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Lettre d’amour fiscale de la Saint-Valentin

La Saint-Valentin, c’est la fête commerciale de l’amour. Pourtant, l’amour devient rapidement un relation économique. Pour en témoigner, voici une lettre d’amour fiscale beaucoup plus réaliste qu’une carte Hallmark!

 

« Chère moitié de paiement hypothécaire,

Voilà déjà un bout que l’on fait ensemble, sur un horizon de placement long terme. À l’époque où les filles de ton échéance visaient des investissements à rendement immédiat en gain en capital, dans des placements à la mode (comme Nortel ou Research In Motion), tu as vu en moi un placement à fort rendement sur capital investi. Tout cela, tu l’as fait sur une échéance à long terme. En profitant d’un marché baissier, tu as mis la main sur moi à un prix escompté. Moi, je te voyais comme un Blue chip : un investissement solide du TSX à dividende régulier.

Je me souviens encore du jour où tu as voulu mettre nos actifs nets en commun. Avec un capital bien mince, nous avons su profiter du principe de l’intérêt composé et des abris fiscaux légalisés comme le REER. Bien sûr, ce ne fut pas toujours facile, comme tous on se demande toujours « aurais-je fait un meilleur rendement avec un autre placement ? Quel est mon coût de renonciation?» Ensemble, on a fait face à la volatilité des marchés amoureux. On a même survécu à la crise financière de 2008 et à la baisse temporaire de notre actif net.

Évidemment, on regarde parfois les autres indices ou placements en enviant le rendement amoureux des couples voisins. Malgré tout, il reste une bonne valeur à notre coentreprise quand on en fait une analyse fondamentale.

Puis, un jour tu m’as dit : « J’aimerais profiter du crédit d’impôt pour personne à charge et des subventions liées au Régime enregistré pour Épargne-Études. »Nous avons donc pris la décision d’agrandir notre famille, après avoir obtenu l’approbation du conseil d’Administration conjugal. Aujourd’hui, je ne le regrette pas, même avec la Contribution additionnelle  pour services de garde éducatifs à l’enfance subventionnés (la fameuse ligne#434). Cela te démontre à quel point je tiens à toi. Dommage que nous n’ayons pas eu besoin du crédit d’impôt pour traitement de l’infertilité. Nous aurions ainsi maximisé notre investissement.

Pour ce faire, nous avons investi notre capital dans un immeuble à revenus. Toi en utilisant ton REER grâce au régime d’accès à la propriété (RAP) et moi en vidant mon CELI.

Avec les prix des rénovations, on s’est investi corps et âme dans ce projet, puisque le coût de renonciation était moins élevé que le coût de la main-d’œuvre syndiquée. Je n’ai pas eu peur de m’endetter pour investir avec toi, car ensemble, nous générons un effet de levier positif.

Dans notre société par actions, où tout se calcul dans des transactions à court terme comme sur Tinder,  on fait souvent face à un déficit actuariel amoureux. Pressés par le temps, les obligations sans coupon, on a parfois envie de titriser certaines créances amoureuses. Malgré tout, on revient à notre « core businsess » pour ne pas oublier notre mission : être heureux ensemble.

Je n’ai pas peur d’investir dans ton REER, sachant qu’un jour, cela nous permettra de fractionner notre revenu. D’ailleurs, notre vie, je la vois à deux pour profiter du fractionnement de revenu de retraite à 65 ans. N’est-ce pas là la plus grande preuve d’amour que d’anticiper le fractionnement de revenus de retraite en cotisant au REER de son conjoint ? Aucun diamant ne vaut un tel engagement. Avec toi, je me sens engagé tel un cas d’une assurance-vie à bénéficiaire irrévocable. (À noter: le fractionnement de revenu de retraite est maintenant généralisé jusqu’à un certain plafond. Contribuer au REER du conjoint est davantage une preuve d’amour qu’un outil de planification fiscale.)

La peine de te perdre serait bien plus grande que l’avantage de bénéficier du crédit d’impôt pour personne vivant seule. Puis, si un jour je viens à perdre la santé, nous pourrons au moins bénéficier du crédit d’impôt pour aidant naturel.

Avec toi, pas besoin d’un paradis fiscal pour éviter de payer l’impôt, les économies d’échelle compensent largement l’impact du partage de la richesse collective.

Moi, je t’offrirai des perles de prêts, venus de pays où l’on ne crédite pas (référence à Brel pour les non-initiés).

J’irais jusqu’à prendre 3 emplois pour t’empêcher de bénéficier du crédit d’impôt pour solidarité.

Tu t’imagines tout le bonheur fiscal futur qui nous attend ? Nous pourrions prochainement créer une société par actions pour nous permettre de différer l’impôt. Ou même, s’inspirer des médecins et créer une fiducie familiale pour fractionner nos revenus avec nos enfants ? N’est-ce pas du bonheur ça? Qui sait, peut-être serons-nous même capable de bénéficier d’une exemption d’impôt importante à la disposition de la résidence principale ?

Si le ciel me donne la chance de quitter ce monde avant toi, tu trouveras, pour quelques années, une trace de mon amour grâce au transfert de nos actifs sans impact fiscal.

Je te l’ai toujours dit, l’amour, c’est la plus grande preuve de l’économie dans nos vies. Parce que la personne que l’on côtoie, c’est celle à qui on fait souvent le plus de bien, mais aussi le plus de mal. Prévoir sa sécurité financière, c’est démontrer qu’au-delà des paroles, il y a les gestes de sacrifice, d’abnégation et de partage. Que même si la relation a de grandes chances de ne pas survivre, on aura contribué à l’avenir et la sécurité de l’autre.

Pour paraphraser Francis Cabrel, je te créditais, je te prête et je te déduirai.

Avec tous mes avantages fiscaux, un autre conjoint de fait, en as-tu vraiment besoin ?

Ton Allocateur Optimal de Bonheur (AOB). »

Voici le lien pour entendre la version audio à l’émission « Puisqu’il faut se lever! » animée par Paul Arcand ==> http://www.985fm.ca/lecteur/audio/economie-avec-pierre-yves-mcsween-lettre-d-amo-306686.mp3