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Je suis allé au parc … et j’ai laissé mon cellulaire à la maison


Aujourd’hui, je suis parti volontairement au parc avec les deux fistons sans mon cellulaire. Je l’ai laissé sur l’îlot de granit de la cuisine. Je suis parti sans montre ni référence temporelle avec moi (sauf mon côté Esteban se basant sur le soleil). Contrairement à l’habitude, pas de poussette, pas de trottinette. Non, on a marché. On a marché un bout, question d’exercer notre patience. On a  accepté la lenteur du rythme d’un enfant de près de deux ans pour qui marcher quelques coins de rue représente le bout du monde.

Au parc, j’ai regardé le ciel, le temps qui passe. J’ai été témoin de dizaines de « regarde papa je glisse ». Au parc, j’ai accepté de ne pas être efficace, de laisser la lenteur de la vie faire son œuvre. J’ai observé les branches vivotant au goût du vent, agitant leurs bourgeons d’ouest en est. Je me suis dit qu’un jour tout ça viendrait à son terme. L’enfance et même ma propre vie. Tous ces moments en santé que je tenais pour acquis, je voudrais un jour en vivre un autre. Un jour, je regretterai ce moment où je voulais combattre le rythme lent de la vie familiale.

Je suis à côté d’un papa qui bouffe son McDo, tout en terminant le repas des enfants. Plus loin, un groupe de parents parlent de la coopérative d’habitation. Juste à côté, une maman regarde son cellulaire et n’ose pas se salir et mettre ses deux pieds dans le sable. Puis, il y a mes garçons tout heureux d’aller au parc avec papa. Pour une fois, il est là, pour une fois il les regarde. Pour une fois, il porte attention à chaque geste. Plus loin, une mère parle à son ami de son « écoeurant d’ex » parti avec une autre. Je me dis souvent que s’il faut être deux pour danser le tango, il faut être deux pour voir l’échec de la vie à deux arriver.

Habituellement, je ne suis pas témoin de tout ça. Normalement, j’aurais un œil attentif à la sécurité de mes fils et un autre sur Twitter ou Facebook. Je dois l’avouer, je suis rendu un peu trop souvent sur les réseaux sociaux. Quand son travail  demande de lire des articles toute la journée et d’être au courant de ce qui se passe, on finit par ne plus savoir si on est en ligne pour son travail ou par une certaine dépendance.

Les premières fois que mon ami d’enfance est venu avec son téléphone intelligent, j’ai trouvé ça très dérangeant. Réagissant à toutes les nouvelles et prenant des appels téléphoniques aux 30 minutes, j’avais l’impression qu’il n’était pas là. Finalement, je suis devenu de la même espèce.

Nous sommes tous de la même espèce. Quand je vais voir un spectacle, je vois plus de gens rivés sur leur écran que de gens intéressés à vivre le moment présent. Les écrans ont remplacé les briquets. On enregistre des images pas claires. Pourquoi en fait? Pour dire « j’étais là? ». Pour partager notre vie un peu moins banale ce soir-là? Je n’ai jamais eu autant d’amis Facebook, mais j’en connais réellement combien? Combien en ai-je rencontré au cours de la dernière année? À quoi se résume mon monde dans le réel?

C’est votre fête? S’il vous plaît, ne me dites pas que vous êtes si touchés de recevoir un message se limitant à « bonne fête » sur Facebook. C’est comme recevoir des jonquilles pendant la période de dons pour le cancer. La personne participe à la mascarade parce qu’on lui propose de le faire. C’est une intention induite. Donc, à moins d’un message bien senti et plus élaboré sur notre fête, on n’est qu’une statistique de plus à ajouter dans l’algorithme des réseaux sociaux.

Après une quête de près de deux heures au parc, nous sommes de retour. Mon premier réflexe : aller consulter mon téléphone pour voir le « bout de vie que j’ai manqué ».

Aujourd’hui, j’avais décidé de laisser mon cellulaire à la maison. Aujourd’hui, par choix, j’ai laissé l’objet de fascination sur le comptoir.

Aujourd’hui, j’ai laissé mon cellulaire sur le comptoir… parce que la pile était à plat.