrible massacre perpétré dans une boîte gaie d’Orlando, afin de relancer de plus belle la lutte contre l’ennemi musulman fantasmé, Donald Trump appelant à nouveau à fermer les frontières de l’Amérique à tout nouvel arrivant de confession musulmane. Au-delà des propositions délirantes du candidat républicain aux élections présidentielles de novembre, la droite américaine livre présentement un véritable combat afin de s’approprier le sens de cet événement tragique, occultant le caractère fondamentalement homophobe de cette tuerie pour n’en faire qu’un nouvel épisode dans la longue guerre des civilisations que se livreraient l’Occident et le monde musulman. Le meurtrier d’Orlando – dont nous découvrons aujourd’hui de nouveaux aspects de sa personnalité trouble – n’a pas cherché à faire le plus de victimes en ciblant, au hasard, un lieu public, un centre commercial ou un rassemblement sportif. Ses victimes ne se dénombrent pas dans la foule anonyme des citoyens de passage, qui auraient eu le malheur d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. Les quarante-neuf victimes de la tuerie de dimanche dernier ont eu à payer de leur vie le choix qu’ils ont fait de vivre au grand jour, et dans la plus parfaite normalité, leur orientation sexuelle. À travers elles, c’est leur identité homosexuelle même qui était ciblée. Refuser de le voir, refuser de nommer cet acte pour ce qu’il est, équivaut à tuer symboliquement, une seconde fois, ces jeunes femmes et ces jeunes hommes qui ont eu à payer de leur vie leur droit de vivre leur différence au grand jour.
Les nouveaux fascistes américains
Cette tuerie, surtout, expose de façon éclatante la carte de la haine ordinaire qui, partout aux Etats-Unis, s’instille dans les communautés et canalise le mécontentement de citoyens déclassés, pour qui la détestation de l’Autre devient un élément fédérateur, une façon de se redonner un sentiment de puissance, de réintégrer la communauté dont ils ont été économiquement exclus. Cette haine est tournée vers celles et ceux qui, membres de minorités « privilégiées », auraient bénéficié des politiques mises en place par l’élite progressiste américaine, toute dévouée à la défense des libertés et de l’égalité des droits, délaissant du même coup les nécessaires transformations économiques dont le pays a besoin. Cet Autre tant haï, c’est le travailleur mexicain sans-papiers, un « violeur » et un « tueur » dans la bouche de Donald Trump, qui a parfois fui la violence et les difficiles conditions de vie de son pays afin de chercher un avenir meilleur au nord de la frontière, en travaillant pour des salaires de misère dans des emplois délaissés par la majorité blanche américaine. Cet Autre, c’est l’immigration de confession musulmane, d’emblée soupçonné de sympathies terroristes, qui a peut-être fui les violences qui ont défiguré la Syrie et qui se sont répandues dans un Moyen-Orient complètement désorganisé suite aux interventions impérialistes américaines. Cet Autre, ce sont aussi les membres de la communauté LGBT, ces hommes et ces femmes qui réclament le droit de pouvoir officialiser, aux yeux de l’État, leur union avec leur conjoint, ou tout simplement faire reconnaître l’altérité de leur identité sexuelle.
Cette tuerie, surtout, expose de façon éclatante la carte de la haine ordinaire qui, partout aux Etats-Unis, s’instille dans les communautés et canalise le mécontentement de citoyens déclassés, pour qui la détestation de l’Autre devient un élément fédérateur, une façon de se redonner un sentiment de puissance, de réintégrer la communauté dont ils ont été économiquement exclus.
Ceux qui, à l’extrême-droite de l’échiquier politique, se servent aujourd’hui de la tuerie d’Orlando afin d’alimenter la haine envers la minorité musulmane américaine sont les mêmes qui, hier, acclamaient la greffière Kim Davis à sa sortie de prison, au Kentucky. Davis avait été condamnée après avoir refusé de reconnaître l’union de couples gais du comté de Rowan, et ce, malgré les jugements de la cour et l’ordonnance du gouverneur démocrate de l’État, en raison de ses convictions religieuses chrétiennes. « Ces décisions n’ont pas été prises sur un coup de tête », a-t-elle affirmé devant la cour en 2015, renchérissant: « Elles étaient murement réfléchies et au-travers de ces décisions, c’est Dieu que j’ai recherché. » Ce sont ces mêmes militants conservateurs, les nouveaux « fascistes américains », pour reprendre les mots du journaliste et essayiste Chris Hedges, qui ont fait de cette fonctionnaire zélée l’égérie de la droite religieuse, en lutte contre ces groupes qui affaibliraient moralement la société américaine, appelant à une restauration morale et spirituelle du pays.
