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Bière tombale #001 – analyse de la publicité préélectorale de Jean Charest

Je lance un nouveau concept dans le cadre de mon blogue; il s’agit de «Bière tombale». À la base, l’idée est assez simple : je me décapsule une bière et j’écris un texte à saveur éditoriale sur un sujet chaud – qui me pique à vif, qui m’écorche viscéralement, qui me démange, qui me dérange – pendant que je la sirote.

Pour cette première Bière tombale, je vais me commettre et analyser de façon critique la publicité attendrissante qui met en scène Jean Charest et son auréole de clarté divine. Allons-y par segments pour la beauté de l’exercice :

«Être Premier Ministre du Québec, c’est pas un concours de popularité.»
– Ah non? Alors pourquoi tu fais une publicité pour rehausser ta cote de popularité?

«C’est le moins qu’on puisse dire, surtout quand le Québec vit une période de turbulences.»
– À l’entendre, on dirait qu’il est dans un avion en train de roter du beurre à l’ail pendant qu’il traverse quelques poches d’air. Hey! ce n’est pas une zone de turbulences que tu traverses, c’est une crise sociale que tu as initiée et que tu maintiens artificiellement en vie à des fins électoralistes. Il est temps que ton jet privé atterrisse et que tu rencontres la réalité.

«Être Premier Ministre c’est d’abord travailler dans l’intérêt de tous les Québécois.»
– Il semblerait que tu as oublié les milliers de Québécois qui sortent dans la rue tous les soirs. Tu as probablement aussi oublié les électeurs d’Argenteuil qui ont vite fait de t’envoyer un message clair et direct en prenant d’assaut l’un de tes châteaux forts.

«C’est être capable de prendre des décisions qui sont souvent difficiles, mais toujours pour le long terme. En d’autres mots, être capable de prendre des décisions qui sont responsables.»
– Le long terme tu connais ça! Ça t’aura pris près de deux ans avant de mettre sur pied la commission Charbonneau qui était vivement réclamée par les Québécois (ces mêmes Québécois desquels tu prétends avoir les intérêts à coeur). Mais tu devais attendre… attendre… et encore attendre pour protéger tes amis qui ont financé ton parti et ta réussite personnelle. Drôle de hasard que les plus gros noms reliés aux scandales de la construction soient arrêtés quelques jours avant le début de la commission que tu as soigneusement et minutieusement retardée. BRA-VO pour ce coup de théâtre – deux ou trois coups de casseroles et les Québécois vont encore oublier. Endormir la population à long terme. En d’autres mots, être capable de prendre des décisions qui vont cacher les vrais responsables de la crise actuelle.

«Quelles que soient les pressions.»
– Ça fait longtemps que les Québécois ont compris que tu ne cèdes pas sous la pression mon Jean. T’es fort. T’es solide. Mon père est plus fort que les autres pères, mais il est vraiment une grosse lopette à côté de toi. Il faut vraiment être un homme de fer et avoir des couilles d’acier pour être capable de regarder le peuple québécois, un peuple fier, et lui balancer en pleine gueule, sans broncher, le regard franc, toute la bullshit du monde. Si j’ai appris quelque chose en regardant le hockey, c’est que la pire façon de vaincre l’adversaire c’est de le vaincre en l’humiliant. Le Québec va s’en rappeler aux prochaines élections.

«Ça peut jamais être parfait.»
– Hahahahahahaha! Amen.

«Puis on n’a pas réponse à tout.»
– Ça, je l’ai compris en regardant la période de questions à la télé. En fait, tu n’as réponse à rien. Tu te sers de ton temps de parole pour poser d’autres questions, sortir des citations d’anciens péquistes frustrés pour discréditer l’opposition officielle et faire des blagues à propos du carré rouge de Pauline Marois.

«Sauf qu’il faut à chaque fois regarder les choses en face, pour prendre les bonnes décisions – pour tout le monde – et surtout pour la prochaine génération de Québécois.»
– C’est justement cette prochaine génération qui risque de te donner un coup de pied au derrière lorsque tu auras enfin réussi à ouvrir ta fameuse «fenêtre électorale» qui devrait se faufiler entre une manifestation nationale,  les scandales résiduels dévoilés par la commission Charbonneau et quelques ressources vendues à rabais dans ton Plan Nord.

«En politique comme dans la vie, il faut avoir le courage de ses convictions.»
– C’est probablement la phrase la plus inutile que j’ai entendue depuis «Les garde-robes ne vous coûteront rien» dans la publicité de La Capitale.

«J’ai fait le choix de la responsabilité, je sais que c’est le bon.»
– Et moi j’ai fait le choix de ne pas voter pour le Parti Libéral aux prochaines élections, je sais que c’est le bon.

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Bière dégustée lors de cette Bière tombale : «Orval Dark» de Black Barn Brewery

Notes : Il s’agit d’une bière que j’ai reçu en cadeau d’Etienne Turcotte, un jeune prodige du brassage qui collabore au journal Bières & Plaisirs. Je lui ai dit que j’aimais les levures Brett et il a voulu me faire goûter à ce qu’il appelle sa «Orval Dark» (nom non-officiel). C’est vraiment réussi, c’est explosif en bouche, avec des notes boisées, des effluves de mélasse et une finale bien sèche. Merci!