Le débat surréaliste entourant le port du « burkini » par certaines femmes musulmanes, dont on ignore encore aujourd’hui le nombre, a récemment traversé l’Atlantique pour s’imposer momentanément dans l’espace public québécois, à la faveur de la sortie de députés en manque de couverture médiatique. Ainsi, l’interdiction par quelques villes françaises du port de ce maillot de bain couvrant l’entièreté du corps des femmes qui le portent, est devenu un enjeu autour duquel les tenants de la « laïcité » stricte (j’utilise les guillemets à dessein) s’opposent à ceux qui, à gauche du spectre politique, défendent le libre choix de ces dernières à se vêtir comme elles l’entendent. Bien plus, les commentateurs conservateurs en ont fait un nouvel épisode de cette « guerre des civilisations » qu’ils sont eux-mêmes trop heureux d’alimenter chaque fois que survient dans l’actualité des événements, aussi anecdotiques soient-ils, à même de mousser l’idée que l’Occident aujourd’hui vit en état de siège, affaibli de l’intérieur par des ennemis voulant sa perte. Des adversaires qui, dans ce cas-ci, ne veulent que profiter des plaisirs d’un après-midi à la plage…
Le maillot de bain, objet de civilisation
C’est ainsi que Mathieu Bock-Côté écrivait, dans les pages du Figaro, que ce maillot de bain est une « forme d’agressivité identitaire à l’endroit des sociétés occidentales », mise de l’avant par « une frange de l’islam qui ne doute pas de son droit de conquête » et pousse sa rhétorique à un extrême dangereux, affirmant que « toutes les cultures ne sont pas faites pour cohabiter dans un même espace politique ». Le burkini devient donc, sous la plume de ces commentateurs, le nouveau cheval de Troie de l’islamisme radical qui, à terme, finira par durablement affecter notre cohésion en tant que civilisation. Une reprise grotesque de la bataille de Poitiers sur les plages de la côte d’Azur, où la cotte de mailles des Sarrasins cède aujourd’hui la place au maillot de bain de femmes « radicalisées ».
La transposition de ce débat par la droite conservatrice sur le registre civilisationnel a de quoi faire sourciller, puisqu’elle présuppose que la civilisation occidentale porte en quelque sorte, depuis son origine même, la défense d’une certaine conception de la liberté des femmes. En refusant le port du burkini, on viendrait ainsi réaffirmer que le respect des femmes et que l’égalité entre les sexes sont des valeurs qui ont force de véritables « marqueurs civilisationnels », devant nous départager des autres cultures et civilisations. Par un drôle d’effet de conséquence, on peut supposer que le bikini, pourtant décrié lors de son invention comme une atteinte aux bonnes mœurs, devient ainsi un objet de civilisation que nos concitoyennes musulmanes sont invitées à adopter afin de prouver leur intégration à nos sociétés. L’histoire longue de l’Occident nous a pourtant appris que l’égalité entre les hommes et les femmes n’est en rien un élément fondateur de notre identité collective; bien au contraire, notre histoire a plutôt été marquée par des siècles d’infériorisation et d’oppression à l’égard des femmes. Un héritage qui a encore un poids bien réel et que l’on mesure chaque fois que l’on souligne, comme un événement extraordinaire, l’élection d’une femme à la tête d’un gouvernement occidental. Il aura fallu près d’un siècle pour qu’une femme puisse enfin espérer s’asseoir dans le bureau ovale de la Maison blanche, alors que les Américaines ont pourtant obtenu le droit de vote en 1919… Aucune Française n’a encore assumé la présidence et en presque cent-cinquante ans d’expérience démocratique depuis la Troisième République, une seule femme a occupé le poste de premier ministre en France. Le Québec a été la dernière législature au Canada à concéder le droit de vote aux femmes et jusqu’au début des années 60, ces dernières étaient considérées comme personnes mineures, subordonnées à l’autorité de leur époux.
Une réelle réflexion sur l’histoire de notre civilisation devrait plutôt nous inciter à une certaine retenue, ou du moins, à aborder ces questions en considérant qu’aucune société ne peut prétendre, au regard de l’histoire, à une quelconque supériorité.
