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Réussir

Réussir: un mot empreint de simplicité, mais dont la complexité est remplie de subtilités. Un être parmi tant d’autres dans une foule de plusieurs centaines de personnes, j’observe en silence. Ils sont sympathiques, souriants et optimistes ces jeunes professionnels. Pourtant, la réalité de chacun demeure très différente. On peut difficilement, d’un simple regard, distinguer les écorchés vifs, les anxieux, les stressés, les bohèmes, les héritiers, les choyés, les optimistes, les malchanceux ou les regards tristes. Ils ont tous un masque ce soir-là : celui des rencontres sociales où l’on se parle de son parcours, de sa vie professionnelle et de ses ambitions. Cette quête de réussite, difficile à définir, un terme à géométrie variable.

Autant de personnes, autant de destins. Après avoir suivi le chemin commun et défini du parcours universitaire, leurs chemins se séparent ou convergent. Certains empruntent des sentiers battus et rassurants, pendant que d’autres s’aventurent sur un parcours plus sinueux et incertain. Chacun cherche sa route, chacun cherche sa voie. La quête de la réussite, est-ce devenir riche? Est-ce atteindre un poste important? Est-ce de fonder une famille? Un mélange de tout cela ou simplement le fait de vivre sans remord, ni regret ? Préférera-t-on subir le regard désapprobateur des autres ou celui de son propre miroir? Parce que lorsque l’on assume ses propres choix, il y a souvent quelqu’un pour les critiquer. Par sa nature même, l’humain cherche l’approbation d’autrui. Chaque choix diamétralement opposé au sien constitue une remise en question implicite,un affront à ses certitudes. Le mécanisme de défense automatique s’illustre parfois par le rejet des valeurs ou des choix d’autrui. On a besoin de défendre ses choix, non seulement pour le regard des autres, mais aussi pour se convaincre soi-même que l’on emprunte le bon chemin.

Plusieurs tergiversent, se cherchent. Le plus difficile avant 35 ans demeure de savoir ce que le moi futur aurait voulu comme vie. Quels seront ses regrets? Que ferait-il s’il pouvait revenir à l’instant présent? Quand le pilote automatique est actionné, on oublie parfois de retourner en mode manuel ou d’actionner le frein à toute vitesse. Suis-je en train de vivre ma vie, celle d’un autre ou d’une pâle copie de moi-même? L’éternel questionnement modifie parfois de façon drastique le chemin initial. Il arrivera que l’on se félicite d’avoir bifurqué de son itinéraire. À d’autres moments, on regrettera d’avoir emprunté un chemin non prévu.

Ce jour où l’on sentira la fin se pointer le bout du nez, sera-t-on déçu et amer ou serin et en paix avec l’angle mort de son rétroviseur? Chaque choix est le refus d’une possibilité. Et si? Que serait-il arrivé? On ne le saura jamais, mais la question demeure. La société nous vend une vie parfaite et sans embûches. Le dessin ressemble à un beau parcours linéaire que l’on pense réaliser par un tracé point à point. Finalement, il y aura des reculs, des bonds, des gains et des pertes. Où suis-je? Parfois, on se sent perdu entre le soi actuel et la perception de ce que l’on croyait avoir le pouvoir de réaliser. Certains joueront le tout pour le tout s’accrochant à un rêve, tandis que d’autres préféreront regarder passer le tramway nommé désir.

À la question « as-tu réussi ta vie? », on ne saura répondre, mais l’on aura suivi un chemin, celui que l’on aura cru le sien. Ce même chemin qui aurait pu être si différent.