Ça y est, Postes Canada remet enfin la question de la livraison à domicile en doute. Cela n’en prenait pas plus pour déchaîner les lignes ouvertes et pour créer un de multiples indignés de plus. Ah oui, l’indignation est à la mode. Bientôt on se promènera sur le Plateau et un « hipster-artisto-bohème-branché-mais-pas-trop » lancera une phrase de son temps des trente dernières minutes : « Être indigné, ça fait tellement 2012. Ne pas connaître, ça, c’est 2014.» D’accord, l’apothéose de la contre-culture, ce n’est pas ma tasse de thé. Je ne dirai pas que je ne connais pas Marc Dupré, ce serait le faux aveu que je paye quelqu’un pour faire mes courses chez Jean Coutu. Mais revenons à la poste.
En 1984, je mettais périodiquement une pancarte dans la fenêtre de la maison. C’était pour le livreur de lait. À une autre époque, le laitier passait à la porte avec ses bouteilles en verre. Le livreur de 1984 était en fait un employé de Québon ou de quelconque sous-traitant. Il avait son fameux chandail « bonjour, j’arrive » à l’avant et « salut, je m’en vais » à l’arrière. Puis un jour, on s’est mis à acheter le lait à l’épicerie comme les gens de notre temps. Et puis le livreur de lait a disparu. Un peu comme l’affiche « parents-secours», il est devenu anecdotique.
Plus tard, la ville a merdé avec sa filtration et on s’est mis à acheter de l’eau (sic!). On a découvert le livreur d’eau. C’était lourd 18 litres d’eau. Puis, un jour, le bébé de la famille a été capable de lever la cruche. On a rapidement oublié le livreur. Plus tard, le budget d’un universitaire m’a réappris à boire l’eau du robinet. Depuis ce temps, ma gorge est branchée sur l’aqueduc municipal.
Mais, la poste directement à la maison, ce n’est pas la même chose! Les banlieusards savent bien que ce n’était qu’une question de temps avant que cet anachronisme soit réglé. Ce qui nous sauvait en ville, c’était la proximité des adresses. Puis un jour, la technologie s’est mise de la partie. La possibilité de payer ses comptes électroniquement est chose faite. On ne s’envoie plus beaucoup de lettres et les rares cartes de Noël que l’on reçoit proviennent du courtier immobilier voulant faire 15 000 $ en quelques heures. Les lettres d’amour sont devenues des messages Facebook. Le livreur de croustilles et de boissons gazeuses a été remplacé par une tablette d’épicerie.
Mais pour le service de facteur à domicile, on pourrait se questionner. Ceux qui vivent en ville rentabilisent davantage les pas du facteur. Ainsi, selon le principe utilisateur-payeur, est-ce que ce service est déficitaire? Selon certains, le droit à la poste à domicile doit être égal pour tous, peu importe où l’on vit au Canada. Voilà une logique ressemblant à la politique de prix unique de la SAQ.
Suis-je vraiment outré à l’idée d’aller chercher la sollicitation de crédit ou une communication écrite quelconque au coin de la rue? Est-ce pour moi une aberration monumentale? Honnêtement? Pas vraiment.
Et voilà, l’exemple de la personne âgée et des personnes à mobilité réduite revient à la charge pour calmer les ardeurs d’une portion des analystes du dimanche. Ce n’est pas parce qu’une portion de la population a besoin d’un service que l’on doit l’universaliser. On pourrait maintenir le service pour les gens n’ayant plus la force de sortir de leur domicile.
Je ne dis pas noir, je ne dis pas blanc. Je dis simplement que la sauce est grise. La transition se fera un jour ou l’autre. L’opératrice
de Bell, le releveur de compteurs, livreur de lait, le réparateur du coin et autres ont su s’adapter à la réalité du monde dans lequel ils vivaient.
Posons la question autrement. De combien voulons-nous voir nos impôts augmenter pour nous assurer un service des postes à domicile? Pour profiter d’une baisse d’impôts ou plutôt d’une hausse moins élevée, je suis prêt à marcher quelques pas. Pas vous?