Depuis 1971, le Southern Poverty Law Center étudie l’évolution des mouvements et des organisations à caractère haineux (suprémacistes blancs, homophobes, islamophobes, anti-gouvernement, etc.) partout sur le territoire américain. L’organisation faisait état, dans son rapport annuel de 2015, d’une recrudescence inquiétante de ces groupes, qui seraient passés de 784 à 892 en une seule année. Une étude attentives des données colligées par le SPLC nous permet de constater que près d’une cinquantaine d’organisations ouvertement homophobes, bien souvent associées au conservatisme chrétien, oeuvrent partout aux Etats-Unis. Plus d’une trentaine d’organisations islamophobes opèrent également en toute impunité sur le territoire, répandant leurs discours haineux et leurs amalgames grossiers.
Aujourd’hui, les membres de la communauté LGBT, tout comme les Américains de confession musulmane, se retrouvent bien malgré eux pris dans la tourmente des discours haineux, propulsés sur le terrain d’une lutte politique au service de laquelle les terribles événements d’Orlando ont été instrumentalisés. Au-delà des préoccupations sécuritaires qui ne peuvent certes pas être écartées, l’enjeu pour ces communautés aujourd’hui, comme l’écrivait Félix L. Deslauriers, consistent non seulement à définir cette tragédie, à se la réapproprier afin de plutôt mettre en avant les nécessaires luttes à l’homophobie et à l’islamophobie qui doivent être placées au centre des discussions. Mais surtout, il faut prendre conscience que ces groupes minoritaires ont bien plus en commun dans leur lutte pour l’affirmation et l’égalité des droits, que dans leur détestation mutuelle supposée et nourrie aujourd’hui par les porteurs de haine qui ne sont, pour les uns, que des alliés de circonstances.
Je suis certain que si nous prenions un café ensemble, nous finirions par tomber d’accord sur certains points.
Cependant, à vous lire, j’entends également le sempiternel refrain des alertes à l’islamophobie — peut-être est-elle, elle aussi, fantasmée par une certaine gauche calinours sensible aux pitreries d’un Tariq Ramadan ou aux jérémiades de la cover-girl de l’islamisme made in QC, j’ai nommé Dalila Awada, blogueuse de Voir.
Je suis d’accord avec vous : le discours de Trump pue. Le racisme anti-musulman, qui vient obscurcir la tristesse des événements d’Orlando et plomber les discussions, doit être combattu.
Vous avez sans doute également raison : certains parmi les excités anti-musulmans sont probablement homophobes et membres de la NRA de triste réputation.
Donc, souligner le caractère homophobe du tueur d’Orlando (qu’il soit par ailleurs un homo refoulé ne change rien à la donne) est important.
Mais me trompè-je ou tentez-vous par ailleurs d’en évacuer le caractère islamiste et fanatique religieux?
« Refuser de voir, de nommer cet acte pour ce qu’il est, équivaut à tuer symboliquement, une seconde fois…» pourrait également s’appliquer à ceux et celles qui pratiquent le pas-d’amalgame plus vite que Trump ne dégaine sa connerie.
Vous dénoncez à juste tire des « fascistes américains » et l’extrême-droite, etc… Mais cet abominable tueur pas fou était un fasciste!
Les islamistes SONT des fascistes.
Des centaines de milliers de musulmans progressistes, laïques et «normaux» sont confrontés tous les jours à ce fascisme ordinaire qui se drape dans un voile, se cache sous une barbe, se proclame sous une sourate!
Oui, les discours haineux se nourrissent d’amalgame grossiers.
Mais tapez une jasette avec un militant du Hamas, avec un nervi du Hezbollah, avec un Gardien de la révolution iranien, avec Adil Charkaoui, avec un imam quelconque de l’un des 10 pays arabo-musulmans où l’homosexualité masculine est PUNIE DE MORT…. et vous verrez se pointer les amalgames!
Y a peut-être une «cinquantaine d’organisations ouvertement homophobes, bien souvent associées au conservatisme chrétien » — et sans doute qu’au quotidien, leurs membres pourrissent la vie du gay lambda….
Mais demandez aux gays ougandais, nigériens, yéménites, soudanais, pakistanais, etc…. où ils choisiraient de vivre, s’ils avaient le choix. Je vous parie la moumoute de Trump qu’ils choisiront les States et leurs homophobes.
Les « porteurs de haine » sont à rechercher AUSSI parmi les religieux fanatiques islamiques — pas juste chez les chrétiens et chez les occidentaux.
En ce temps de Ramadan, je souhaite aux musulmans «moyens», «normaux», «peinards»… appelez comme vous voulez ces citoyens pieux ou non qui n’emmerdent personne.. je leur souhaite de regarder le nombril de leur communauté, ou en tout cas de leur culture religieuse : le monstre d’Orlando était un porteur de haine… américain, homophobe, musulman, radical, islamo-fasciste qui s’est nourri AUSSI des préjugés entretenus par l’islam à l’égard de l’Autre, du gay, de la femme, du koufar, du Juif, de l’athée, de l’impie, du musulman qui ne pratique pas, du musulman qui ne fait pas Ramadan, du musulman qui aspire à la liberté et non à la soumission à un dogme établi au 6e siècle par un berger analphabète.
