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Le contrôle du « fraudeuil » roulant

Lise Thibault se fait malmener par les médias. Des mots importants sont utilisés : fraude et abus de confiance. L’ex-lieutenante-gouverneure du Québec a un minimum de responsabilité si on lui a remboursé des dépenses liées à des fins personnelles. Par contre, toute cette histoire n’aurait pas eu lieu dans un monde où les contrôles financiers avaient été efficaces. Le but n’est pas ici d’amoindrir la responsabilité de l’ancienne représentante de la Reine, mais bien de préciser que toute cette histoire n’aurait pas d’existence en présence de contrôles adéquats.

1)      La présence de contrôles analytiques 

Un contrôle analytique permet de faire des analyses de la « plausibilité » ou du caractère raisonnable d’un compte de dépenses. Ainsi, dès la première année de mandat, on aurait pu comparer le niveau de dépenses par catégorie de Madame Thibault et avec celui de ses prédécesseurs. Lorsque l’écart devient trop important, on avise immédiatement la personne que l’on exige des explications ou un remboursement partiel. On peut aussi décider d’imposer un plafond volontaire de certains types de dépenses pour éviter les abus.

2)      Imposition de seuils d’audit

Une autre possibilité de contrôle serait l’imposition d’un contrôle plus serré pour tous frais de représentation de plus d’un certain montant. Par exemple, toute dépense supérieure à 1000 $ pourrait demander une corroboration directe auprès du lieutenant-gouverneur et d’une tierce partie liée à la dépense. Aussi une affirmation signée attestant que la dépense a été faite à des fins professionnelles pourrait être ajoutée au système de contrôles. En ayant cette affirmation en mains, on ne pourrait pas prêcher l’ignorance en cas d’accusations criminelles.

3)      Signature annuelle des règles liées aux comptes de dépenses :

Lors de sa nomination, Lise Thibault aurait dû signer un document lui expliquant les règles à suivre en lien avec les remboursements de frais. Des règles claires dès le départ auraient peut-être limité l’élasticité de la moralité financière. Ce document pourrait aussi prendre la forme d’un code d’éthique sur la gestion des rapports de dépenses.

4)      Tests de corroboration avec enquête :

En audit, il existe un procédé ayant pour logique de sélectionner des transactions au hasard pour effectuer une vérification approfondie. Ainsi, en sélectionnant au hasard un nombre « X » de transactions de l’année, un gestionnaire de comptes aurait pu investiguer davantage sur la nature et les justifications des dépenses. Par exemple, si une pièce précise « événement pour souligner ma nomination », on aurait pu demander une corroboration de la part d’un ou plusieurs invités à la fête.

5)      La signature d’une deuxième personne

Pour réclamer une dépense, on doit parfois la faire approuver par un supérieur immédiat ou une personne définie dans une procédure. Si deux personnes ont signé les rapports de dépenses de Madame Thibault, il est plus difficile d’affirmer que personne n’était au courant de la nature réelle des dépenses ou de leur admissibilité avant de les soumettre au contrôle.

L’argent public

L’argent public est parfois accompagné d’une drôle de perception. On fait souvent le parallèle entre la taille de l’organisation et l’utilisation des fonds. Une sensation de ressources infinies ou de dépense non abusive en pourcentage de l’ensemble des fonds publics semble modifier le comportement de certains individus.

Lorsque je travaillais pour une firme comptable mondiale, nos rapports de dépenses étaient scrutés ligne par ligne. Je me souviens d’un groupe de collègues envoyés au Texas pour une mission d’audit.  La firme avait refusé une dépense de 15 $ jugeant que le montant avait été dépensé à des fins personnelles.  Une somme de 15$ pour trois ou quatre personnes. Si la représentante de la Reine avait été suivie de la même façon…

En somme, la règle de base des rapports de dépenses devrait toujours être la suivante : « Est-ce que j’aurais effectué les mêmes choix et les mêmes dépenses si je devais payer de ma poche? » Si la réponse à cette question s’approche de la forme négative, c’est qu’une portion de la dépense est peut-être excessive.

Madame Thibault tombe de bien haut. Pourquoi? Oui, il se peut qu’elle ait abusé des remboursements au cours des années. Par contre, le système lui a permis d’agir de la sorte sans l’arrêter rapidement par des contrôles de détection ou de prévention. Cela ne réduit pas son blâme. Malgré tout, les fonds publics dépensés à la suite de cette saga sont ultimement le résultat d’un manque de respect du contrôle des fonds publics à bien des égards. Pour l’instant, on a trouvé une coupable à lyncher sur la place publique.

La situation de Madame Thibault ressemble à celle d’un enfant à qui l’on interdirait de manger du gâteau au moment de sa dernière bouchée. La véritable question : qui a permis au gâteau d’être si accessible?