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Le rapport Godbout : l’erreur médiatique

Depuis le 19 mars, on a droit aux réactions de divers groupes de pression s’opposant au rapport de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise. D’ailleurs, par souci de simplicité, plusieurs médias n’ont pas traité de façon exhaustive ce rapport. En somme, on a donné la parole à tous les groupes habituels d’opposition sans donner un portrait exhaustif de la situation.

Le traitement superficiel du rapport de certains médias s’explique par de multiples raisons. La première, le personnel journalistique n’a pas toujours les compétences nécessaires pour comprendre et analyser les mesures proposées. La deuxième, la pression élevée sur les médias pour traiter la nouvelle rapidement représente un obstacle de taille à l’analyse en profondeur. La troisième, plusieurs intervenants n’ont pas pris la peine de lire en détail le rapport avant de structurer leur analyse.

Outre cela, la mauvaise fois de certains groupes de pression, intervenants ou personnalités politiques ne fait qu’alimenter la sauce populiste. Il faut être contre et à tout prix. Répondre de façon biaisée à des questions tendancieuses produit peut-être un bon spectacle, mais en quoi cela sert-il réellement le public ?

Pourtant, ce rapport contraste avec l’utilisation habituelle de la fiscalité. Le travail fait est non seulement colossal, mais on a préconisé une approche globale de la fiscalité québécoise en ne se limitant pas seulement à quelques mesures précises. D’ailleurs, le défaut de la fiscalité se résume parfois à un impact négatif de l’accumulation de mesures individuelles. Le présent rapport a tenté de revoir les diverses mesures d’intervention fiscale pour considérer les impacts nets.

Comme le traitement médiatique se limite, à certains égards, à sélectionner certaines recommandations, il ne rend pas justice à l’approche préconisée par cette commission. Entre la taxation des couches jetables et la taxe sur les cigarettes, on a négligé le traitement de plusieurs mesures surprenantes. De cette façon, on n’a pas donné aux citoyens un portrait complet du rapport.

1) Révision des mécanismes favorisant les mieux nantis

Plusieurs avantages fiscaux pour les mieux nantis sont remis en cause dans ce rapport. Voici quelques exemples :

Recommandations #24 :

« La commission recommande l’élimination de l’inclusion partielle du gain en capital […] »

Cette proposition est majeure : on ne pourrait plus bénéficier de l’imposition de seulement 50 % du gain en capital pour les placements non enregistrés. Voilà une mesure importante de ce rapport à peine touchée dans les médias. Le fait d’imposer le gain en capital réel (sans inflation) est une proposition courageuse.

Recommandation #25 :

« […] imposer une part des gains découlant de rendements exceptionnels en limitant l’exemption à un montant cumulatif à vie de 1 million de dollars […] »

En somme, on limite la logique selon laquelle le gain sur une résidence principale profite d’une exemption sans limites. On ne pourra donc plus investir dans un château familial pour espérer un gain infini exempté d’impôts.

Recommandation #26 :

« La commission recommande de remplacer l’exonération cumulative des gains en capital par une contribution additionnelle au […] (REER), afin de stimuler directement l’épargne retraite. »

Voilà une  recommandations pertinente. Présentement, un propriétaire de société privée peut bénéficier d’une exemption de 800 000 $ sur le gain effectué à la revente des actions de l’entreprise. Cette mesure, visant à assurer une retraite au vendeur, a généré certaines distorsions fiscales. Ainsi, le rapport Godbout propose de remplacer cette exemption par une contribution possible de 400 000 $ au REER. Comme le REER doit être retiré ou transformé en FERR, on vient proposer une correction majeure à un mécanisme favorisant les propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien.

 

Recommandation #62

« La commission recommande au gouvernement d’engager des discussions avec le gouvernement fédéral afin de modifier les règles en vigueur concernant le fractionnement du revenu […] »

En somme, on s’attaque à l’utilisation abusive du fractionnement de revenu à travers les fiducies. Ce modèle très connu pour réduire l’impact fiscal des familles mieux nanties est une aberration logique. Donner cette opportunité de fractionnement de revenus (attribuer aux enfants ou au conjoint une partie du revenu qui autrement serait imposé dans les mains d’une autre personne) est une entorse aux principes d’impôt progressif et de justice fiscale.

Plusieurs autres recommandations sont intéressantes, mais le traitement médiatique a été jusqu’à maintenant tronqué à plusieurs égards.

 

2) Révision des crédits et autres avantages fiscaux

La commission a révisé l’ensemble des mesures fiscales pour déterminer si elles devaient être éliminées, bonifiées, réduites, etc. On a souligné l’importance des accords avec le gouvernement fédéral sur plusieurs mesures. La commission a d’ailleurs remis sur la table une proposition de tarif unique à 35 $ des frais de garde accompagnés d’une série de mesures fiscales donnant un résultat plus équitable globalement pour les parents que la version proposée par le gouvernement du PLQ.

3) Conclusion :

Le rapport Godbout doit être analysé dans son ensemble et les mesures doivent être appliquées de façon coordonnée pour maintenir la logique fiscale. Celui-ci démontre qu’une utilisation différente de la fiscalité peut mener à de meilleurs résultats en éliminant les mesures fiscales inefficaces. En somme, les recommandations résultent d’une analyse comportementale : on cherche à encourager les bons comportements et à éliminer les distorsions à la logique du système fiscal québécois.

Personnellement, j’accueille avec enthousiasme les conclusions de ce rapport. Que l’on soit d’accord ou non avec certaines recommandations, il faudra une analyse collective et exhaustive de celles-ci allant au-delà d’un débat à propos d’une taxe sur les couches.