Les avancées faites sur le terrain de l’égalité entre les hommes et les femmes sont le résultat, en Occident, des luttes menées par les groupes féministes et d’une certaine conception du droit, appuyée sur les chartes des droits et libertés de la personne qui ont fleuri dans les sociétés occidentales, et qui, ironiquement, sont aujourd’hui décriées par une partie des commentateurs conservateurs. Des libertés qui, bien plus que n’importe quel maillot de bain, viennent souligner la singularité de l’histoire politique occidentale.
Quelques considérations essentielles à un débat serein
Ce nouvel épisode vient à nouveau souligner le dévoiement du concept de laïcité chez une partie de la droite conservatrice et identitaire, pour qui l’utilisation de la laïcité devient un moyen de promouvoir une certaine conception restrictive de l’identité nationale. C’est ainsi que la laïcité, pourtant conçue à l’origine comme un moyen pour favoriser et permettre l’expression de la diversité religieuse dans l’espace public, sert aujourd’hui de prétexte à une sécularisation de ce même espace au nom de la défense des « valeurs communes » et de l’identité nationale. Une laïcité « falsifiée », comme l’exposait le sociologue français Jean Baubérot dans un ouvrage publié en 2012 et qui résumait ainsi le cas français : « La « nouvelle laïcité » n’est plus la solution politique inventée pour résoudre des antagonismes induits par une domination politico-religieuse, elle transforme la laïcité en marqueur culturel actuel d’une identité française séculaire: la laïcité positive se situe en étroite continuité avec action civilisatrice – et dominatrice – de la chrétienté: c’est une « catho-laïcité ». »
Au-delà de la nouvelle psychose collective autour du port du burkini, plusieurs questions demeurent. D’abord, combien de femmes en France et au Québec portent réellement ce maillot? S’agit-il d’un phénomène social si important et répandu qu’il justifie l’intervention des gouvernements? Enfin, si nous interdisons ce maillot, pourtant conçu par sa créatrice comme un outil afin de favoriser l’intégration des musulmanes à un loisir aussi commun que la baignade à la piscine ou à la plage, ne vient-on pas saboter toute possibilité d’intégrer ces femmes à notre vie collective, alors même qu’elles manifestent le désir de prendre part à ces sports aquatiques et de se mêler à leurs concitoyens? Ne risque-t-on pas de les confiner à l’isolement? À ces questions pratiques, force est d’admettre que les théoriciens de la « guerre des civilisations » offrent aujourd’hui bien peu de réponses…
Personne ne les oblige à porter un bikini, à ce que je sache les maillots une pièce existent encore, non?
Le burkini n’est même pas un signe religieux, mais un signe de l’extrême droite conservatrice musulmane qui considère le corps de la femme comme corrompu et malsain et vous vous défendez cela???
Si vous dites que les femmes musulmanes portent le burkini par choix, alors comment expliquez-vous qu’interdir le burkini fera en sorte de les confiner à l’isolement?
Le burkini est un maillot de bain qui permet aux Musulmanes de se baigner. Ce n’est pas un signe de l’extrême droite conservatrice musulmane, ainsi que vous prétendez. Il a été créé par une Australienne de religion musulmane pour permettre à ses consoeurs religieuses de se mêler aux jeux estivaux des autres.
Quant aux religions qui considèrent le corps de la femme comme corrompu et malsain, l’Islam n’en a pas le monopole, même aujourd’hui.
Intéressant de lire que vous vous connaissez en ce qui est préférable que ces femmes. Vous n’êtes pas une femme, vous n’êtes même pas un homme éclairé.
Ouf, il faut partir de loin pour répondre à cette chronique surréaliste…
Tout d’abord, vous en faites un débat gauche vs. droite. Avez-vous oublié que plusieurs des municipalités françaises interdisant le burkini ont élu un maire socialiste, et que le premier ministre de ce pays qui soutient ces interdictions, est socialiste lui aussi ?
Ensuite, vous parlez des femmes qui portent le burkini en mettant entre guillemets le mot « radicalisées », comme si ce n’étaient que les méchants occidentaux, fort probablement de droite, qui les considèrent comme radicalisées. Si vous connaissiez des musulmans, et, surtout, des musulmanes, vous sauriez que les modéré(e)s, sans guillemet, portent très rarement le voile, et surtout pas la burqa, ni à la plage ni dans la rue.