L’opératrice de Bell a su s’adapter? Si je ne me trompe, les centres d’apel de Bell et de Vidéotron sont respectivement en Égypte et en Tunisie. Je suis d’accord avec la nécessité de s’adapter pour Postes Canada, mais certains exemples me laissent dubitatifs… 😉
Si Postes Canada s’inspire de cet exemple, on risque d’avoir à marcher plus loin qu’au coin de la rue pour aller chercher notre courrier! 😀
et j’aurais du dire d’appels. Désolé.
« D’autres espèces, par contre, sont loin d’être en voie d’extinction. Quelques exemples seulement :
– Certains patrons de grands organismes publics qui, une fois pris la main un peu trop basse dans le sac des deniers publics, quittent néanmoins avec des primes de départ de plusieurs centaines de milliers de dollars.
– Les gestionnaires et les cadres qui se multiplient entre eux dans les grands hôpitaux pendant qu’on épuise les infirmières surchargées sur les étages.
– Les gestionnaires et les cadres qui se multiplient entre eux dans les grands centres de réhabilitation pour personnes handicapées pendant qu’on sous-traite de plus en plus les soins à ces personnes vulnérables à des employés non syndiqués sous-payés et souvent mal formés. Les inspecteurs pour mieux surveiller ce qui se passe dans tous ces centres et résidences, par contre, eux, on ne les multiplie pas… Au contraire.
– Les heureux récipiendaires de nominations partisanes à de confortables postes dans la haute fonction publique ou à l’étranger. Le tout, souvent accompagné d’une généreuse pension à vie payée par les contribuables dont plusieurs n’en ont aucune. De belles nominations faites aussi trop souvent nonobstant le niveau de compétence des appelés.
– Des présidents de conseils d’administration de grands organismes publics ou vivant de fonds publics qui, malgré leur mauvaise gestion, sont gardés en poste ou envoyés, discrètement, dans un autre organisme.
– Pour l’ensemble de leur œuvre, tous les «nommés» qui ont, en plus, l’immense «privilège» de se faire relever de leurs fonctions par le gouvernement… mais avec plein salaire.
Et tutti quanti… »
-Josée Legault
Le plus grand des sophismes: justifier A en mettant B en apostrophe.
L’an dernier je remarquais que les facteurs étaient munis de voiture pour faire la livraison du courrier. Combien a-t-on investi pour ces véhicules à Poste Canada ? Quelle planification alors qu’on savait très bien qu’on se dirigeait vers une toute autre destinée. Je ne peux m’empêcher de penser qu’on a sûrement favoriser des amis avec l’achat de tous ces véhicules. Mais ça, c’est encore la mode !!!!!
L’auteur de l’article ne remet pas une seconde en question la logique de la rentabilité qui a l’air pour lui d’aller de soi, comme les oiseaux qui volent ou l’eau qui mouille (« s’adapter à la réalité du monde » mais surtout sans se poser de questions à propos de la substance de cette réalité même si elle n’est plus « grise » depuis longtemps mais vire bien au « noir »). Un service public n’a pas à voir les impôts augmenter pour fonctionner tout simplement parce qu’il n’a pas à être rentable. Il est un service qui doit être considéré comme tel par la société. Je poserais la question différemment : de combien les impôts vont-ils diminuer pour que tout les québécois perdent quelques minutes de leur journée pour aller chercher leur courrier ? Mais la réponse est désormais tellement évidente que la question paraît absurde à tout le monde. C’est effectivement la même réponse que pour le lait, l’électricité, le téléphone, toutes ces choses qui étaient des services et qu’on doit désormais faire/payer soi-même (ex : payer la hotline de Bell pour qu’un type à l’autre bout du monde payé au lance-pierre nous assiste dans les réglages – environ 2 fois par mois pour mon internet – qu’on doit désormais faire soi-même en payant plus cher). Au bénéfice de qui? Mais l’auteur de l’article est comptable et enseignant à HEC : il ne fait qu’assurer sa fonction idéologique…
Pourriez-vous s’il vous plait publier mon commentaire précédent? Il m’a prit un certain temps à rédiger et me paraît utile à l’interprétation de cet article. Merci d’avance.
