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L’étude biaisée des retombées économiques de Facebook au Canada

Facebook rend publique une étude de Deloitte selon laquelle le réseau social générerait 5 G$ de retombées économiques et 82 000 emplois indirects. Chaque fois que l’on utilise l’expression « retombée économique » on a droit à une définition différente. Qu’à cela ne tienne, avant d’analyser un rapport de consultant, il faut toujours aller voir une page bien précise : celle où le consultant limite la portée de son rapport.

Dans le rapport de Deloitte, on peut lire :

« Ce rapport […] a été préparé par Deloitte  […] pour Facebook inc. sur la base de l’étendue et des limites présentées ci-dessous. »

Cet extrait en dit long. En somme, ce rapport a été commandé par Facebook inc. et il serait vraiment utile de lire les prochains paragraphes de celui-ci. Un rapport de consultant se base toujours sur des hypothèses et limites. Le diable est dans les détails, mais toute étude, analyse ou rapport contient des limites aux conclusions que l’on peut en tirer.

Plus loin, le consultant précise que « […] l’étendue de notre travail a été limitée par le temps, par l’information et les explications qui nous ont été fournies. L’information contenue dans ce rapport a été obtenue de Facebook inc. […] ». [i]

Pour ajouter une couche d’incertitude, Deloitte précise que « Deloitte n’a pas cherché à corroborer cette information ni à évaluer si elle était raisonnable. »

Plus loin, Deloitte et Facebook se dégagent de toute responsabilité quant à l’exactitude, l’exhaustivité et la précision des données.

En somme, le message implicite est le suivant : divulguez la bonne nouvelle des résultats de notre analyse, mais on ne vous garantit rien quant à la logique des résultats.

Cette réalité parait choquante ? Pas du tout, c’est dans les règles de l’art de limiter la portée de son travail pour un consultant, surtout lorsqu’il utilise des données non auditées fournies par son client. On ne peut garantir l’exactitude d’un travail basé sur des hypothèses. Ce n’est pas un audit. Le consultant doit se protéger légalement par des mises en garde. Comme le client paye pour exécuter une analyse, le consultant obéit aux directives et à l’entendue du travail pour lequel le client veut payer.

Ce qui est merveilleux avec ce type de rapport, c’est que l’entreprise publie habituellement un communiqué de presse résumant les faits saillants de celui-ci. Évidemment, dans le communiqué de presse, on réfère au rapport, mais on ne précise pas explicitement les limites de ce dernier. Ainsi, le souhait de l’entreprise se limite à un objectif bien simple : faire répéter aux médias le contenu du communiqué de presse.

Pour avoir une idée encore plus nette de l’impertinence d’utilisation aveugle des conclusions de ce rapport, on doit consulter les annexes du rapport. Surtout la section de la méthodologie. On peut y lire :

« […] l’impact économique et les statistiques sur l’emploi présenté dans cette étude excluent l’estimation des activités déplacées ou cannibalisées. »

En somme, on conclut que Facebook apporte une plus-value importante à l’économie canadienne si l’on oublie le déplacement des emplois et des retombées économiques. En d’autres termes, les emplois crées par Facebook sont peut-être simplement des emplois existant auparavant sous d’autres formes dans les médias traditionnels.

L’extrait suivant est savoureux à ce sujet:

« […] l’étude estime l’impact économique […] en excluant les activités déplacées des médias non connectés ».

Donc, tous les revenus publicitaires perdus par les journaux, les revues, les stations de télévision, les stations de radio, etc. ne sont pas soustraient des retombées positives liées à l’arrivée de l’entreprise. En somme, on déshabille Pierre pour habiller Paul, mais on affirme que la société a plus de vêtements à se mettre sur le dos et négligeant la nouvelle réalité de Pierre.[ii]

Maintenant, si l’on tentait d’évaluer l’impact économique de la perte générée par l’utilisation à des fins personnelles de Facebook au travail? Voilà une analyse potentiellement intéressante pour évaluer l’impact économique du réseau-social.

On a beau être critique, toute entreprise ou tout groupe de pression a ce type de stratégie. Tout groupe d’intérêt ou toute société cherche à démontrer un résultat favorable à sa cause. Un rapport de consultant a toujours ses limites, c’est la règle première du jeu. Dis-moi qui te paye, je te dirai le résultat de ton analyse.

 

 


[i] Les extraits du rapport de Deloitte sont le résultat d’une traduction libre de l’auteur puisque rapport original était écrit en anglais.

 

[ii] Le terme « Saint » a été retiré de ce texte pour permettre à l’article de ne pas utiliser un langage religieux ostentatoire.