Ma’a salâma…
Le problème est que dans la tuerie d’Orlando, la motivation n’était pas « religieuse ».
Mais bel et bien homophobe.
Les cibles n’ont pas été choisies au hasard et pas parce que le tueur était un fanatique religieux. D’une part, il semble avoir lui-même fréquenté la discothèque assez longtemps avant d’arrêter il y a deux ans et de commencer à se « radicaliser » dans ses propos, se montrant ouvertement homophobe. Ce qui semble tout à fait le portrait type d’une homosexualité refoulée.
Ensuite, il s’est réclamée du Hamas (chiite), puis d’Al-Nosra (sunnite) avant de se réclamer de Daech. Trois groupes tellement ennemis qu’ils se battent militairement en Syrie. Se réclamer de ces trois groupes à la fois dénotent, soit un esprit confus, soit une méconnaissance totale de la politique et de ces groupes.
Tous laisse croire à un homophobe qui a cherché une raison pour justifier son geste. Comme le tueur de la Polytechnique a invoqué des arguments masculinistes. Ou d’innombrables tueurs aux États-Unis invoquent un peu n’importe quoi: KKK, idées survivalistes, fondamentalisme évangéliste, …
Tous ces groupes, incluant les trois groupes cités par le tueur d’Orlando, sont des semeurs de haine.
Et si vous lisez bien l’article, il n’est pas question d’islamophobie, mais de haine. De la haine de « l’Autre ». Aussi bien le Mexicain, le musulman, l’homosexuel, le Noir, la « féministe », …
Quand on s’adresse à un nord-américain de culture occidental avec un (plus ou moins) vague héritage chrétien, il est inutile de pointer les islamistes, parce que nous ne faisons pas partie de leur « clientèle ».
Comme on n’a pas besoin de mettre en garde contre les sirènes des fondamentalistes hindous, des groupes d’extrême-droite raciste japonais (anti-occidentaux entre autres), …
A-t-on besoin de mettre en garde les Noirs pour qu’ils ne se laissent pas séduire par le KKK ? Les juifs par les néo-nazis ?
@P.Lagassé
J’ai suivi… les suites d’Orlando.
À part un déferlement de haine homophobe dans les médias sociaux arabo-musulmans + les mêmes tarés homophobes et/ou racistes en Occident, tout semble pointer vers une radicalisation « islamisée » bien que confuse de celui dont je ne veux pas connaître le nom.
Vous parlez de « méconnaissance totale de la politique et de ces groupes » comme preuve de la non-religiosité du salaud.
Avez-vous remarqué que nos amis de QcSolid pro-Hezbollah, pro-BDS, etc dénoncent les crimes de Hassad dont le Hez est le principal allié !!
Je veux dire par là que la connaissance géopolitique — si elle n’est pas vraiment claire chez le gauchiste moyen prêt à encenser tout ce qui est anti-israélien, même si ce sont des fachos genre Hamas ou Hez — n’est pas le trait principal des fanatiques islamistes.
Et votre comparaison avec le tueur de Poly…. me semble tourner court. Non? On dirait qu’il y manque un argument. Mais bon.
Je vous le dis sans agressivité — vous me semblez bien péremptoire dans vos dénégations et affirmations : « la motivation n’était pas « religieuse ». Ah ouais? Vous savez ça, vous?
J’ai fait preuve d’un peu plus de tiédeur dans l’affirmation. Je dis « homophobe, oui, mais AUSSI islamiste », l’un n’empêchant pas l’autre — bien au contraire!
Mais où vous vous plantez vraiment, JE CROIS, c’est dans votre conclusion : « Quand on s’adresse à un nord-américain de culture occidentale…il est inutile de pointer les islamistes, parce que nous ne faisons pas partie de leur « clientèle » »
Vous êtes certains de ça ?
Totalement?
Quid des 6000 occidentaux en Syrie et en Irak?
Sans compter, les converti-e-s prêts à se barbiser, à se voiler et/ou à se niqaber, 1re étape selon moi vers le fondamentalisme propice à l’intégrisme d’où peut émerger le jihadisme….. bref, du joli monde que dans ma famille judéo-islamo-chrétienne on fuit comme le diable !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Djihadistes_%C3%A9trangers_pendant_les_guerres_civiles_syrienne_et_irakienne#Belgique
PS : J’ai apprécié le ton de votre commentaire.
Un homme de confession musulmanne fait 49 victimes (ciblées pour leur orientation sexuelle) aux USA et on en profite pour casser du sucre sur le dos de la droite américaine? A ce que je sache c’est toujours Obama, un démocrate, qui a été choisi par les américains pour diriger le pays encore à ce jour, un noir issu d’une minorité. Qui au juste fait dans la récuperation de cette tragédie? L’extrème droite américaine ou nos bons penseurs de la gauche Québécoise?