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La peur…

Bien que ce ne soit pas palpable à l’écran ou dans les écrits, les personnalités médiatiques ont peur. En fait, celles qui n’ont pas peur ou empreintes d’une certaine crainte sur leur futur doivent frôler l’inconscience. Parce que l’époque du public captif est révolue.

Il y a à peine 20 ans, le Québec médiatique francophone était simple. La majorité des Québécois lisaient LaPresse, le Journal de Montréal ou Le Devoir. Au Québec, la tarte publicitaire francophone télévisuelle était limitée principalement à Radio-Canada, TQS et TVA.  Le marché francophone était non seulement captif, mais aussi limité. Pour les âmes pointilleuses, il y avait aussi Radio-Québec, Musique Plus et autres, mais les trois grands généralistes s’appropriaient la majorité des revenus publicitaires. Et puis voilà, la démocratisation du Web a complètement changé la réalité des diffuseurs.

On assiste à l’éclatement et la transformation des modèles d’affaires culturels. Les revenus sont fragmentés, moins payants et ont une dose d’imprévisibilité accrue. Les vedettes actuelles ont fait leur chemin, tranquillement, mais sûrement. On a qu’à penser à l’époque où Véronique Cloutier  animait « La tête de l’emploi » ou celle où Gino Chouinard faisait ses classes lors d’un jeu-questionnaire inconnu en plein après-midi. Les personnalités publiques de demain pourraient bien être mises à l’avant-plan sur une période beaucoup plus courte.

V_Cloutier

Le web apporte son lot de popularité venue de nulle part ou de phénomènes inattendus. Cette nouvelle réalité représente probablement l’origine du projet « trouble.voir.ca. »  Ce projet, pouvant se définir comme une plateforme expérimentale, n’est pas le « voir.ca ». En marketing, on appellerait cela une forme de « spin-off », c’est-à-dire une scission entre la marque originale et la marque que l’on veut différencier. Par exemple, Honda a créé une différenciation entre les voitures Honda de catégorie « bas de gamme » et « luxueuse » (en image, à tout le moins) en créant une marque différenciée. Ainsi, claquer la porte du voir.ca, sous prétexte que l’on est associé à des opinions controversées d’une autre marque, démontre une incompréhension logique de ce qu’est le web et la gestion de la marque.

Au-delà du phénomène Gab Roy, utilisé hier comme sac de frappes par une vision consensuelle et uniforme du monde dans lequel on vit, une réalité plus subtile fait irruption. La peur… la peur de la perte du confort passé.

Sous les critiques des chroniqueurs ou analystes des médias conventionnels, il se cache aussi une protection volontaire ou non d’une réalité antérieure. L’époque où il fallait être élu dans un club sélect pour être bien en vue. Il y a maintenant une inversion des rôles. Autrefois, les réseaux créaient des personnalités publiques en les mettant à l’avant-scène. Dans le futur, des protagonistes se créeront une valeur marchande avant d’être mis sur les plates-formes les plus visitées. Le groupe de trouble.voir.ca, que l’on soit d’accord ou non avec les propos de certains, représente les balbutiements québécois d’un nouveau modèle d’affaires. Une forme de carrière médiatique très précaire, empreinte d’une dépendance à la popularité.  Qu’on le veuille ou non, le futur des médias est un marché en haute concurrence où le consommateur ne fera plus de distinction étanche entre le web, la radio et la télévision. Le futur de la consommation est au téléchargement. Les consommateurs ne seront plus les pantins d’une grille horaire, ils seront les consommateurs d’une offre grandissante et diversifiée de produits culturels : peu importe que l’on approuve ou non la nature du produit.

Les grandes entreprises à structures de coûts lourdes se verront dépassées par des productions indépendantes créées par une poignée de bénévoles.

Au niveau de l’écrit, le phénomène s’anime déjà. Les journalistes et chroniqueurs de carrières craignent les chroniqueurs du web sans formation journalistique. Il y a une élimination de la barrière entre information et opinion. Les postes sont maintenant précaires et beaucoup de pigistes se glissent dans le système. Le contrôle de l’information n’est plus sous le contrôle d’une élite : le web a démocratisé, pour le meilleur et pour le pire, la diffusion d’information.

Dans un marché sans barrière à l’entrée, l’offre ne génère pas la demande… même si certains analystes ou économistes (sic!) tentent d’oublier ce principe de base. La peur génère de la résistance, dans son instinct le plus fondamental, l’humain utilise mécanisme de défense face à ce qu’il ne comprend pas.

Espérons que cette peur génèrera une plus grande créativité. Parce qu’il sera bientôt illogique de subventionner des entreprises générant moins de contenu que des indépendants avec une caméra amateur. La peur, je vous dis, la peur…

Note : Le présent texte ne représente pas un appui à des propos que je n’endosse pas, mais bien à une remise en question d’un modèle d’affaires passé.