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Philippe Schnobb, Nicolas Girard ou l’art de révolter un peuple

En route pour la maison lundi, j’écoutais un poste de radio. L’animateur faisait le tour des nouvelles :

– Philippe Schnobb serait nommé président du conseil d’administration de la STM […]

Hein?! Pardon? Non, c’est trop gros. Impossible, je dois avoir des hallucinations auditives. Je repense alors à l’époque où j’envoyais des extraits à Normand Brathwaite de CKOI durant mes études secondaires. J’ouvre la fenêtre et je prends une bouffée d’air frais, parce que mon cerveau était en train de fondre sous la surchauffe du ridicule éhonté de l’annonce. Comprenons bien, je n’ai rien contre Philippe Schobb. Je l’aimais bien à la SRC, il était bon dans ce qu’il faisait. Mais, le nommer à la tête du conseil d’administration de la STM est une insulte à mon intelligence d’électeur. Cela non seulement parce que la nomination est partisane, mais aussi que le l’ancien journaliste n’est manifestement pas le meilleur rendement qualité prix de l’industrie.
Réfléchissons un peu. Quand on étudie en gestion, on rêve parfois de se retrouver membre d’un conseil d’administration important en fin de carrière. Comme la carotte au bout du bâton, on nous explique que cela arrivera lorsque nous aurons fait nos preuves ou accompli quelque chose. Il faut avoir une expertise à apporter, une contribution à donner, mais surtout être capable de cerner les grands enjeux liés à la fonction. Je croyais bien qu’on avait déjà vu le comble du ridicule. En effet, lorsque Nicolas Girard avait été nommé PDG de l’AMT, il s’était engagé un adjoint pour lui expliquer comment faire son travail.

 

« Commencez par être bénévole sur le CA d’un organisme à but non lucratif et peut-être, un jour,vous aurez des occasions. » Voilà le genre de conseil que l’on donne à un débutant en gestion. Maintenant, on pourra ajouter :« Tentez de vous faire élire dans un secteur incertain, perdez vos élections et attendez le retour d’ascenseur. Vous n’avez pas les compétences pour le poste? Pas de problème! On dira que vous êtes intègre »

 

 

La gouvernance d’une société avec des actifs non financiers de 2,8 milliards $ et des actifs financiers de 1,7 milliard $ (selon le dernier rapport annuel) peut-elle est mise entre les mains d’un expert des communications? A-t-il réellement les compétences? Lorsque Philippe Schnobb a annoncé son saut en politique, j’étais heureux de l’annonce. Il faut en politique, de la diversité de milieux, de compétences et de personnalités. Je peux comprendre qu’à force de reporter les faits comme journaliste, on a envie de faire partie des décisions. Mais, de là à lui donner les rênes d’un poste de garde des intérêts autant financiers que stratégiques des Montréalais, il y a toujours une limite à pousser le bouchon.

 
Denis Coderre avait promis d’avoir de la vision et de faire de la politique autrement. Je ne veux pas paraître « Schnobb », mais cela ne lui aura pris que quelques jours à faire preuve de laxisme intellectuel pour revenir sur sa parole. Philippe Schnobb lui-même, comme journaliste, aurait été à même de démontrer l’illogisme de la situation. En fait, un bon administrateur sait quand accepter ou refuser un poste.

 
Hier soir, j’enseignais à des étudiants se préparant depuis quatre ans à HEC Montréal pour obtenir leur titre de Comptable Professionnel Agréé (CPA, CA). J’affirmerais avec certitude que n’importe lequel d’entre eux a davantage de compétences au niveau de la gouvernance, de la gestion et des états financiers que le nouveau président du conseil d’administration de la STM.

 

 

Les postes de direction dans les organismes publics ne sont pas des stationnements pour garder sur un rond chaud les futurs candidats aux postes d’élus, ni une façon de récompenser un ami ayant pris un risque. Si tel est le cas, on pourrait militer en faveur de l’abolition de ces postes, puisque l’on semble ne pas prendre l’importance des fonctions au sérieux.

 
Les nominations de Nicolas Girard et Philippe Schnobb sont une démonstration évidente que nos élus ne comprennent pas l’importance des transports pour le développement de la région métropolitaine et du Québec. Un mécanisme de nomination de postes publics devrait être lié à un appel de candidatures ou à une sélection de candidats aux compétences reconnues dans le domaine voulu.
Peut-on exposer publiquement les compétences du nouveau président du conseil d’administration de la STM? Quelle est son expérience en administration, en gestion de personnel, en gestion de syndicats, en gestion budgétaire, en enjeux légaux, en gouvernance de sociétés, en gestion stratégique, etc. ?

 

Au niveau du salaire, comprenons que le titre de président d’un conseil d’administration n’est pas un emploi à temps plein. Ainsi, la rémunération accordée à l’époque à Michel Labrecque n’était pas nécessairement destinée à la fonction, mais davantage pour lui donner le niveau salarial qu’il avait avant de perdre ses élections. Les citoyens ont le droit d’être choqués par la transformation d’un poste de gestionnaire à temps partiel à un parachute doré pour ancien élu.

 
On peut au moins se réjouir que le maire de Montréal n’ait pas offert le poste à Ayrton Senna. Quoique lui, il connaissait les transports…

 
Pendant ce temps, les médias se concentrent sur ce qui compte vraiment. C’est-à-dire, à quelle chaîne seront diffusés les matchs des Canadiens de Montréal. Pathétique vous dites? Plusieurs gestionnaires d’expérience accepteraient la fonction pour la moitié du salaire octroyé à Philippe Schnobb. Mais le respect des finances publiques et des citoyens, ça ne semble pas toujours faire partie des valeurs des élus. Voilà le prix de ne pas s’intéresser à nos affaires publiques. Vous êtes cynique envers la politique ? Je vous comprends de plus en plus…