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« Taxer les riches »

Aux nouvelles du soir, on fait un vox pop sur les solutions pour redresser les finances du Québec. Un vox pop, c’est du temps d’antenne gaspillé où une société peut rire d’elle-même ou se taper dans le dos avec un désir d’autosatisfaction. On choisit le commentaire d’un bizarre qui lance une phrase démagogique ou populiste avec la misère dans la voix ou d’un « hipster » avec une opinion générique et sans substance. Et ultimement, on finit par entendre « il faut taxer les riches ». Bon d’accord, un premier réflexe facile : demander aux autres de payer. C’est une possibilité, mais il faudrait définir le « riche ». Qu’est-ce que la richesse?

En fait, « riche » est  un terme galvaudé. Plusieurs définitions pourraient exister :

1)      La richesse relative : Gagner plus que quelqu’un d’autre est une forme de richesse. Gagner 100 000$ par an à Westmount, c’est être pauvre. Gagner 100 000 $ à HOMA, c’est être un capitaliste bourgeois. La richesse est un jeu des comparaisons. Un ami disait souvent : « Un riche, c’est un contribuable faisant 50 000 $ de plus que soi par année »

 2)      La richesse annuelle : C’est la richesse basée sur le salaire annuel imposable. Encore là, tout est une question de point de vue. Est-ce qu’on a 10 enfants à faire vivre? On donne une partie de son salaire aux bonnes œuvres? On a besoin de soins à domicile pour son conjoint? Est-ce une richesse inhabituelle liée à la démarcation des contrats dans l’année financière courante? En somme, quelles sont les responsabilités financières assumées ?

 3)      La richesse horaire : Si l’on travaille 2500 heures par année, on peut être plus riche que le voisin qui se limite à 1500 heures. Par contre, à l’heure, qui remporte la palme? Plus on fait d’heures, plus on laisse une partie de vie sur la table: plus on renonce. Ainsi, la rémunération marginale devrait être plus élevée que celles des premières heures.

 4)      La richesse en actif net : Les taxes foncières sont basées sur la valeur des actifs. Par contre, l’impôt ne fonctionne pas de cette façon. Ainsi, on peut être actionnaire de plusieurs compagnies et ne pas se verser de salaires ou de dividendes. De cette façon, le revenu du particulier peut-être de 20 000 $ même si ce dernier est multimillionnaire en actifs. Évidemment, ce particulier paiera l’impôt des sociétés dans sa compagnie, mais ne paiera pas d’impôt personnel. L’impôt est reporté au moment où les sommes seront retirées de la société à des fins personnelles. Par contre, différer l’imposition dans le temps permet de générer des revenus supplémentaires. Le temps, c’est de l’argent. L’incorporation des médecins est un exemple de report d’impôts dans le temps. Ainsi, le salaire annuel déclaré est une question dérisoire lorsque l’on parle d’actionnaires de compagnies privées. Tout dépend des choix de l’actionnaire.

 5)      La fausse richesse : Le faux riche possède une grosse maison à Blainville, un VUS Mercedes et une piscine creusée. Il fait un voyage ou deux par année. Par contre, si on liquide ses actifs et que l’on rembourse ses dettes, le résultat net est négligeable : un pauvre déguisé en riche. À voir les taux d’endettement au Québec, il semble que ce costume soit très à la mode.

6)      La richesse fraudée : Normalement, l’individu fraudeur ne serait pas aussi riche. Par contre, comme il fraude le fisc, ses amis, ses clients, le gouvernement, etc., il a des liquidités supplémentaires. Il y a un autre mot pour ça, mais un peu de retenue est de mise ici. Il se fait justice au nom de la liberté. Si on  lui mentionne ses fautes à l’éthique et envers la loi, il se justifie: il se croit. Mais au Canada, quand on se fait pincer par le fisc, on est pardonné avec un paiement. Le crime ne paie pas qu’ils disaient…

 7)      La richesse géographique : Le Québécois débarquant à Cuba ou en République dominicaine fait de l’arbitrage financier. Plutôt que de dépenser 1000 $ pour 3 ou 4 nuits dans un hôtel hivernal, il profite de l’avantage comparatif de ses revenus canadiens par rapport au coût des plages et des vols aériens bon marché pour s’exiler. Pendant une semaine, il se fait servir comme un roi, malgré la précarité de sa situation financière au Québec. Il vient d’être pour quelques jours un riche géographique.

 8)      La richesse dans le temps : Parfois, on vit une précarité financière dans une période de la vie. Ainsi, le concept de « richesse » est un concept temporel. On peut être riche à 40 ans et pauvre à la retraite. Juste l’exemple de Raymond Malenfant exprime bien cette réalité. Un pauvre étudiant est peut-être un futur millionnaire et un millionnaire actuel sera peut-être un futur démuni. En somme, taxer une personne comme si sa situation présente était permanente permet-il une bonne adéquation entre taxation et justice sur la période totale de la vie?

 9)      La richesse « amoureuse » (conjugale) : Quand un contribuable devient conjoint de fait avec un contribuable fortuné, il devient automatiquement riche par son mode de vie. Bien qu’ici le concept de dépendance économique existe, une personne peut être pauvre fiscalement parlant tout en vivant un mode de vie princier.

 10)   La richesse héritée : Les héritiers peuvent devenir riches du jour au lendemain sans jamais avoir été eux-mêmes aisés dans leur vie autonome. L’héritage est un transfert direct contribuant à la création et au maintient des écarts de richesse dans la société.

11)   La richesse du rentier : Le véritable riche demeure celui qui ne travaille plus et touche une rente sur ses investissements. Ainsi, un rentier pourrait être défini comme riche, puisqu’il n’a pas à travailler pour vivre. La rente peut être de valeur variable,  mais toucher une rente annuelle appréciable est indubitablement lié à l’attribution de placements. La richesse du rentier peut donc être liée à la richesse de l’actif net.

12)   La richesse de renonciation : Elle pourrait se définir comme avoir de la liberté ou les moyens de refuser un travail. Cette richesse est parfois synonyme d’autres types de richesse. Elle peut aussi exister lorsque l’on minimise son train de vie pour maximiser son nombre d’heures de liberté tout en maximisant les avantages sociaux possibles. Le pouvoir de renonciation est dans sa substance une richesse.

 13)   La richesse « off-shore » : On fait de l’évitement fiscal légalisé ou non. En utilisant les lois fiscales, on se crée une richesse accrue. Stratégie légale peut-être, mais pour la moralité, on repassera…

 Cela dit, l’argent ne fait pas le bonheur … mais la pauvreté non plus.

En somme, le « riche » est un individu, alors que la taxation ne s’attaque pas à l’individu, mais aux types d’actifs ou de revenus. Ainsi, lorsqu’on utilise l’expression « taxer les riches », il faudrait être précis et cohérent. On devrait plutôt parler de taxer « quoi » et non « qui ».