Ce néologisme existe, mais n’existe pas à la fois. Le verbe vient de naître, dans les faits, à la lecture même de ces lignes, mais il n’est présent dans aucun dictionnaire. Même dans Google, une recherche ne mène à aucun résultat. Ce blogue sera la première présence officielle du terme « encubiculer ». Par contre, en l’intégrant au langage collectif, il taillera sa place et aboutira peut-être un dans le Petit Robert ou le Larousse.
Pour sa version 2013, le Petit Robert a ajouté environ 300 mots à son registre. Dans celui-ci on retrouve maintenant des termes comme « kiffer » et on a même poussé la réflexion jusqu’à définir les « Indignés ». Toutefois, en aucun temps on a pensé à « encubiculer ». Pourtant, le verbe « emboîter » existe bien. Qu’en est-il du cubicule? Pourquoi n’a-t-on jamais pensé à intégrer l’encubiculation comme l’action d’encubiculer?
À son sens figuré, le cubicule crée une multitude de mots issus de la même famille :
Encubiculeur, encubiculant, encubiculite (infection liée à une présence forcée et prolongée à l’intérieur d’un cubicule), encubiculophobie (la peur d’être encubiculé), encubiculophile (personne aimant être forcée de rester de force dans un cubicule), etc.
Nous vivons une grande période où les encubiculés se multiplient. La tendance populaire vise la polarisation. On tente de nous classifier : souverainiste ou fédéraliste? À gauche ou à droite, citadin ou banlieusard? Capitaliste ou communiste? Néolibéral ou socialiste? Contribuable ou « gratteux de guitares »? Type sauce ou type poulet? Duhaime ou Lisée? Conservateur ou Libéral? Avec ou contre nous? Il faut nous mettre dans un rang, une section, nous étiqueter, nous accrocher une image tranchante. L’encubiculeur (au sens figuré) fait son œuvre et s’active contre ceux qui résistent aux cloisons.
L’art n’y échappera peut-être pas. Qui sait, peut-être que dans quelques années nous verrons apparaître l’encubiculisme. Ce mouvement artistique ayant des règles strictes et ne sortant jamais de conventions bien définies.
Le cubicule est une drôle d’invention passablement représentative de notre société. Nous sommes tous ensembles, mais cloisonnés à la fois. Nous sommes une collectivité, mais avec une forte propension à délimiter notre territoire et nos avoirs. Nous apprenons des règles, des principes, des méthodes, des visions, des valeurs, des pensées, etc. Bref, nous fabriquons notre cubicule individuel. Puis un jour, on devient claustrophobe. Nous développons une peur de vivre entre 3 ou 4 cloisons réelles ou virtuelles. À ce moment, on se lève et on quitte cet espace limité.
Si en lisant ce texte vous êtes assis dans un cubicule (réel ou virtuel), prenez deux minutes. Sortez dehors, prenez une bonne bouffée d’air frais, vive le printemps. Pour les gens du type carpe diem, prenez une pause pour la journée. Je sais, ça ne paye pas les factures, mais prendre quelques instants parfois pour faire une folie et se sentir vie, ça fait du bien non?
Vous voici avec un bien curieux billet cette fois, Monsieur McSween…
Mais vous avez raison: ce néologisme «encubiculer» mérite depuis très longtemps déjà à tout le moins un petit espace dans un dictionnaire autrement bourré de mots inutilisés, ou inconnus, ou complètement inutiles.
Vers le milieu des années 1980, j’ai d’ailleurs eu le plaisir – si, si le plaisir! – d’avoir mon propre cubicule alors que j’étais le directeur des communications pour une importante association professionnelle. Et sans ce refuge à l’écart du brouhaha quotidien typique de tout bureau plein de personnel se déplaçant ici et là, j’aurais été bien en peine de pouvoir accomplir mes tâches.
On rédige difficilement des discours, ou des articles pour la revue des membres, ou quoi que ce soit demandant de la concentration, si on n’a pas la paix. L’isolement d’un cubicule permet ainsi, paradoxalement, de mieux communiquer avec le monde extérieur.
D’ailleurs, on se fait une fausse idée de ce qu’est la communication si on s’imagine communiquer parce que l’on multiplie les rencontres superficielles, les réunions où l’on échange des banalités, les occasions de dire deux mots à propos de la météo, mais jamais rien de vraiment plus substantiel.
D’où la grande importance du cubicule, ou de tout ce qui pourra s’y apparenter en procurant un retrait régulier de la première ligne. Cette première ligne sans substance, une simple façade.
Le cubicule permet de faire le point sur soi-même. De mieux planifier ce qui doit l’être. De faire régulièrement le tri, et ensuite le ménage, de tout ce qui finit par encombrer notre esprit et nuire à l’avancement de nos projets valables.
Plus on y réfléchit, plus il appert évident que vous avez mis le doigt sur un grave manquement du côté de nos dictionnaires, Monsieur McSween.
Dans toute formation de vie qui se respecte, il devrait y avoir un moment où un individu – aspirant au rehaussement de ses compétences – se ferait «encubiculer». Un stage qui lui serait bénéfique pour des décennies subséquentes. Un retrait salutaire de la cohue afin de pouvoir apprendre à réfléchir dans le calme avant d’agir.
Faudrait non seulement rajouter «encubiculer» aux dictionnaires mais, également et surtout, aux cursus de toutes formations professionnelles.
Bon billet, Monsieur McSween. Car il porte à la réflexion.
Permettez que je rajoute que, malgré toute la pertinence qu’il y aurait à ce que «encubiculer» soit un jour reconnu comme mot par nos dictionnaires, un certain empêchement existe.
Une réticence ayant avoir avec la forme-même de ce néologisme: le mot «encubiculer» est quasi-imprononçable… et il y a aussi risque d’oublier – dans notre hâte à malgré tout venir à bout de dire ce mot d’élocution difficile – d’oublier le «cubi» occupant le centre du mot…
Un mot possiblement trop malcommode pour être sérieusement pris en considération par d’éminents linguistes.
Peut-être faudrait-il songer à sortir manifester, à bloquer quelques rues et les accès aux ponts – et aussi, bien sûr, aux bibliothèques. Enfin, se montrer à la hauteur des Indignés (qui eux ont eu leur entrée reconnue dans les briques couvrant tout ce qui a été accepté de A à Z).
Un pensez-y bien…