Aussi, je vous cite : « L’égalité entre hommes et femmes n’est en rien un élément fondateur de notre identité collective ». C’en est, pourtant, un élément *actuel* de notre identité collective. Vous parlez de l’exception des cas d’Edith Cresson en France, et Hillary Clinton aux États-Unis. Vous oubliez les cas d’Angela Merkel, Pauline Marois, Margaret Thatcher (oups, elle était de droite, donc elle ne compte probablement pas…), les premières ministres, ministres, et députées dans plusieurs provinces canadiennes et pays européens. Vous oubliez aussi qu’aux États-Unis, dès les années 20, des femmes ont été élues au poste de gouverneur d’État. Qu’en est-il des pays du Moyen-Orient ? Est-ce que Golda Meier « compte » pour vous ? Et à part elle, dans cette région du monde, qu’en est-il de l’égalité hommes-femmes ?
Dernier point : vous parlez de ces femmes en burkini comme désirant simplement « profiter d’un après-midi à la plage ». Se baigneraient-elles dans les pays où la burqa est communément portée ? Vous êtes-vous renseigné sur le droit de porter un burkini à la plage dans des pays à prédominance musulmane ? D’ailleurs, je ne crois pas qu’on les aide à s’émanciper en autorisant ce « maillot ». Je crois, plutôt, qu’on aide les hommes radicalisés à aller à ces plages, où ils côtoieront des femmes qui ne cachent ni leurs cheveux ni leurs corps. Comment vont-ils réagir à la plage devant ça ? Par la tolérance, même si ils n’acceptent pas que leurs femmes ou soeurs s’intègrent dans une société qui ne considère pas qu’exposer ses cheveux ou sortir seule de la maison est inacceptable ?
PS : de la même façon que vous devriez utiliser Google pour vérifier certains de vos arguments, vous devriez peut-être vous relire avant de publier vos chroniques, il y a quelques fautes d’orthographe : « à de quoi faire sourciller », c’est le verbe avoir, donc il faut oublier l’accent. « Ont peut supposer » : là, ce n’est pas le verbe avoir, donc il faut oublier le t. Bonne relecture.
Quelques commentaires, en bref:
Vous soulignez, à juste titre, que certains maires ayant interdit le port du burkini sont d’affiliation socialiste, ce qui est vrai. Dans le cas présent, je soulignerais cependant que les voix les plus audibles sur le sujet, notamment au Québec (je répondais à un billet de M. Bock-Côté) et en France sont majoritairement campées à la droite du spectre politique. D’ailleurs, le sociologue Jean Baubérot, dont je cite un passage de son très éclairant ouvrage « La laïcité falsifiée », dont je vous conseille la lecture, a bien démontré comment le concept de laïcité a été récupéré par la droite et l’extrême-droite française, notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy, afin de servir un discours identitaire principalement tourné contre la communauté musulmane. Que la gauche socialiste – qui n’est d’ailleurs pas unanime sur le sujet – récupère aujourd’hui cette rhétorique est déplorable.
Vous tentez de m’emmener sur le terrain de la comparaison entre sociétés occidentales et sociétés proche-orientales sur la question des droits des femmes et de leur représentation dans l’espace politique. Vous vous en doutez bien, vous ne trouverez pas chez moi un défenseur des régimes autocratiques qui restreignent les droits des femmes à prendre part à la vie publique et tenter de faire la liste de celles qui, ici ou ailleurs, ont occupé des postes de responsabilités ne servirait à rien. La base de mon argumentation, si vous y revenez un tant soit peu, consiste à dire qu’il est dangereux de tenter de faire une comparaison civilisationnelle sur la base du parcours historique de nos sociétés et ainsi, de prétendre à une quelconque « supériorité » qui ne tiendrait pas longtemps la route devant une analyse rigoureuse de l’histoire longue de l’Occident. En tant qu’historien, j’insiste sur ce point puisque Bock-Côté, notamment, insiste sur la dichotomie qui existerait entre la civilisation occidentale et ses traditions, et celles du monde musulman qui est par ailleurs loin d’être un bloc monolithique.
