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Fédéralisme décentralisé et souveraineté : une réelle différence ?

La souveraineté du Québec est un concept à définition variable. Par deux fois, les Québécois ont été appelés à se prononcer sur la question avec un résultat négatif. Pourtant, le débat est encore d’actualité. Depuis ma naissance, le Québec a toujours été dans un déchirement constitutionnel sans fin. Serait-il possible d’en arriver à une position consensuelle permettant à notre province de s’épanouir dans une vision positive plutôt que de confrontation? Être ni fédéraliste, ni souverainiste a peut-être un nom : le réalisme.

Regardons la question avec un pied de recul. En oubliant la notion de pays et en faisant primer les faits sur la dénomination, on pourrait être porté à croire que certains fédéralistes et certains souverainistes soient pour la même position sans utiliser les mêmes mots.

La première ministre Pauline Marois a affirmé récemment qu’un Québec souverain laisserait place à la libre circulation entre les provinces et pourrait conserver la monnaie canadienne. Un pays qui n’a pas de réelle frontière avec ses voisins fait davantage que du libre-échange, il fait partie de l’unité géographique, économique et politique partagée avec ses voisins.

Au niveau de la politique monétaire, le fait de maintenir une monnaie commune n’empêche pas un pays d’être indépendant d’un autre. Par contre, sans contrôle unilatéral sur sa politique monétaire, le Québec ferait partie de ce que l’on pourrait appeler « l’union monétaire canadienne ». Ainsi, le Québec partagerait donc au mieux un pouvoir proportionnel à son importance nationale sur la politique monétaire canadienne. Sous l’hypothèse d’un Québec souverain, nous ne semblerions pas avoir accès à un pouvoir accru sur la politique monétaire par rapport à la situation actuelle (si l’utilisation du dollar canadien était maintenue).

Un des fondements des défenseurs de la souveraineté du Québec se rapporte à la possibilité d’avoir le contrôle sur notre destinée collective. Est-ce qu’un fédéralisme décentralisé pourrait nous apporter le même résultat? En d’autres termes, si le but est d’avoir davantage de pouvoirs provinciaux, ne serait-il pas possible de tenter de s’allier avec les autres provinces canadiennes et de générer une refonte fortement décentralisée de la constitution canadienne? N’était-ce pas le but de l’entente du Lac Meech ou de Charlottetown? Peut-être, mais autres temps, autres mœurs. Si l’on peut donner trois chances à un référendum sur l’indépendance, on peut en faire de même avec une nouvelle forme de fédéralisme. Les acteurs de l’époque n’étant plus en présence, peut-être est-il possible de tenter le « beau risque » dans une seconde mouture.

En voyant comment Pauline Marois marche sur des œufs en parlant de souveraineté, on comprend qu’elle saisit bien que la population n’adhère pas majoritairement au discours souverainiste. Un fédéralisme donnant plus d’autonomie aux provinces était davantage la vision de Robert Bourassa : augmenter le pouvoir du Québec tout en maintenant les avantages de l’appartenance au Canada. Pour lui, il fallait voir le tout avec détachement, faisant prévaloir la raison sur l’émotion. En somme, est-ce que la proposition d’un fédéralisme plus décentralisé ne serait pas la voie à adopter pour l’avenir? N’oublions pas que René Lévesque proposait la « souveraineté-association » et non une souveraineté unilatérale : vision de l’aile plus radicale de la coalition qu’était le Parti Québécois.

En 1980, la question référendaire était :

« Le gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d’acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre le Québec et le Canada? »

Même Jacques Parizeau avait proposé la « négociation d’un partenariat économique et politique avec le reste du Canada ».

En 1995, la question référendaire était :

« Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l’avenir du Québec et de l’entente du 12 juin? »

Ainsi, même les questions référendaires maintenaient l’ambiguïté quant à la forme réelle de la séparation réelle du Québec du Canada. Pourquoi, parce qu’une position mitoyenne entre l’indépendance et le fédéralisme semblait plus réaliste et plus facile à faire accepter par une majorité de la population. Mario Dumont avait même tenter la formule « autonomiste » pour tenter de s’extirper du débat bipolaire entre fédéralisme et souverainisme.

La souveraineté est principalement le rêve de jeunesse d’une génération maintenant à la retraite. Les initiateurs de l’idée sont maintenant des rentiers. Un rêve inassouvi dont le succès est confronté à la réalité démographique : la base militante vieillit et les générations suivantes ont des préoccupations qui dépassent potentiellement celle de la frontière de la province. Les préoccupations sont multiples: la mondialisation, l’environnement, la démographie, l’égalité des chances et ultimement la survie à long terme des espèces et donc de l’humain lui-même. Ces grands enjeux vont au-delà des frontières, ils sont mondiaux.

Un jour ou l’autre, les Québécois devront être menés pas un leader faisant la promotion de l’intérêt collectif plutôt que de continuer à promouvoir un pôle non accepté.

Selon la théorie du management, la collaboration demeure la stratégie gagnante lorsque la relation entre les partis est importante et que l’enjeu l’est tout autant. Ainsi, le fédéralisme fortement décentralisé ne serait-il pas une forme de compromis acceptable comme proposition commune pour la population québécoise? Un pays n’est pas seulement un rêve, il doit être un projet collectif important.

 « Êtes-vous en accord avec un fédéralisme très décentralisé? »

Est-ce qu’une majorité de Québécois seraient en accord avec un Québec ayant davantage de pouvoirs décisionnels tout en maintenant l’appartenance au Canada? Et si c’était depuis le début la position consensuelle exprimée par tous les partis, mais en ayant simplement un désaccord sur le choix des mots? En utilisant le concept de la prééminence de la substance sur la forme, les Québécois souhaitent peut-être majoritairement un fédéralisme décentralisé davantage qu’un fédéralisme centralisateur ou qu’un pays indépendant.

On dit souvent aux enfants « accordez-vous, c’est si beau l’accordéon ». Il serait peut-être temps que nous prêchions par l’exemple pour l’avancement collectif de notre nation.

À force de parler de contenant, on oublie parfois de s’attarder au contenu. Parce que changer « pays souverain » par « fédéralisme canadien décentralisé », ce n’est qu’une question de sémantique. La question réelle demeure : à qui profite cette division? À qui nuit-elle réellement? Je rêve d’autre chose. Je rêve d’autre chose pour finalement me réveiller continuellement au jour de la marmotte de notre débat constitutionnel. Par contre, je continue de rêver, peux eux… pour nous.