Au début de la semaine, les chiffres publiés concernant les CPE par rapport aux garderies privées subventionnées (GPS) ont fait beaucoup de vagues. Évidemment, les groupes d’intérêts se sont mêlés de la partie, chacun protégeant ses intérêts (syndicats, associations, etc.) : réaction tout à fait normale. Personnellement, je ne remets pas en doute la qualité des services qu’un CPE peut fournir. Par contre, mon analyse quantitative démontre que cette façon de faire est plus lourde et plus coûteuse que tous les autres types de services de garde. Toutes les formes de services de garde ont des inconvénients et des problèmes passés démontrés. Mon analyse quantitative se veut une réflexion sur la réalité financière du CPE et du choix de société que l’on fait. Tout a un coût : tout est financier que l’on soit idéaliste ou non.
Ainsi, dans le but de répondre à certaines attaques de personnes ou de groupes d’intérêts liés aux CPE, voici quelques réponses.
Affirmation 1 : « Tout le monde sait que les services de garde à l’enfance ne sont pas, et de loin, de même qualité dans les CPE que dans les garderies privées subventionnées » (Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec [CSQ] (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : Voici un bel exemple pour la Poutine D’or de Normand Baillargeon. La formulation « Tout le monde sait […] » correspond à la définition du sophisme de l’appel à la majorité. C’est une faute argumentaire flagrante et sans valeur.
Affirmation 2 : « La CSQ comprend mal qu’on puisse laisser des propriétaires de garderies privées subventionnées empocher des profits faramineux en vendant leur permis, mais critiquer des organismes sans but lucratif qui favorisent le développement des enfants. » (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : Donc, selon la logique de la CSQ, un organisme à but non lucratif (privé) subventionné par le gouvernement ne peut pas être critiqué pour sa gestion ou son modèle d’affaires tant qu’il existe des modèles à but lucratif ? Y a-t-il une démonstration que les garderies privées subventionnées ne favorisent pas le développement des enfants? La question des permis subventionnés limités demeure une forme de quotas que l’on peut critiquer, comme celui des permis de taxis ou de toute autre forme de limite. Évoquer la légitimité d’une faute par une autre faute, c’est le sophisme de « la double faute ». (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Affirmation 3 : « Les CPE sont administrés par un conseil d’administration composé majoritairement de parents bénévoles ayant un rôle décisionnel, alors que ce n’est pas le cas au privé » (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : En quoi cela devrait-il être rassurant? Est-ce que tous les parents sur un conseil d’administration ont la compétence pour comprendre le travail de gestion d’un CPE? Donc, le parent est à la fois le client et l’administrateur. Donc, le parent qui nomme le directeur du CPE n’a pas nécessairement les compétences pour procéder à l’embauche et à la supervision de celui-ci. Comprend-il les états financiers? Les dépenses? Saura-t-il critiquer le directeur de son CPE si nécessaire? N’est-ce pas inquiétant? Est-ce normal qu’un parent décide de la rémunération d’un gestionnaire au-delà des échelles proposées par le gouvernement? Les garderies privées subventionnées ont tout de même un comité de parents consultatif en place.
Affirmation 4 : « Le personnel des CPE jouit de meilleures conditions de travail qu’au privé. Il y a donc moins de roulement de personnel, plus de stabilité et une meilleure cohésion d’équipe pour les services aux enfants. » (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : En effet, le personnel qualifié du CPE bénéficie davantage d’heures rémunérées non travaillées. Donc, on paye plus en CPE des employés à ne pas travailler qu’en GPS. Est-ce vraiment en lien avec la « qualité du service »? Pour un CPE, les heures travaillées par les éducatrices qualifiées représentent 82,4 % des heures rémunérées, tandis que pour une GPS, les heures travaillées représentent 91,3 % des heures rémunérées. Le roulement de personnel des GPS est-il lié en partie au fait que les CPE engagent le personnel qualifié des GPS en créant artificiellement une différence de salaire entre les deux types d’installations?
Affirmation 5 : « De plus, les données du ministère de la Famille, pour l’année 2014-2015, révèlent que les éducatrices des CPE sont mieux formées que celles des garderies privées. En CPE, pour chaque éducatrice non formée, on en retrouve 4,5 formées et seulement 2,6 en garderie privée. Avoir des éducatrices mieux formées, ça se traduit évidemment par un meilleur service aux enfants. » (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : Cette statistique est-elle liée au fait que peu de CPE ont ouvert leur porte depuis quelques années? Ainsi, le taux de qualification des CPE en moyenne deviendrait plus élevé de façon structurelle ? La formation change-t-elle totalement le service rendu à l’enfant? Est-ce que le nombre d’années d’expérience est nécessairement synonyme de qualité? Au-delà des statistiques, il faut regarder honnêtement les faits. Une étude étudiant spécifiquement la « qualité du service des CPE et des GPS » serait intéressante. Encore faudrait-il s’entendre sur la définition de « qualité ». Chose certaine, ce n’est pas parce que l’on possède un diplôme ou une certification que cela garantit un travail de qualité supérieure ou un meilleur service aux enfants.