On notera également l’ironie de ce positionnement chez quelqu’un qui, traditionnellement, s’oppose à l’utilisation des chartes des droits et libertés du citoyen qui sont bien souvent, il faut l’admettre, à la base des avancées politiques dont ce dernier se réclame aujourd’hui afin de stigmatiser le monde musulman. Douce ironie…
Je laisse M. Bock-Côté répondre à vos arguments au sujet de sa chronique , et espère bientôt lire une réponse de votre part concernant mon avant-dernier paragraphe (intitulé « dernier point »; j’aurais du me relire !)
Cependant, je ne crois pas qu’il soit constructif de citer « notre parcours historique » en sous-entendant que, vu qu’ « on » a déjà opprimé les femmes pas plus tard qu’au XXème siècle, on ne peut pas empêcher cette oppression lorsqu’elle continue en Occident au XXIème siècle. Nous avons aussi un « long parcours historique de pollution »; est-ce que, dans ce cas-là, aucun gouvernement occidental n’a le droit de faire appliquer des lois anti-pollution aux non-occidentaux qui vivent ici ?
Comme vous l’avez écrit dans votre réponse, le monde musulman est loin d’être un bloc monolothique, et je trouve déplorable que vous minimisiez le côté radical (en mettant cet adjectif entre guillemets dans votre chronique) de l’utilisation du burkini, alors que le voile intégral, la burqa (à l’origine étymologique du nom dudit « maillot ») est le symbole même du radicalisme de la religion et de l’oppression de la femme, D’autant plus que la portée géographique de cette « mode » connait une expansion indéniable.
Se demander « D’abord, combien de femmes en France et au Québec portent réellement ce maillot? » est un argument fallacieux, pas seulement parce que dans l’article pour lequel vous insérez un lien, la créatrice de ce vêtement prétend en avoir vendu 700 000. Des êtres humains sont opprimés, et au nom de la « tolérance » des autres cultures et à cause de notre « historique opprimant », on devrait laisser faire cela ?
Je me fais vieux.
L’humour absurde n’est pas fait pour les enfants qui n’y comprennent rien. Parmi mes rites de passage de cette époque, il y a eu cette blague: « C’t’une fois un gars qui se fait couper les cheveux. L’autre, ça le dérange pas. »
Quel contraste avec l’époque actuelle où l’on dit sans rire: « C’t’une fois une femme qui va à la plage en burkini. L’autre, ça le dérange. »
1) « Avez-vous oublié que plusieurs des municipalités françaises interdisant le burkini ont élu un maire socialiste »
A ma connaissance, il n’y a que trois villes qui ont interdit le burkini: Nice (maire tendance Front national et municipalité où les élus et candidats de gauche de passage sont hués depuis des décennies), Bastia (maire « nationaliste autonomiste », de droite). J’ignore quelle est la troisième municipalité.
Vous avez une liste de ces municipalités interdisant le burkini et qui ont ont élu un maire socialiste ?
2) L’égalité hommes-femmes « est, pourtant, un élément *actuel* de notre identité collective. »
C’est de l’auto-encensement aveugle.
Toutes les données socio-économiques montrent que cette fameuse « égalité » est encore très, très loin d’être acquise (vous voulez des chiffres?). Si on écoute certains animateurs de radio et qu’on lit certains chroniqueurs (qui ont une forte audience), c’est encore trop et le « féminisme est allé trop loin » et les « hommes sont opprimés par les femmes ». Les masculinistes sont très loin en Occident d’être un groupe marginal. Pire, ils ont une forte audience.
Comme le souligne M. Brisson: « Un héritage qui a encore un poids bien réel et que l’on mesure chaque fois que l’on souligne, comme un événement extraordinaire, l’élection d’une femme à la tête d’un gouvernement occidental. » Si l’égalité hommes-femmes était vraiment acquise, une telle élection n’apparaît pas chaque fois comme un évènement exceptionnel.
Et si on cite quelques rares femmes arrivant aux plus hautes fonctions, ion peut aussi citer un Trump, qui fait ses choux gras de sa misogynie vulgaire. Misogynie qui contribue à lui valoir un soutien indéfectible d’une certaine tranche de l’électorat. Imaginez qu’un tel bozo pourrait avoir des chances d’être élu président, et qu’il est effectivement le candidat d,un de deux gros partis de la plus grande puissance occidentale, contredit totalement le dogme que l’égalité hommes-femmes est une « valeur fondatrice » de l’Occident.
