J’entre dans le pavillon principal de HEC Montréal. Comme il m’arrive parfois, je saisis un exemplaire du journal étudiant pour me remémorer une autre époque. En ouvrant le journal, j’aperçois une insertion glissée entre la première et la deuxième page de L’Intérêt, dont le numéro est consacré au financement universitaire.
Voici le contenu de l’annonce :
*** MANQUE DE TEMPS ? ***
Avez-vous déjà songé faire faire vos travaux universitaires par un étudiant au doctorat ?
Idéal pour essais, travaux longs, résumés de livres, mémoires ou thèses.
– Six années d’expérience en ghostwriting
– Polyvalent en business/finance, sciences sociales, lettres pédagogie.
– Flexibilité et disponibilité
– Prix abordables
– Travail de qualité
– Confidentialité assurée
Je savais que ce genre d’étudiant existait. C’est un secret de polichinelle : des marchands, il y en a dans tous les domaines. Par contre, jamais je n’avais été témoin d’un tel marketing. On croirait un entrepreneur nous vendant sa salade grâce à une annonce publicitaire placée dans une boîte aux lettres.
Ce genre de services est non seulement frauduleux intellectuellement, mais il va à l’encontre même de ce qui constitue la base de pensée désirée d’un doctorant. Lorsque j’étais étudiant au doctorat à l’UQAM, il y avait un cours d’un crédit sur l’éthique et la recherche préalable à l’admission.
Un étudiant acceptant d’écrire des thèses de maîtrise ou des travaux de session à la place de ses clients manque autant d’éthique que ceux-ci. Faire ses travaux, cela fait partie de l’apprentissage. Les documents remis ne sont pas seulement des tâches à effectuer, ils font partie du « comment faire » et de l’apprentissage. La fraude intellectuelle n’est pas souvent dénoncée, elle ne vole d’argent à personne, mais elle constitue une tolérance hypocrite des études supérieures.
Voici donc une traduction libre de l’annonce en enlevant l’amélioration de l’image marketing de la transaction :
*** VOUS AIMEZ TRICHER? ***
Avez-vous déjà songé à faire faire vos travaux universitaires par un étudiant sans éthique qui pourrait être expulsé du doctorat s’il se faisait prendre ?
Idéal pour les étudiants n’ayant pas les compétences nécessaires à l’obtention de leur diplôme et ne voulant pas démontrer l’effort nécessaire.
– Six années d’expérience en fraude intellectuelle universitaire.
– Polyvalent dans tous les types de plagiats.
– J’ai une banque de travaux antérieurs que je recycle.
– Pour faire une piastre, je suis toujours là, morale élastique à souhait.
– Prix abordables puisque c’est du travail non déclaré à l’impôt.
– Travail de qualité par rapport à ce que vous auriez fait puisque vous êtes prêt à payer.
– Confidentialité assurée, sauf si je me fais prendre. Alors, vous tomberez avec moi.
Ce genre de services existe là où il y a de la demande. Certains en font même un commerce lucratif. J’ose espérer qu’un tel comportement sera dénoncé.
Ces individus n’ont pas leur place dans le milieu universitaire. Leurs gestes sont aussi choquants et répréhensibles que ceux dénoncés à la Commission Charbonneau.
Dire que les clients de ce sous-traitant risquent leur réputation s’ils se font prendre. Et dans le milieu universitaire, la réputation, c’est la plus grande valeur intangible de l’individu.
Note: Je souhaite sincèrement que ce soit un test pour piéger des étudiants utilisant un tel service. Dans le cas contraire, nous devrions être collectivement en questionnement sur la dénonciation généralisée d’une telle pratique.
_______________
Commentaires supplémentaires du 24 mars 2013:
1) Le lendemain de la publication de cet article, Simon Dansereau a publié un article faisant étant du même fait. D’ailleurs, ce dernier a confronté ces fameux tricheurs, dont Ghoswriter341. Je vous invite à lire le fruit de son enquête : http://montrealcampus.ca/2013/03/des-redacteurs-clandestins/
2) Ghoswriter341 serait un étudiant au doctorat en philosophie… Il ne devrait pas être difficile à retracer par la direction de sa faculté.
3) L’insertion de la publicité a été faite par Ghoswriter341 lui-même. En aucun cas le Journal L’Intérêt n’endosse une telle pratique.
C’est tellement «gros», tellement stupide cet encart (dans un journal que tout le monde peut ramasser), que ça ne peut qu’être une mauvaise blague.
Mais si ce n’est pas le cas, c’est donc une offre de mauvais service de la part d’un imbécile – et seuls des imbéciles du même acabit ne devraient y succomber.
Et quand tous ces nuls et tricheurs se feront épingler et expulser de l’institution, cela aura au moins servi à quelque chose cette ânerie: assainir un peu l’air ambiant et favoriser le réel apprentissage.
Bon petit billet ici, Monsieur McSween.
Je ne crois pas que ce soit une mauvaise blague, malheureusement. Étudiante à l’UQAM, j’ai vu quelques fois ce type de message sur papier circuler…ou s’afficher sur les murs ! Bien malheureux.
Dans quel monde vis-tu ? Combien de professeurs d’université au Québec, écrivent-ils eux-mêmes leur demande de subvention et leurs rapports de recherche, d’après-toi ?
Reçoivent-ils en échange un diplôme pour exercer une profession ? Ce n’est pas parce que certains professeurs utilisent une mauvaise stratégie qu’elle n’est pas répréhensible outre part.
Un recherche google permets de trouver de nombreux sites offrant un tel service.
ex: http://www.solutionwriters.com/
Et si un diplomé proposait un tel service?
Ce serait tout aussi répréhensible.
Entre ca et les sites de prostitution pour les étudiantes de Mcgill ca serait bien qu’on commence à revoir notre système d’éducation 😛
C’est le triste symptome d’une plaie plus grave: la perception des études universitaires comme un ‘service’ pour lequel on paye en échange d’un diplôme, d’où l’appellation ‘boycott’ (refuser un service) alors qu’on parlerait normalement de ‘grève’ (refuser de traviller). Les études, c’est du travail. C’est ardu. Ce n’est pas un resto ou on choisit son diplôme comme sur un menu, et hop, les professeurs nous le ‘servent’, tout chaud. Hélas.
@Marie: vos parallèles sont douteux.
La question demeure: a-t-il les diplômes qu’il prêtent avoir ? Ou fait-il parfois appel à la sous-traitance ?