Je vais vous avouer un truc. Je suis las. Un peu, beaucoup parfois. Mon travail est de parler d’argent, comme les médecins parlent de cholestérol, comme la chroniqueuse culturelle parle d’entracte trop long ou de dénouement évident. C’est de la poutine, mais ça fait partie de la réalité. Par contre, mon sujet de prédilection fait mal. On ne veut pas qu’il existe, bien qu’il existe. Il nous touche quotidiennement. On aime éviter le sujet, on aime s’maginer que les ressources collectives sont illimitées. Ce n’est pas une question d’idéologie, mais de réalité : aussi grise soit-elle.
Retournons à l’origine de ce que c’est de l’argent. L’argent, c’est une reconnaissance de dettes. C’est un mécanisme d’échange. Quand je paye un commerçant, celui-ci reconnaît qu’il a une dette envers moi. Il me procure des biens ou des services. Donc, l’argent est un outil d’échange. Évidemment, avec le temps, le système s’est complexifié. Il n’en demeure pas moins que l’argent est une forme d’outil permettant non seulement de fractionner un échange inégal, mais aussi de reporter l’échange. Cela permet à un éleveur de bœuf d’échanger celui-ci contre un billet de cinéma, un repas au restaurant et un vélo à trois moments différents. Parce que mon employeur ne peut pas me payer en viande hachée, l’argent permet à la société de s’organiser. Dans un monde où l’humanité s’organise en société, l’argent permet de simplifier cette organisation tout en mettant un système financier complexe en place.
Une fois cela dit, personne ne veut que son échange soit perdant. On veut que ce que je donne me rapporte au moins autant que ce que cela me coûte en effort. En même temps, si je fournis un effort toute la journée durant, je ne veux pas que le résultat soit le même que si je n’avais rien fait, alors je cherche une « plus-value » : un profit en quelque sorte. Donc, le profit est-il mal ? Non. C’est humain de vouloir s’en sortir.
Puis, il y a cette hargne collective de parler de ce sujet. Cette volonté primaire d’attaquer toute personne qui ne pense pas de notre façon sur ce sujet.
– On sait bien, t’es juste un comptable qui voit la vie en deux colonnes.
– Vous êtes un sale « drettiste ».
– Vous êtes un sale gauchiste.
Ces dialogues de sourds m’horripilent autant qu’ils me découragent. On crache sur celui ou celle qui se sacrifie pour changer sa réalité. Dans le confort de l’inaction, on se conforte à détester au lieu d’agir.
Dans le monde de l’argent, plusieurs choses peuvent être mises en perspectives.
- Nous vivons dans un monde injuste
Il n’y a pas de logique à l’héritage. Nous vivons sur une Terre avec des ressources limitées. Le fait que tout appartienne à quelqu’un et que la population humaine est très grande génère un principe que je n’avalerai jamais : on ne mérite pas plus qu’un autre parce que nos ancêtres ont accumulé du capital. L’héritage financier est un principe économique qui ne tient pas la route. Pas plus qu’avoir du sang noble et d’avoir des privilèges. Par contre, l’héritage fait partie des règles du jeu actuel.
- Comprendre les règles du jeu
Dans le monde organisé de 2017, quand on travaille plus, on a plus de rémunération. Ce n’est pas toujours proportionnel. Certains « gagnent trop » et d’autres « pas assez ». C’est un principe de base. On a beau se battre pour changer le monde pour tous, en parallèle, on doit faire sa place individuellement. C’est-à-dire bien jouer ses pions dans le jeu de l’argent. Oui, c’est juste un jeu dans lequel nous ne sommes que des pions. Alors, on a beau tenter de révolutionner le monde, il n’en demeure pas moins que nous vivions dans une société où REER, CELI, RAP, Prêt hypothécaire, REEE, déductions, crédits et autres font partie de la réalité. J’aimerais aussi un monde où les règles sont différentes et plus justes. En attendant, en parler, c’est une façon d’apprendre à jouer, à faire sa place, à ne pas perdre avant même de commencer la partie.
- Nous avons certains choix entre les mains
En retournant au point 1), je suis d’accord qu’on ne part pas tous du même endroit. Nous ne sommes pas tous nés à Westmount où la vie est plus facile. Je suis d’accord. Par contre, beaucoup de Québécois ont un pouvoir de faire autrement, de vivre autrement et de penser autrement. Évidemment, quand on joue mal ou qu’on est malchanceux, il y a ce constat d’impuissance. Par contre, quand on regarde dans son rétroviseur, est-ce que tout cela était une fatalité? Est-ce que des choix différents s’offraient à nous? Je sais, la vie n’est pas simple. La vie, c’est parfois une série de retraits sur trois prises ou une série d’abîmes. Malgré tout, pendant que je souhaite un monde meilleur pour tous, quels sont les choix individuels que j’ai faits? Suis-je le pantin du système monétaire ou est-ce que j’utilise ce même système de la bonne façon ?