@ P Lagassé :
C’est être de mauvaise que de parler de l’affiliation politique du maire de Bastia, alors que c’est la municipalité de Sisco (dont le maire élu s’appelle Ange-Pierre Vivoni et est socialiste, désolé) qui a interdit le burkini. Une autre municipalité socialiste : Oye-Plage dans le Pas-de-Calais, dont le maire est socialiste lui aussi.
Pour l’inégalité hommes-femmes : ce n’est pas si exceptionnel que cela, vu que, comme je le décrivais dans mon premier commentaire, nous avons, en occident, des femmes élues à des postes de pouvoir (gouverneur, ministre, mairesse…) depuis les années 1920.
Pour vos données socio-économiques sur l’inégalité hommes-femmes, je voudrais en effet lire vos chiffres, et que vous arriviez à les comparer à ceux des autres sociétés dans le monde. Merci d’avance.
Aussi, comment mesurez-vous la « proportion non marginale » des masculinistes en Occident ? Sont-ils représentés par plusieurs partis qui font de leur mandat principal le blocage d’ascension de femmes à des postes de pouvoir ? Ces mouvements, si ils ne sont « pas marginaux », ne font-ils pas face à un constat d’échec en voyant Hillary Clinton à la tête du parti démocrate, Marine Le Pen à la tête d’un parti politique avec au moins 20% d’intentions de votes en France, puis Merkel et Theresa May à la tête des plus importants pays d’Europe ?
Pendant qu’on y est, considérez-vous les hommes qui soutiennent le port de la burqa et du burkini, en occident ou ailleurs, comme des masculinistes ?
@Hugues C
« et que vous arriviez à les comparer à ceux des autres sociétés dans le monde. »
Quel argument ridicule: Parce que d’autres pays sont moins avancés dans l’égalité hommes-femmes, il faudrait considérer qu’on l’a atteinte ?
Mon point est qu’on se gargarise de l’égalité hommes-femmes en prétendant que c’est une de nos « valeurs fondamentales », alors que c’est du blabla, une manière de se donner bonne conscience. Ce n’est pas parce que d’autres sont plus arriérés sur ce point qu’on peut se croire si bons.
L’égalité hommes-femmes est autant une « valeur québécoise » que le bilinguisme est une « valeur canadienne ».
En passant, les masculinistes ne sont pas nécessairement opposés à ce que certaines femmes atteignent de hauts postes. Ils sont contre toutes mesures prises pour réduire les écarts entre hommes et femmes: discrimination position, parité, campagnes contre le viol et les agressions (considérées comme des attaques contres les hommes), aide aux femmes battues, etc.
De le même manière qu’un xénophobe n’a pas de problème à voir quelques « étrangers » d’origine dans des hauts postes…tant que leur propre domination n’est pas renversée, qu’eux-mêmes ne soient pas personnellement touchés (comme en avoir dans leurs lieux de travail, surtout comme supérieurs, ou dans leurs lieux de loisir) et qu’aucune mesure étatique ne soit prise pour changer l’état de choses. Les quelques dominés en position de pouvoir leur sert même de caution morale.
Je ne comprends la logique de votre dernière phrase. Où ai-je pu sortir le moindre argument qui pourrait donner lieu à le croire ?
Il m’arrive parfois d’avoir honte d’être de gauche en lisant de tels textes. Bien sûr, je ne crois pas possible ou même souhaitable une interdiction du burkini sur la place publique. Par contre, cette manie qu’a une certaine gauche – encore plus éprise de libertés individuelles que Margaret Thatcher – de défendre ce type de vêtements qui vise à camoufler le corps de la femme me scie les jambes à chaque fois que j’en prends connaissance.
Pourquoi sans cesse ramener la question du nombre ? On approuve une tenue ou on ne l’approuve pas. Un symbole ne devient pas plus ou moins acceptable en fonction du nombre de personnes qui le portent.
Ensuite, faire du burkini un vecteur d’émancipation des femmes est d’un ridicule sans nom. Cela revient à rabaisser nos standards au niveau de ceux des fanatiques religieux. C’est accepter de payer une rançon à ces fous de Dieu qui menacent d’enfermer leurs femmes si elles ne peuvent soustraire la plus infime partie de leur corps au regard des autres.