Désolé, les gens qui publient pour la première fois doivent être approuvés. Comme j’ai une vie, il m’arrive de passer 24 heures sans aller sur Internet 🙂 Merci de vos commentaires.
Monsieur Mc Sween,pensez donc aux personnes âgées et celles en chaise roulante.Pensez donc a toutes ces boîtes postales qui ne seront pas toujours déneigées l’hiver.Pensez donc au fait que ce n’est pas sécuritaire de payer ses comptes sur internet.
Poste Canada a son utilité ,pour rentabiliser Poste Canada ,il faut privatiser ce service postal.
Après les bouchons et les goulots d’étranglement sur les ponts et sur les routes, connaîtrons-nous bientôt ces mêmes empêchements de circuler sur les trottoirs?
Car où les placera-t-on ces boîtes postales communautaires qui ne pourront qu’être surdimensionnées? Et situées à une distance «marchable» pour l’ours citadin moyen?
Faudra-t-il se résigner à faire quelques pas dans la rue une fois arrivé à la hauteur de ces boîtes, quitte à risquer de se faire renverser par un cycliste (aux écouteurs solidement vissés aux oreilles) ou par un automobiliste (davantage occupé à bavarder au cellulaire, de type mains libres ou pas)?
Depuis hier, deux chansons me tournent en boucle dans la tête. D’abord, celle du chanteur français Hugues Aufray intitulée «Adieu Monsieur le professeur», dont je remplace mentalement «professeur» par «facteur» dans les paroles, et aussi le classique «All Things Must Pass» de George Harrison .
(Sur l’album Revolver des Beatles, paru en 1966, George Harrison y va par ailleurs de quelques mots cinglants concernant le «Taxman». Prochain sur la liste, après le livreur de charbon, le forgeron, le laitier, le boulanger, le petit libraire et depuis hier le facteur? Mais faut pas trop rêver, paraît-il…)
Puisqu’il fait un temps abominablement glacial aujourd’hui (certainement pas un temps pour mettre un chat dehors, et encore moins un facteur ou une factrice) pourquoi ne pas en profiter – en restant bien au chaud à l’intérieur – pour revisiter un peu quelques moments timbrés à la veille de devoir céder leurs places à de nouveaux moments plus raisonnables.
Sans service postal quel succès aurait pu obtenir le groupe The Box Tops avec son super-hit The Letter? Elvis aurait-il chanté Return to Sender? Les Beatles y seraient-ils allés de leur version de Please Mister Postman? Ou même de leur composition originale P.S. I Love You? Et tant d’autres!
Quelle crédibilité aurait eu l’expression «your cheque is in the mail»? Déjà pas très rassurante… mais tout de même plus prometteuse que «your cheque is in the Email», non?
Et puis, avec un service postal bancal, il faudra songer à modifier la signification de l’expression «passer comme une lettre à la poste», peut-être même entreprendre la colossale et difficile tâche de réécrire nos dictionnaires. Car des lettres, il y en a plein les dictionnaires. Des lettres anonymes, des lettres recommandées, des lettres de remerciement, et plusieurs autres qui seront soit dactylographiées, ou imprimées, ou plus rarement manuscrites.
Quant aux lois, faudra-t-il bientôt davantage en respecter l’esprit que la lettre? Ne plus prendre au pied de la lettre ces enfilades d’articles obscurs qui laissent souvent des tas de juristes perplexes ou en désaccord entre eux?
Où notre société échouera-t-elle lorsque le facteur aura définitivement rangé sa grosse sacoche au fond de cette armoire oubliée dans un coin de son sous-sol? Qu’arrivera-t-il aux collectionneurs de timbres, aux fabricants de boîte à lettres, aux photographes de cartes-postales, aux fournisseurs d’uniformes ou d’élastiques ou de caddies et plein d’autres encore?
Quelle tuile! Comme s’il n’y avait pas déjà beaucoup trop d’illettrés…
lire » la mort du facteur ‘, titre de l’édito de Robert Sansfaçon dans Le Devoir de vendredi