Ragnar Kjartansson : Un soupçon d'éternité
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Ragnar Kjartansson : Un soupçon d’éternité

– Ragnar Kjartansson au Musée d’art contemporain –

Ragnar Kjartansson au MAC
Ragnar Kjartansson au MAC

Metropolis, Club Soda, Petit Campus… s’ils veulent entendre de la musique, les mélomanes penseront à ces endroits avant de penser au Musée d’Art Contemporain (MAC). C’est pourtant là qu’ils devraient se rendre pour entendre l’œuvre sublime de Ragnar Kjartansson.

À la croisée entre théâtre, musique, installation, vidéo et arts visuels, l’exposition de l’artiste islandais a quelque chose d’intemporel. Protégé par la pénombre dans laquelle sont plongées les 3 salles d’exposition, on échappe au train de vie effrené de la réalité pendant l’heure et demie que peut prendre la visite.

Une heure et demie pour trois salles? C’est même conservateur! La démarche de l’artiste multidisciplinaire repose en grande partie sur les notions d’endurance, de contemplation, de répétition… C’est en ce sens qu’il réalise “A Lof of Sorrow” en 2013. Arrivé dans le couloir qui mène à l’exposition, on se sent appelé par la musique mélancolique provenant d’une salle à gauche. En y pénétrant, on découvre un écran géant surlequel est projeté une performance du groupe rock américain The National. La formation joue en boucle une de ses pièces… pendant 6 heures de temps! En fait, il s’agit d’une collaboration entre le groupe et Kjartansson. En accord avec la mise en scène de l’artiste, le groupe modulait légèrement chacune des 105 répétitions de cette chanson d’à peine 4 minutes, réussissant ainsi à nous ensorceler par des rythmes simples de batterie, de la voix grave et triste et des élans de guitare typiques des groupes de post-rock comme Sigur Rós ou Godspeed You! Black Emperor. Vingt minutes dans cette salle passeront sans que vous vous en aperceviez!

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Il en est de même pour The Visitors (2012). Neuf musiciens, incluant Ragnar installé dans un bain que vous reconnaîtrez sûrement, ont été filmé dans un manoir du XIXe siècle, tiré tout droit d’un roman d’Agatha Christie. Occupant chacun une pièce différente et projetés sur 9 écrans séparés, les musiciens forment une fresque de tableaux vivants alors qu’ils entonnent une même mélodie sur un texte écrit par l’ex-conjointe de l’artiste. Une heure durant, on regarde et on écoute chacun des musiciens, on visite chaque  pièce, mélangeant les voix en se promenant d’un haut-parleur à l’autre.

Lorsqu’on sort de l’exposition, le monde paraît trop fort. On se sent assailli par le retour à la réalité, et on comprend qu’en plus d’avoir été séduits par l’originalité de cette formule, nous étions à l’abri entre ces murs de l’exposition. En écoutant cette musique  répétée inlassablement, nous étions à la dérive dans ce flot musical, indifférents au temps qui s’écoulait, caressés par l’œuvre et consolés de toute chose.

L’exposition de Ragnar Kjartansson au Musée d’art contemporain est-elle un chef d’œuvre, comme l’affirme le Devoir? Je ne sais. Par contre, je peux bien dire qu’entre les murs du MAC cette semaine, j’ai trouvé un soupçon d’éternité.

Ragnar Kjartansson
Au Musée d’art contemporain de Montréal
Du 11 février au 22 mai 2016