Demande-t-on aux hommes de se couvrir ainsi ? Non. Il s’agit donc d’un symbole qui nie de façon on ne peut plus évidente l’égalité hommes-femmes. Nous ne pouvons peut-être pas l’interdire, mais la moindre des choses est de ne pas le défendre !
Dans un monde idéal, c’est la gauche qui dénoncerait ce type de symboles. Elle laisserait à d’autres cet insupportable il-faut-défendre-les-libertés-individuelles-poussées-à-leurs-plus-extrêmes-limites-coûte-que-coûte-même-si-cela-signifie-porter-atteinte-à-la-dignité-et-à-l’égalité-de-tout-un-groupe-de-personnes.
Débat surréaliste pour débat surréaliste, passons donc du burkini au hijab et au préoccupant constat que signalait plus tôt ce matin (samedi le 27 août 2016) une de ces petites nouvelles qui défilent au bas de l’écran de la télé, tandis qu’on nous présente avec images et commentaires au-dessus le sujet principal du moment.
Donc – et j’ai oublié si j’étais à LCN ou à RDI – une petite nouvelle défilant de droite à gauche, parmi d’autres hétéroclites, qui avait de quoi faire sourciller au réveil: saviez-vous que ni la SQ ni le SPVM n’avaient encore adopté de position officielle quant au port éventuel du hijab par des policières?
Réalise-t-on à quel point cette négligence à s’être branché pourrait poser problème lorsque l’été ne sera plus qu’un lointain souvenir et que des burkiniennes d’aujourd’hui se presseront aux portes des forces de l’ordre, soucieuses de faire leur part relativement au maintien de la paix sociale, et que certaines d’entre elles pourraient même du coup se présenter en hijab?
L’automne et l’hiver pourraient bien s’avérer aussi chaud, sinon davantage, que l’été au bord de la piscine ou sur la plage…
Sur toutes les déclinaisons des vêtements anti-femmes, je suggère humblement de se renseigner auprès des premières concernées — les femmes de culture, de sensibilité, d’origine, et même de foi musulmane, et pour certaines, de terres d’oppression et de silence forcé — bref, celles qui vivent ou ont vécu de près l’apartheid sexuel et sexiste qui s’illustre dans des prisons de tissu et des uniformes obligés qui gomment, cachent, annihilent, bâillonnent et oblitèrent à des degrés divers.
En occident, on finit toujours par défendre l’indéfendable au nom de l’antiracisme en faisant preuve du plus retors des racismes avec une grille d’analyse à deux vitesses – une pour les occidentales et une pour les arabo-musulmanes.
On devrait plutôt se demander comment il se fait qu’on trouve si mignon une petite fille recouverte des pieds à la tête à côté de ses frères en maillot de bain sur la plage d’Oka !
Ces femmes qu’on devrait lire et écouter…
Elles s’appellent Chadortt Djavann, Wassyla Tamzali, et elles se tamponnent le coquillard des accusations d’islamophobie lancées par des chroniqueurs prévisibles dont les références en matière de laïcité se limitent à Jean Beaubérot !
Elles se nomment Fawzia Zouari, Zineb ElRhazoui,
ELLES, peuvent décoder le burkini, dernier avatar d’une longue lignée de carcans idéologiques et religieux.
La bataille du burkini, elle se livre aussi sur les plages du Maghreb où les femmes vêtues de maillots de bain «normaux» et non pas «normalisés» se retrouvent déjà à être jugées impudiques par des Tartuffe en djellabas ou en hijab quand elles ne sont pas insultées carrément pour oser montrer de la peau.
Elles se nomment Djemila Benhabib, Esther Benbassa, Taslima Nasreeen,
ou Nadia Amiri qui semble s’adresser à ceux de mes amis qui par un multiculturalisme dévoyé se voilent littéralement la face :
« Vous défendez les droits de celles qui se soumettent librement à des pratiques archaïques et rétrogrades. Vous êtes même soutenus par les pays musulmans les plus antidémocratiques, ceux qui instituent la charia et la sunna comme pratique législative. Et si nos combats contre le voile dérangeaient ces pays, si nos combats étaient soutenus par les femmes à qui on impose le voile là-bas? »
Elles se nomment Fethi Benslama qui écrit que « les chercheurs de liberté [musulmans] rencontrent peu d’échos chez les intellectuels européens, contrairement au « cirque islamiste » » ou Irshad Manji, Chirine Ebadi, Fadela Amara, Mimouna Hadjam, Salima Deramchi.