Affirmation 6 : « Les données sur le nombre de plaintes sont aussi éloquentes. En 2014-2015, pour 86 770 places en CPE, 358 plaintes seulement ont été effectuées. Avec 43 549 places, les garderies privées ont fait l’objet de 1 666 plaintes. Les CPE ont été l’objet de 4,1 plaintes par 1 000 enfants alors que pour les garderies privées, c’est 38,2 plaintes par 1 000 enfants. Pour les plaintes concernant la sécurité, seulement 0,7 plaintes par 1000 enfants en CPE et 15,3 plaintes par 1 000 enfants au privé. La qualité se reflète aussi dans les installations. À ce niveau également, la supériorité des CPE est indéniable. » (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : La structure de gestion des plaintes étant différente, ces statistiques doivent être analysées avec un œil critique. En CPE, le comité de parent gère à l’interne les plaintes. Comment un comité de parents peut-il être crédible dans les plaintes reportées au ministère de la Famille ? Comme les parents sont administrateurs de l’installation, il est normal que moins de plaintes des parents se rendent au ministère. Quand un parent fait une plainte au ministère, cela représente un désaveu de ses pairs qui ont nommé le gestionnaire de l’OBNL privé. Aussi, on affirme « À ce niveau également, la supériorité des CPE est indéniable » : à quel prix ces installations ont-elles été construites? Est-ce que la facture est plus élevée que pour les installations privées équivalentes? On semble oublier que malgré une subvention d’opération supérieure en CPE, le gouvernement se chargeait à 100 % de la facture des installations des CPE.
Affirmation #7 :
« Peu importe les prétentions des tenants de la calculette, de bonnes conditions de travail pour les travailleuses des CPE se reflètent automatiquement dans les services aux enfants, constate la présidente de la CSQ. » (Communiqué de presse de la CSQ du 22 juin 2015)
Réponse : Si en CPE on a plus de de personnel par rapport aux ratios exigés par le ministère de la Famille, ce n’est pas seulement une question de salaires, mais d’heures rémunérées en trop. En CPE, on a 353,7 heures rémunérées par enfant par rapport à 264,3 en GPS. Rappelons que les deux structures doivent respecter les mêmes ratios enfants / éducatrice. Où va la différence? Dans des heures rémunérées non travaillées ou avec un ratio dépassé. Devrait-on revoir la logique de l’organisation du travail en CPE? On lance la question.
Les groupes d’intérêts brandissent une étude de l’UQAM comparant la qualité des services des CPE à ceux de tous les autres types. La seule étude valable serait une étude comparant les CPE et les garderies privées subventionnées de même taille et dans un même milieu. L’utilisation d’une telle étude de façon généralisée doit être tempérée.
En somme, la présente analyse des arguments de la CSQ démontre que même les arguments qualitatifs tentant de réduire la portée de l’analyse quantitative doivent être pris avec nuances. Au-delà des chiffres, il y a la qualité des services. Par contre, dans l’analyse de celle-ci, il y a des nuances à faire entre le marketing, les relations publiques et la réalité.
après toutes les réponses du blogueur aux 7 différents commentaires des lecteurs, il semblerait que nous devons plier l’échine et dire – comme Bernard Landry :CONCEDO,,, vous possédez la vérité..
..
Je suis toujours étonné de lire les commentaires du c.a., de formation ,chargé de cours aux HEC et prof dans un CEGEP : ce prof touche à tous les sujets et ses arguments sont souvent EX CATHEDRA .
Étant un vieil ignorant , j’aime alors mieux lire des gens comme Camil Bouchard, un spécialiste en Éducation .
D’ailleurs, sur un sujet du genre- Camil Bouchard écrirait certainement en collaboration avec un économiste de la trempe de Pierre Fortin ..
Vous devez aimer souffrir, car vous ne manquez pas une occasion de commenter ce blogue avec le même modus operandi 🙂
je ne crois pas être masochiste mais suis convaincu être allergique à » ces possesseurs tranquilles de la vérité’,
Je vous promets de ne plus vous écrire:
Dormez en paix .
Et – comme dirait Bernard Landry :
Alea jacta est .