En somme, je suis las des attaques personnelles, des déformations de propos et de la mauvaise foi lorsqu’il est temps de parler d’argent. Que les certitudes de chacun soient confrontées, ce n’est pas grave. Que le monde noir ou blanc que l’on s’imagine soit plus gris que prévu, ce n’est pas la fin de l’histoire. Ce n’est pas les riches ou les pauvres, c’est une série d’individus vivant des situations uniques, mais complexes.
Se fier à des organisations comme l’IRIS et l’IEDM pour analyser une situation manque de perspective. Pourquoi? Parce que les deux ont un point en commun : le résultat (ou l’angle de recherche) d’une analyse est décidé d’avance. (Précisions: la mission de chacun de ces instituts est orientée dans des sens opposés. Je n’insinue pas que l’on manipule les données, mais que le but des études est de répondre à un mode de pensée défini.) Un citoyen doit pouvoir se faire une tête sans s’endoctriner par un désir de résultat préétabli. Une personne dont le rapport à l’argent est unidirectionnel manque peut-être d’un pas de recul. Voir seulement de l’œil gauche ou de l’œil droit, c’est être incapable de voir en 3D. L’ère post-factuelle revient-elle à perdre l’art de voir en 3D? Quand on veut voir en deux dimensions, on manque un angle mort, mais surtout de synchronisation. Entre le Conseil du patronat et les syndicats, il y a cette mince ligne que l’on appelle la nuance. Quand on parle d’argent, la nuance n’est pas désirée. Nous sommes dans une société qui déteste la nuance, pourtant elle exprime toute la complexité de notre organisation collective.
Quand je cumule les témoignages, les questions et les appels de détresse, je peux en extrapoler une chose : on a besoin de parler d’argent. Je ne parle pas d’accumuler de l’argent comme objectif de vie, c’est complètement illogique. Je parle d’en parler pour que collectivement, nous puissions mieux comprendre les règles du jeu du monde qui nous entoure.
Notre société est trop complexe pour ne la voir qu’en deux dimensions, la nuance est peut-être ce regard différent sur une réalité monétaire trop simplifiée. Je parle d’argent. C’est mon travail. Comme un plombier parle de tuyau ou une conseillère à la pharmacie parle de fond de teint. Est-ce mal ? Non. Veuillez laisser vos insultes après le timbre sonore. En attendant, n’oublions pas nos lunettes 3D.
Je seconde votre point de vue M. McSween. J’imagine que lorsque vous dites « parler d’argent », vous voulez dire écrire des articles ou un enregistrement audio qui traite de l’argent. Parce qu’au fond, ces médiums de communication impérissables sont à la disposition de quiconque s’y intéresse. Un lecteur ou auditeur qui n’est pas intéressé par ce sujet, n’est pas forcé de le supporter ou de le consommer. Reste, qu’il ne devrait pas se plaindre lorsqu’il sera temps « d’hypothéquer ses propriétés » pour payer « ses dettes » lors de la partie de Monopoly qu’est la vie.
La création monétaire est une mafia privée, la réserve fédérale américaine n’est pas contrôlée par le gouvernement ce qui fait qu’on est l’esclave de l’argent alors que l’argent devrait être à notre service. Andrew Jackson et Abraham Lincoln ont nationalisé la FED, Jackson a évité un complot qui voulait l’assassiné et sur sa pierre tombale il est écrit: J’ai tué la banque. Lincoln a été moins chanceux, Booth a réussi à l’assassiner, Booth n’a pas ét étué dans une grange, il est allé en Inde travailler pour les Rothschilds qui l’avait fait assassiner pour avoir nationalisé la FED. La FED est revenue en 1913. ( La créature de Jekill Island) pour financer la première guerre mondiale pour le contrôle du canal de Suez. Benjamin Harrisson Freedman l’explique dans son livre: La tyranie cachée en français et The khazarian conspiracy en anglais.
