Bisbâyé : Métal d'acier
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Bisbâyé : Métal d’acier

– Lancement de l’album Synkronyk de Bisbâyé –

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Voilà plus de 15 ans, le guitariste et compositeur Jean-Pierre Larouche fondait Bisbâyé, un vaisseau pour un math metal expérimental à la rencontre entre Don Caballero et Meshuggah. Maintenant épaulé par ses comparses anciens étudiants du Cégep de Saint-Laurent, Larouche construit une architecture complexe de riffs de guitares poylrythmiques couplés avec des prouesses de synchronisme à la batterie. Sous ses apparences de déconstruction totale, la musique de Bisbâyé est en fait un tout très organisé, formé de cinq « morceaux de robots » qui s’emboîtent l’un dans l’autre: deux guitares, une basse et deux batteries.

Dans cette musique instrumentale basée sur la répétition, les musiciens enchaînent en boucle des motifs en apparence légèrement décalés, comme s’il s’agissait de cinq horloges déréglées. Donnant l’illusion d’une charpente impénétrable, l’équation pour cette masse sonore lourde comme de l’acier se révèle à nous, comme par miracle, chaque fois que les deux drummers, apparemment complètement désynchronisés, punchent en même temps avant de repartir dans leur furie sonore.

Après un premier LP, lancé en 2013, il aura fallu à la bande de Bisbâyé près de 3 ans pour finaliser un second album, Synkronyk, présenté à la Sala Rossa, le dimanche 10 avril. À regarder le sourire des membres et les grimaces de Larouche (qui était sans doute un excellent clown pour personnes âgées dans une autre vie), le groupe est visiblement en train de s’amuser, d’autant plus que, pour l’occasion, un de leur amis affublé d’un masque « anime silencieusement » la foule en faisant des simagrées.

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Bisbâyé en pleine action (Crédit : Philippe Rivard)

Durant la reprise de Kuujjuaq Paranoia, dernière pièce de leur premier album « Gestalt », on imagine la satisfaction tout à fait viscérale ressentie en entendant le climax final, celle de lever  les mains vers le ciel, gorgé de cette toute puissance sonore, alors que les batteurs frappent  frénétiquement sur leurs cymbales. Le concert prend fin, et on se demande qu’est-ce qui vient de se passer, comme si deux personnes avaient tiré sur notre cerveau dans deux directions différentes.

Maintenant que Bisbâyé nous a convaincu par ses qualités musicales, il est temps de parcourir les scènes afin de gagner en expérience et de raffiner la présentation de leur show. Par exemple, durant la performance, on voyait souvent le dos des guitaristes et du bassiste. Plutôt que de les mettre à l’avant de la scène, comme la « tradition » le veut, pourquoi ne pas mettre les deux batteries? Dans sa dernière tournée, King Crimson a procédé de la sorte afin de mettre en valeur les performances de leurs batteurs. Les overdubs de guitare, activés à partir d’une pédale de loop, contribuaient beaucoup à la profondeur de la polyphonie, mais ils étaient plutôt minces. Le volume manquait et leurs entrées/sorties devraient être plus fluides. Les intermèdes entre les pièces, meublés par des enregistrements humoristiques, ne sont pas seulement une pause pour permettre aux musiciens de s’accorder. Ils doivent être habités par le groupe. Pareillement pour leur « plus grand fan » qui s’affairait à faire des grimaces au pied de la scène. L’idée est amusante, et il y aurait moyen d’en faire un élément de plus pour approfondir l’univers que Bisbâyé a déjà ébauché avec sa musique. En bref, tous les éléments sont en place pour qu’un concert de Bisbâyé soit, non seulement une bonne soirée, mais aussi une expérience remarquable et mémorable.