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Le libraire : « Adapt or die »

Les Québécois lisent moins qu’avant. Dans toute la discussion sur le projet de loi du gouvernement, la réalité semble décevante, mais les Québécois ne lisent plus. Lorsque j’enseigne au cégep et à l’université, j’ai le même constat chaque année : la capacité à comprendre un texte est limitée pour plusieurs. Lire à voix haute est même pour certains une séance d’humiliation publique. Alors, lorsqu’on tente de sauver des commerces en mettant un prix plancher au livre, je me demande qui l’on aide réellement. Le consommateur ou le commerçant? Le gouvernement veut-il encourager la lecture ou sauver un commerce ?

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Commençons par la logique économique : une hausse des prix diminue la quantité demandée. Et non, l’offre ne génère pas de la demande. Si l’on offre un produit à un prix trop élevé pour la valeur donnée par le consommateur, ce dernier se nourrira d’un produit substitut. Mais, voilà, dans notre grande vertu, le livre n’est pas un produit, c’est de l’art. C’est de la création : de la culture. Oui, le livre n’est pas un bol en plastique ou une casserole, mais il demeure un outil à plusieurs volets. Le livre pourrait être défini comme un outil de divertissement, un outil d’apprentissage ou de référence.

Mais, le livre tel qu’on le connaît est un support. Le contenu (le roman, le livre de recettes, l’atlas, le dictionnaire, etc.) pourrait avoir une forme totalement différente. Mais, dans notre nostalgie collective, nous attribuons une valeur sentimentale au livre papier. Il est mis sur un piédestal, comme la source d’une valeur aux intérêts supérieurs. Les libraires sont en train de vivre le même deuil que les disquaires. Le monde change, il faut s’adapter ou mourir. La résistance au changement apporte des conclusions négatives : le frein à l’adaptation ou une adaptation tardive. Les libraires font commerce, l’industrie se meurt. En faisant une analyse externe, on comprend que les libraires devront devenir autre chose. Pourquoi pas un café où l’on vend des livres numériques ou sous un format papier? Pourquoi ne pas offrir une expérience client différente? Outre les conseils d’un libraire, la valeur ajoutée se  dilue tranquillement. De plus, avec différents sites web, un consommateur peut obtenir l’information qu’il désire à l’extérieur des murs d’un commerçant de livre. Mais, il y a le contact humain! Bien sûr, mais combien cela vaut-il pour le consommateur?

Les grands consommateurs de livres se valorisent en partie par ceux-ci. Entrer chez un érudit de la lecture revient à entrer dans un temple littéraire ou l’ensemble d’une vie culturelle est parfois « confiturée » sur de multiples bibliothèques. Il fait partie des derniers résistants à une époque révolue. Pour une grande partie de la population, le livre voyage, se partage et se donne. Il fait partie d’un achat commun, comme celui d’un film par exemple. Sale capitaliste vous direz? Non, le film aussi est de l’art, il coûte simplement plus cher à produire et demande moins d’efforts à consommer. Toutefois, ce dernier ne permet pas le développement de l’imaginaire de la même façon.

Nous sommes dans une période de transition. Voilà un débat très émotif pour plusieurs, mais la réalité nous rattrape. Tout comme les petites épiceries de quartier disparaissant les unes après les autres, le libraire deviendra de plus en plus un marché de niche. Y a-t-il de la place pour des petits libraires spécialisés dans notre société actuelle? Bien sûr, mais en plus petit nombre. D’ailleurs, pourquoi ceux-ci ne se regrouperaient-ils pas pour faire face à la concurrence?  Je suis un amant de la lecture, de l’écriture et de la littérature. J’ai une admiration sans bornes pour les auteurs, écrivains, scénaristes, etc. Par contre, je suis aussi un consommateur qui ne comprend pas les mécanismes de défense ne faisant que prolonger l’agonie d’une industrie en redéfinition.

Le gouvernement du Québec a décidé de mettre l’industrie sur la morphine pour apaiser ses souffrances ? D’accord, c’est un choix. Par contre, celle-ci serait peut-être mieux d’avoir les idées claires et de redéfinir son modèle d’affaires avant que son cœur ne cesse de battre. Et à ce moment, aucun prix plancher ou rabais limité ne pourra servir de défibrillateur.