Tool : un retour très attendu
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Tool : un retour très attendu

– Concert de Tool au Centre Bell –

Album 10,000 Days

Quand un groupe peut attirer 15 000 personnes à un show sans avoir fait d’album en dix ans, c’est soit un groupe culte, soit un vieux groupe de rock. Dans le cas de Tool, c’est un peu les deux.

Tool : du solide et du weird

L’univers de Tool est rempli de mystères. Transcendant les genres du rock, du prog et du métal, le groupe a autant composé de pièces «cérébrales» (Lateralus serait inspiré de la suite de Fibonacci) que des titres offensants (Hooker with a Penis, quelqu’un?). C’est que le chanteur Maynard James Keenan est tout un personnage! C’est ce misanthrope autoproclamé qui disait que la pièce « ° 4 » s’appelait ainsi, car la cavité anale était plus chaude que la cavité vaginale de quatre degrés… Malgré ce calembour de très mauvais goût, la musique de Tool n’a rien de vulgaire : lourde, métallique, précise, complexe… Une véritable architecture que le groupe a déployée au Centre Bell, vendredi soir dernier, après dix ans d’absence.

Once & Future Band: une mauvaise ouverture réussie

En première partie, le groupe Once & Future Band remplaçait Primus, ce fameux groupe étant réservé à la tournée américaine. Dès la première pièce, la musique laisse transparaître ses influences : rock-prog des années 70, jazz psychédélique… On croirait entendre une version pop pastel des Mars Volta avec des synthés à la Deep Purple. Le chanteur est talentueux, gardant la justesse même dans ses notes hautes perchées. Plusieurs des harmonies de modern jazz sont solides, ce qui compensent un peu pour les mélodies vocales plus faibles. La dernière pièce du set est plus réussie. Les musiciens, visiblement plus accoutumés à l’improvisation, s’embarquent dans un funk aux influences de jazz fusion, et le solo de guitare aux sonorités de John Scofield conclut bien leur demi-heure sur scène. Pour Once & Future Band, on gardera l’impression aigre-douce d’avoir entendu un bon groupe dans son genre qui était tout simplement inapproprié pour la soirée. L’absence de présence scénique, l’animation insipide et l’éclairage simpliste traduisent l’inexpérience d’un groupe qui n’est pas habitué à occuper l’espace d’une salle aussi grande. Le groupe n’a pas encore trouvé son identité, et on ne peut s’empêcher de les imaginer dans un local de pratique en les voyant sur scène.

Tool : on aime ça QUAND ça tape fort…

20h45, et Tool commence en force avec The Grudge. Au lendemain du retrait des États-Unis des Accords de Paris, une figure dans l’ombre s’adresse au public : « Sorry about our country. We’ll fix it. » Ainsi Maynard James Keenan s’adressait à son public. Le chanteur est-il vêtu d’un habit d’officier SWAT, d’agent antiémeute, d’un pseudo-guerrier de paintball? Difficile à dire, puisqu’il est placé en retrait à gauche de la scène, se refusant à se montrer sous les lumières des projecteurs.
De sa guitare désaccordée, Adam Jones plaque des accords sacrément graves par-dessus les notes de basse gonflées à bloc de Justin Chancellor. Lui et le batteur Danny Carey forment le roc solide du groupe, l’assise même du son de Tool. Dans Schism et Opiate, Carey fait des passes ahurissantes. Couplé avec des progressions rythmiques à vous tirer le cerveau dans deux directions, le jeu à la batterie est un spectacle en lui-même. Dans les coups de cœur, on compte l’hypnotique Parabol suivie de Parabola, le grand frère musclé de ce couple. N’oublions pas Vicarious et Forty-six and 2, des pièces plus lourdes auxquelles le public réagit particulièrement bien.

…mais parfois c’est mou.

D’ailleurs, l’audience a été remarquablement tranquille durant le spectacle. Seulement quelques pièces ont provoqué un mouvement généralisé de devils’ horn dressé vers le ciel. Certains mettront la faute sur la disposition assise du parterre au Centre Bell, mais ce serait nier que certaines pièces comme Opiate et Third Eye comportent des longueurs évidentes. Ici, même les punchs ultra tight appuyés par un jeu d’éclairage impressionnant ne peuvent pas y faire grande chose. Également, si plusieurs des projections sont très jolies (le coucher de soleil impressionniste sur Descending est superbe), il faut reconnaître que certaines sont vraiment kitch, pour ne pas dire moches.

C’est bon, mais…

Le concert aura sans doute bien plu aux fans invétérés du groupe, mais les plus modérés seront sans doute restés sur leur faim. La performance particulièrement physique du batteur et les projections permettent de dire que Tool offre bel et bien une expérience accrue de sa musique en concert, mais celle-ci est ternie par le peu de présence scénique des autres membres et la volonté obstinée du chanteur à ne pas se mettre à l’avant-scène. En plus, quand on interdit à son public de prendre des photos, et que ledit public se fait taper sur l‘épaule pour qu’il range son téléphone par la sécurité… sans commentaire.

Photos : Mihaela Petrescu

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