Monsieur,
Retraité depuis peu(juillet 2015)du monde de l’enseignement,je me sens ,ainsi que ma femme ,chanceux de pouvoir recevoir sous forme de salaire reporté une « pension » comme certains appellent encore.De plus, je remercie M.Cyr qui m’a « fortement suggéré » à l’àge de 40 ans de souscrire au Reer du Fonds FTQ:celui-ci me permet de l’avoir transformé en Ferr et de le « casher » tout de suite,pourquoi attendre?De plus,mes rentes du RRQ bien je les « casherai » cette année,année de mes 60 ans:pourquoi attendre(bis)…Alors quand vous exposez vos écrits dans ce blog ou vos propos à la radio,je vous dis merci.Pour ce qui est des commentaires que vous recevez ici et là ils sont le reflet d’une vérité qui éclate aux visages de ceux et celles qui les reçoivent:un « upper cut »….
La cigale et la fourmi. La cigale insouciante et la fourmi besogneuse. Deux extrêmes. Mais que peut-on vraiment y faire si on est plus naturellement porté à chanter qu’à bosser? Ou l’inverse?
Sans renier notre nature fondamentale, il faut peut-être tendre à devenir une cigale un peu plus besogneuse ou une fourmi plus relax. Et surtout ne pas trop attendre, de crainte de se retrouver dans la fâcheuse position du lièvre coiffé au fil d’arrivée par la sage tortue…
Mais continuez à vaillamment prêcher dans le désert, Monsieur McSween. Je l’ai moi-même fait des années durant. Car derrière les dunes à perte de vue, quelques voyageurs égarés et assoiffés espèrent votre secours. Ne les abandonnez jamais.
Si il est en effet possible de prendre du recul de la politique, il faut comprendre que l’idéologie n’est pas nécessairement celle qui s’affiche: c’est plutôt ce qui structure nos choix (worldview). Aussi, accuser de téléologie toute personne ou organisation qui s’inscrit dans un courant de pensée sert l’auteur à se retirer du débat en se plaçant dans une position a-idéologique, plaçant ses avis comme ceux d’un expert plutôt que d’un choix parmi d’autres.
TLDR: Top kek la vision en 3D.
j’aurais apprécié parler plus d’économie lorsque j’étais à l’école secondaire, je crois que c’est une grosse lacune pour ma génération. Je connais trop de gens qui disent que c’est trop compliqué et que ça n’en vaut pas la peine (d’en jaser)… c’est triste .
Je perçois une amertume face à la rançon de la gloire dans ce texte et j’en suis désolé.
Étant un auditeur assidu de vos chroniques radio, lecteur de vos publication et de votre livre, je reconnais (et apprécie) les efforts que vous faites pour transmettre vos messages le plus objectivement possible. Malheureusement, des faits ne peuvent pas toujours être présentés comme des Mini-Wheats et certains ont tendance à reprocher au messager l’absence de leur côté préféré …
Dans un contexte où l’indignation semble un passe-temps pour certains, vous avez plus de chance de recevoir un commentaire négatif d’une personne n’ayant pas apprécié une de vos chroniques que de recevoir un commentaire positif d’une autre ayant apprécié une centaine de vos sorties.
Alors que votre notoriété augmente, vos messages rejoignent un public grandissant. Il est donc prévisible qu’il génère plus de remous. Pour faire un parallèle, alors que la vitesse de déplacement d’un objet augmente, la résistance de l’air s’opposant au mouvement augmente également. De ce point, vous pouvez alors composer avec la résistance, ralentir pour la réduire ou améliorer votre aérodynamisme afin de minimiser l’énergie requise pour y faire face ; )
Espérant que vous viendrez à bout de cette lassitude.
Juste vous dire que je viens de terminer votre livre : »En as-tu vraiment besoin? »… Merci de l’avoir écrit M. McSween, tellement de gens vivent au-dessus de leurs moyens au Québec, je suis d’accord avec vous sur bien des comportements »néfastes » pour le portefeuille… Personnellement je n’ai pas du tout besoin de vos conseils, j’ai des REER, je contribue au REEE et au CELI tous les ans… Et surtout, je vis EN-DESSOUS de mes moyens! Mais je laisserai traîner votre livre pour d’autres, et surtout je vais le conserver pour le repasser à mes jeunes adultes en devenir (des enfants!)…
Si vous ne le saviez pas, le cours d’éducation financière sera obligatoire à partir de septembre 2017 pour les élèves de secondaire 5, ENFIN! Ces jeunes vont peut-être commencer leur vie d’adulte avec un minimum d’infos sur comment fonctionne l’argent dans notre société, et surtout, qu’on ne fait pas juste sortir dehors et le cueillir dans un arbre!
Parler d’argent est »plate », faut donc utiliser une façon pour »attiser » l’intérêt du public, ce que vous faites très bien! Félicitations!