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« Je reçois des pénis »

Quand j’étais au secondaire, il y avait un sujet tabou. L’intimidation, dont on parle avec tant d’ouverture aujourd’hui, était une étape de la vie normale. Se faire pousser dans l’urinoir ou dans la cour d’école était « un rite de passage » (on s’en serait bien passé). Tous les prétextes étaient bons : tu avais moins de poil, tu grandissais moins ou trop vite, tu étais bizarre, tu étais brillant, tu avais l’air gai ou simplement moins con que les autres. Tout passait subtilement, en arrivant dans la salle d’accueil de la polyvalente, les gars qui te harcelaient pour rien avaient le respect de la gent féminine. Moi, j’en avais un profond mépris. Les actes non dénoncés étaient socialement acceptés. Pas facile de comprendre à cet âge que les agresseurs sont en fait des faibles. De grands faibles, ils expriment leurs faiblesses en tentant de profiter d’un avantage temporaire.

Le temps passe et tout ça n’est plus qu’un vague souvenir. Puis, avec l’arrivée des médias sociaux et l’exposition médiatique, la haine gratuite revient. On utilise en plus un avatar pour t’envoyer de la merde. Comme adulte, on la vit très bien. Mon insulte préférée demeure: « tu ne sais pas de quoi tu parles fils de riche à papa ». Celle-là, j’avoue qu’elle me fait particulièrement sourire.  Comment les gens ont l’impression que parce que tu as fait de quoi d’un peu différent, c’est que tu avais tout facilement. C’est bien souvent le contraire.

En somme, quand cette haine arrive par les médias sociaux, on efface et c’est tout. C’est peu fréquent par rapport aux commentaires positifs et aux amitiés nouvelles développées, alors tout cela coule sur le parapluie de l’indifférence.

Par contre, les amies de sexe féminin vivent une tout autre réalité. Je dois avouer candidement que c’était une réalité dont je n’avais pas pris conscience avant les deux dernières années. Comme les filles de la salle d’accueil de la polyvalente, les gars sont des complices silencieux d’un harcèlement pernicieux.

Un jour, une amie me dit « je reçois des pénis ». Oui, les filles reçoivent des pénis. Pas physiquement, mais par messages privés sur Facebook. Comme si les hommes prenaient leurs fantasmes de films de cul pour de la réalité. Ils sont maladroits, provocateurs et harceleurs. Dans leur scénario, la fille connue du public recevrait une photo de pénis d’un inconnu et juterait de plaisir ? Voyons donc ?!! Qu’est-ce qui leur passe par la tête?

Messieurs, vous avez plus de chance de vous faire aimer ou apprécier en discutant avec la dame. À moins que votre pénis soit une œuvre d’art contemporaine, ce dont on peut douter, peut-être qu’un petit mot d’introduction serait plus apprécié qu’une photo de votre crevette excitée. Quand ce ne sont pas des pénis, ce sont des appels à la culture du viol. Certains hommes décrivent explicitement le fruit de leurs fantasmes. Ils écrivent la façon dont ils exulteraient sexuellement en la compagnie de la dame harcelée.

Tout cela n’est qu’une roue qui tourne. Un homme exprime sa frustration et sa faiblesse en harcelant une femme. Certains banalisent ces actes. Personnellement, je trouve ça bas et sans buts. Surtout, loin de la cible. Un adolescent qui me poussait dans l’urinoir n’avait pas la possibilité de devenir mon ami. Pourquoi le gars sortant son pénis en message privé croit-il pouvoir séduire sa victime? Oui, parce que recevoir des messages de pénis non sollicités, ce n’est pas un compliment. C’est une agression non dénoncée. Messieurs, gardez votre pénis dans votre pantalon, commencez par  écrire des mots (sans fautes, ça passe toujours mieux). Tu tripes sur une vedette et tu l’aimes beaucoup? Pourquoi ne pas simplement lui envoyer un court message pour lui dire? Elle apprécierait sûrement davantage que de recevoir le fruit de ton film de cul amateur.