Je fais cette énumération pour rappeler que les premières voix à s’être élevées contre les déclinaisons «surréalistes » du voile khomeiniste, pour reprendre votre expression, M. Brisson, étaient féminines, arabes, musulmanes et aussi révoltées contre la soumission que contre la cécité et le relativisme culturel.
Salut!
Adresse aux relativistes culturel qui creusent la tombe de toutes les femmes :
« Vous êtes leurrée par la stratégie « droit de l’hommiste » que les islamistes utilisent systématiquement pour gagner du terrain dans les pays occidentaux. Ils brandissent cette revendication des droits de l’homme pour défendre le droit des femmes de se voiler–mais jamais pour le droit des femmes à se dévoiler. Et c’est ainsi qu’au nom du soutien inconditionnel à ces revendications Droits de l’hommiste à sens unique, des occidentaux aveugles ouvrent un boulevard à l’islamisme –qui veut les abolir. Et ces femmes sont des victimes, mais elles sont aussi les complices objectives et propagatrices d’une idéologie radicalement misogyne et antidémocratique. Je ne leur en veux pas personnellement, mais je ne vois pas pourquoi on devrait sacrifier suicidairement nos droits progressistes/féministes acquis de haute lutte à leur droit de se faire dans l’espace public, les propagatrices d’une idéologie qui veut les/nous esclavagiser. » Francine Sporenda
Comme le dit Louise Mailloux «Le burkini est la version aquatique du hidjab»: qui sont eux des marqueurs identitaires, comme vous aimez souligner cet aspect.
Vous ne savez peut-être pas M. Brisson que la créatrice du burkini a dû recevoir une fatwa du mufti de Sydney, approbation islamique, pour ce vêtement. Où est la liberté pour ces femmes?
Ici, il n’y a pas lieu de se référer à la laïcité mais à la libération des femmes, de leurs droits, de leur égalité que vous égratignez à souhait et l’intégriez essentiellement au droit de vote et à la parité politique. Une vision étroite pour mieux taper sur les gens de droite, alors que nombre de féministes sont davantage à gauche, davantage au moins pour une sociale-démocratie. Une vision étroite où vous semblez taper sur la laïcité plutôt que de le voir comme un moyen d’égalité pour les femmes, entre autres, puisque les religions, on le sait sont terriblement sexistes, pour ne pas dire misogynes.
Mais je me demande souvent si la défense des étendards islamques par une certaine frange masculine n’est pas aussi un profond sexisme, celui qui au fond ne veut pas la libération des femmes. À tout le moins, c’est du racisme de ne pas vouloir pour les femmes musulmanes ce qu’on a voulu pour toutes les femmes. Comme le disait Mona Eltahawy et Maajid Nawaz, le relativisme culturel est le racisme des faibles attentes pour l’une, des faibles standards pour l’autre. C’est ainsi que même des femmes qui prônent une laïcité «ouverte», s’ouvrent en fait à des religions qui elles ne le sont pas, particulièrement envers les femmes, et qui sont ainsi racistes de vouloir garder des femmes dans une certaine aliénation.
Sur Médiapart, Yvon Quiniou, montre bien le machisme de certaines religions. Il affirme : «Ce n’est pas un simple signe religieux se manifestant dans l’espace public : c’est, à travers un signe religieux, l’expression insupportable d’une religion de type fasciste et, ici, machiste, qui humilie au quotidien les femmes, les reléguant à des taches subalternes, niant leur autonomie de décision, leur interdisant de montrer leur corps en public, refoulant l’expression de leur féminité et les soumettant au pouvoir discrétionnaire des hommes. Comment accepter sans sourciller, je veux dire sans s’indigner, une pareille situation qui laisse indifférents des gens de gauche, y compris des membres d’associations dites féministes et qui ne le sont pas dans ce cas. Ont-elles consulté des femmes du Maghreb, victimes de cette oppression et qui veulent ardemment y mettre fin ? Elles sont scandalisées par votre position !»