La récente victoire des partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a fait couler beaucoup d’encre, au Québec comme à l’étranger. Alors que certains y ont vu un symptôme du long effritement du rêve européen et de l’échec des élites politiques, d’autres, notamment parmi les souverainistes québécois de tendance conservatrice, y ont plutôt vu la victoire du peuple britannique qui se serait « enfin » réapproprié sa souveraineté politique. Ceux qui aujourd’hui, à l’extrême-gauche du spectre politique, se désoleraient de voir l’Europe se diriger vers une impasse qui semble insurmontable seraient, aux yeux de ces mêmes conservateurs, les adversaires du peuple souverain, accusés de mépriser les électeurs favorables au « Brexit » et de communier à l’idéologie néolibérale, dont ils ont pourtant dénoncé les dérives depuis des années.
Ainsi, selon Mathieu Bock-Côté, les partisans de la sortie de l’UE seraient considérés comme des « rebuts indésirables au sens commun intoxiqué » par les tenants du maintien. Pour David Leroux, la gauche favorable au maintien du pays au sein de l’Union et l’élite néolibérale seraient « des alliés objectifs qui défendent d’une même voix l’hégémonie qu’exerce le libéralisme sur la réflexion politique dans nos sociétés occidentales » et qui, en clair, rejetteraient toute possibilité pour le peuple de s’exprimer sur son destin collectif.
Ces analyses bâclées font bien sûr l’économie d’une nécessaire réflexion sur la campagne du « Leave » et notamment, sur les discours démagogiques et parfois xénophobes tenus par ses principaux leaders, Nigel Farage et Boris Johnson. Tout au plus, David Leroux se contente d’écrire, laconique, que les ténors du camp du « Leave » « n’ont pas mené la campagne la plus aseptisée de l’histoire ». C’est peu dire, alors que l’ancien leader de l’UKIP avait mis de l’avant, afin de rallier les électeurs, des affiches électorales mettant en scène une « horde » de migrants se lançant à l’assaut des chemins de l’Europe! Les indépendantistes conservateurs ont, aujourd’hui, de bien tristes alliés politiques.
Cette soudaine préoccupation pour la souveraineté populaire et pour l’expression démocratique des aspirations des citoyens à de quoi surprendre chez un homme tel que Bock-Côté, tout pétri de l’idéologie gaulliste de laquelle il se réclame. Une idéologie qui, plutôt que de favoriser l’expression légitime des aspirations politiques du peuple, les contient afin de les faire s’incarner de façon artificielle dans la personne d’hommes politiques providentiels – ceux que Bock-Côté appelle les « grands hommes » – seuls capables de parler et d’agir au nom du peuple. Une idéologie décatie, qui fétichise le passé et qui préfère sacraliser les anciennes institutions monarchiques sur lesquelles on a appliqué un vernis de démocratie, plutôt que de chercher à faire éclore de nouveaux espaces de discussion et d’expression politique. Que penserait Bock-Côté des référendums d’initiative populaire, ou encore de l’idée des budgets participatifs ou du tirage au sort des décideurs politiques? Sans aucun doute, une atteinte à la majesté des institutions politiques et de la sacro-sainte tradition.
Le peuple n’existe, à leurs yeux, que lorsqu’il se manifeste par des sursauts de réaffirmation identitaire, que lorsqu’il s’exprime dans le vocabulaire de l’État-nation, mais jamais il ne s’incarne, pour eux, dans les grandes luttes populaires qui marquent notre époque.
