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La merveilleuse histoire des pantoufles en plastique

À la garderie, on appréhende l’arrivée de l’hiver. Pas pour le petit qui perd sa mitaine, pas pour le froid intense, pas pour les manteaux et le retard. Non, on appréhende les pantoufles en plastique ou en vinyle. Quoi? On dit « couvre-chaussures »?  Peu importe, on saisit le point. Alors, à l’entrée de la garderie, plusieurs affiches indiquent de mettre les couvre-chaussures pour éviter de se retrouver avec un banc de neige en accumulation dans les corridors ou un lac au deuxième étage. Un petit inconfort matinal, mais nécessaire.

Alors, chaque parent fait son effort, arrive à la garderie, met les pantoufles en plastique par-dessus ses bottes et celles de ses enfants et continue le processus temporaire de délestage quotidien de sa famille. Comme dans toute bonne réalité, il demeure une bonne partie de resquilleurs. Ceux-ci se considèrent comme trop pressés pour les pantoufles. Parfois, ils trichent à moitié en ne mettant pas les pantoufles aux enfants. Ils font parfois semblant d’être distraits, ou d’oublier. Ils regardent par terre dans le vide. Ils ne peuvent pas faire semblant de ne pas voir les autres parents suivre le rang et faire un effort individuel pour le bien-être collectif. Ce sont des parasites assumés de l’égoïsme parental.

Ces personnes décident de se payer elles-mêmes. Elles estiment que les autres doivent faire des efforts qu’elles ne sont pas prêtes à faire. Elles profitent d’un service sans en subir les désagréments. Je me demande toujours comment on se sent comme resquilleur. Être fier de profiter des autres, prendre et ne laisser rien en retour, c’est peut-être ça la société de consommation finalement : ne pas payer le juste prix de ce que l’on consomme.

Le resquilleur de pantoufles, il complétera ses déclarations d’impôt prochainement. Sera-t-il aussi distrait? Sera-t-il trop pressé pour cumuler ses revenus. Sera-t-il enclin à oublier volontairement une partie de l’effort? Aura-t-il dépensé l’impôt dû en se disant qu’il n’a pas le choix pour boucler la fin du mois? La réalité, en chacun de nous, il y a un resquilleur potentiel quelque part.

Le resquilleur s’en sauve. Les salariés mettront majoritairement leurs pantoufles en plastique en faisant leur déclaration de revenus. Pas toujours par choix, mais par obligation. Les feuillets envoyés aux gouvernements viennent corroborer ce qu’ils déclarent. Pendant ce temps, certains laisseront les pantoufles de côté.

Le même resquilleur se révoltera sur Facebook contre le gouvernement pour les coupes dans les programmes, l’austérité ou l’élimination de l’aide particulière à une maison pour toxicomanes. Il se plaindra même de la hausse des frais de garde (sic!)

L’histoire recommence sans cesse, année après année. Si bien que le resquilleur finit par se vanter de son état de fait. Il finit par s’échapper en affirmant tout haut : « je ne porte pas mes pantoufles et j’en suis fier de sauver 2 minutes par jour ». Tant pis pour les autres qui les portent, ils ont juste à ne pas les porter.

C’est ce « nous » qui nous manque. Celui de la pensée collective. Comme individu, nous sommes intrinsèquement portés à vouloir éviter les pantoufles en vinyle. Par contre, les apparences et le respect nous font changer de comportement. Le problème avec la fiscalité, c’est qu’elle est opaque. L’information n’est pas publique. Alors votre voisin d’en face avec ses 3 voitures, secouvre-bottes-305s deux motoneiges, sa piscine creusée et ses soupers au restaurant ne s’en vante pas, mais quand il déclare ses revenus, il ne porte jamais ses pantoufles en vinyle. Ah! Il est généreux quand il vous invite à souper, comme un Robin des Bois des temps modernes, il vole la société pour redonner à ses voisins.

Portez-vous vos pantoufles de vinyle?

Tiens, aujourd’hui, on annonce qu’un groupe de propriétaires de garderies privées subventionnées ont été arrêtés pour avoir utilisé des prête-noms pour obtenir plus de permis subventionnés que la loi le prévoit. Parfois, il vaut mieux porter les pantoufles de vinyle.