BloguesEn as-tu vraiment besoin ?

« Salut! Salut Jean !»

La course matinale est en cours. On se dépêche, on dévale les marches de la maison et on saute dans la voiture, juste à temps. Juste à temps pour 7h04. Les matins où l’on doit prendre la voiture pour se rendre au travail, on chérissait le 7h04. Le petit « jingle » d’un centre de rénovation annonçait la chronique. On attendait le fameux « Salut! Salut! »  Pour plusieurs Québécois, c’était ça Jean Lapierre : un rendez-vous incontournable du matin, un sourire pour se sortir de la routine de sa vie monotone. C’était la politique sans doreurs d’images ni langue de bois. Il n’y avait qu’un Jean Lapierre. Personne ne pourra chausser ses souliers, trop grands et d’une forme trop atypique pour quiconque.

jean-lapierre
(PHOTO FRANÇOIS SAINT-GELAIS, ARCHIVES LE QUOTIDIEN)

Jean Lapierre, pour ma génération, ce n’était pas vraiment un ancien politicien. C’était un personnage médiatique mordu de politique, coloré, avec ses expressions bien à lui. Il nous informait sur la politique, mais surtout, il nous faisait rire. Si quelqu’un voulait rendre une information officieuse publique en politique, Jean Lapierre était la courroie de transmission idéale. Il connaissait sa valeur et son pouvoir, mais toujours dans une grande humilité.

Je me souviens d’un « tweetup » (un rendez-vous dans le monde réel de contacts Twitter). Au septième match d’une série Canadiens-Bruins en 2011, Jean Lapierre avait convié les amateurs de politique à L’Assommoir sur Bernard. Pour l’occasion, il ne s’était pas assuré d’inviter amis et partisans pour remplir la place. Non, arrivé en toute simplicité, Jean Lapierre attendait ses invités potentiels avec une bonne bouteille de  rouge italien. Il était capable de rentre à l’aise n’importe qui. Une belle soirée pour discuter politique.  Évidemment, on pouvait compter sur le futur maire de Montréal pour se pointer. Ce que l’on peut retenir, il aimait le monde, mais pas pour prendre des autoportraits: il aimait le monde pour parler avec lui. Ce soir-là, il nous avait donné un conseil qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : « Pour se lancer en politique, il ne faut avoir rien à perdre ou avoir tout perdu ».

Qui d’autre que lui pouvait se vanter de rendre un congrès du PLQ ou du PQ intéressant ? Même les professionnels du micro de chaînes concurrentes m’avouaient syntoniser le 98,5 pour ne pas manquer une chronique de Jean Lapierre.  D’ailleurs, succéder à la chronique de ce dernier, c’était non seulement un privilège, mais un honneur.  Dans ma tête, j’étais bien plus un admirateur de Jean Lapierre qu’un collègue de travail.

J’ai discuté moins d’une dizaine de fois avec Jean. Pourtant, j’avais l’impression comme d’autres qu’il faisait partie de mon quotidien. Parmi les cris des enfants et le stress ambiant, il me décrochait toujours un sourire : un antidépresseur collectif très efficace.

La vie de Jean Lapierre s’est arrêtée de façon prématurée. Malgré tout, on aura toujours une pensée pour lui lorsque quelqu’un lancera un « sincèrement » bien senti.

Un personnage unique. Jean Lapierre, c’était le « Salut, Salut », le « Sincèrement », mais surtout le « 7h04 » de ma journée. Mon 7h04 ne sera plus jamais le même. Ce fut un honneur de vous connaître Monsieur Lapierre.