En vérité, ces penseurs conservateurs ne défendent le « peuple » que lorsque celui-ci réclame l’édification des vieilles frontières et le retour à des traditions oubliées qui ne font qu’exalter un passé mythifié qui n’a, dans les faits, jamais existé. Le peuple n’existe, à leurs yeux, que lorsqu’il se manifeste par des sursauts de réaffirmation identitaire, que lorsqu’il s’exprime dans le vocabulaire parfois vindicatif de l’État-nation, mais jamais il ne s’incarne, pour eux, dans les grandes luttes populaires qui marquent notre époque. La lutte des travailleurs pour le droit à une retraite digne, pour conserver un salaire décent, ou encore la lutte des étudiants qui ont battu le pavé afin de défendre l’accès à une école publique gratuite et de qualité. Les mouvements populaires sont plutôt, à leurs yeux, l’expression infantile de fantasmes marxisants, mais jamais une nouvelle façon pour le peuple d’exprimer, oui, sa souveraineté politique en dehors des institutions traditionnelles qui sont, aujourd’hui, de moins en moins représentatives…
Le peuple qui s’exprime aujourd’hui avec force, ici comme en Europe, afin de dénoncer avec raison les dérives de l’État technocratique, l’hégémonie du néolibéralisme et le démantèlement des services publics, devrait se méfier de ses nouveaux alliés de circonstances. Des alliés qui ne font que détourner le sens de sa colère légitime pour la mettre au profit de leur nostalgie identitaire. Lorsque viendra le temps de repenser nos institutions démocratiques, lorsque viendra le moment de rebâtir nos institutions publiques et de retisser les liens de notre solidarité, ces alliés de passage seront, cette fois-ci, de l’autre côté de la barricade…
Le Parti Quebecois de René Lévesque était une coalition nationaliste de tous les fronts. De son époque, le nationalisme civique et socialiste prédominait. Ils ont failli réussir
Ce Brexit a donné lieu à des comparaisons totalement farfelues.
La première est que le Brexit est une victoire sur le néo-libéralisme. Alors que ses chefs se recrutaient:
– dans le parti conservateur en place et les ministres de son cabinet, grands néo-libéraux s’il en est et artisans actifs de l’austérité en Angleterre
– dans l’entourage de Farange, chef d’un parti eurosceptique et député au parlement Européen depuis 1999; lequel Farage se réclame comme l’héritier direct de … Margaret Tatcher, la mère des gouvernements néolibéraux en Occident, conjointement avec Reagan (je mets de côté l’expérience de Pinochet)
D’ailleurs le camps du Brexit a joué à fond la nostalgie de la « grande époque » du tatchérisme et proclamait que sortir de l’Europe, c’était revenir à cette époque où l’Angleterre était encore puissante (relativement).
Si c’est le summum de l’anti-néolibéralisme…
La deuxième est de comparer la sortie de l’Angleterre du Brexit avec l’indépendance du Québec. Comparaison outrée qui ne tient pas la route.
D’une part, le Royaume-Uni est déjà un état souverain, avec son armée, sa propre politique étrangère (on l’a vu en Irak), ses ambassades, ses propres politiques, son propre chef d’État (qui est même chef d’État de 15 autres pays souverains), … Il a même gardé sa monnaie et est exclu de l’espace l’espace Schengen (ce qui d’ailleurs démoli l’argument « contrôle de l’immigration » en faveur du Brexit). En plus d’avoir son propre Commonwealth.
Autrement dit, l’Union européenne n’est pas le Canada. Ce n’est pas une fédération. Lévesque proposait même, avec sa souveraineté-association, une confédération beaucoup plus étroite entre le Québec et le Canada que n’est l’Union européenne (et Dieu sait qu’il y tenait à l’association).
Je trouve très kafkaien de que des souverainistes (issus de la mouvance péquiste) prennent comme modèle « d’accession à la souveraineté » …l’Angleterre elle-même. Cela a des relents de syndrome de Stockholm.
En plus d’être dangereux. SI on compare l’UE avec le Canada et le Royaume-Uni avec le Québec, il s’en suit que la volonté de souveraineté de l’Écosse serait l’équivalent de la partition du Québec. Ce qui n’a évidemment pas d’allure, mais si on s’accroche à cette comparaison « Angleterre devenant souveraine », on va se le faire lancer dans la face; surtout si effectivement l’Écosse en profite pour réaliser sa propre indépendance.
L’art de se tirer dans le pied en trahissant nos alliés de la veille.
Pourquoi les personnes qui sont allés voter ont-ils suivi les grands néo-libéraux et les artisans actifs de l’austérité en Angleterre ?
Le 2/3 des 30 ans et moins ont votés contre le Brexit… mais seulement 45% ont été votés alors que presque le 2/3 des 55 ans el plus ont votés pour le Brexit… et 80% ont été votés!
Les jeunes ont laissés les vieux organiser leurs avenir!