Récemment, je publiais un blogue expliquant qu’une vision en 3D nécessite de regarder tous les angles d’une situation. Pour faire un spin médiatique, l’IRIS publie aujourd’hui une analyse démontrant que les étudiants à temps plein épargnaient 1465$ grâce à la grève de 2012.
Je trouve que cette analyse incomplète. En effet, il faudrait tenir compte de la fiscalité de façon exhaustive quand on parle de frais d’études. C’est-à-dire tenir compte de l’impact fiscal familial.
L’IRIS, par l’analyse de Philippe Hurteau, affirme « Le mouvement étudiant a atteint son premier objectif qui était de bloquer une hausse énorme de frais de scolarité. Ceci entraîne aujourd’hui des économies de 1 458 $ par année pour chaque étudiant·e inscrit·e à temps plein, soit 4 374 $ pour un baccalauréat de 3 ans. ».
Désolé, ceci est faux. Pourquoi? Parce que le gouvernement du Québec a adopté deux mesures fiscales après 2012 qui viennent contredire cette analyse. Une simple recherche aurait permis à l’IRIS de ne pas tomber dans une analyse tronquée.
- Baisse du crédit d’impôt pour frais de scolarité ou d’examen
Question de se « refaire », après la grève de 2012, le gouvernement du Québec a abaissé le crédit d’impôt pour frais de scolarité ou d’examen de 20% à 8%. Je regarde dans le rapport de l’IRIS, on ne met aucune mention de ce fait pour tenir compte de l’impact de cette baisse.
- Perte de la prime au travail pour les étudiants à temps plein
Il faut tenir compte que les étudiants sont dans la majorité des cas des travailleurs : ils travaillent quelque part durant l’année pour financer leurs études. Cela fait d’eux des travailleurs (à temps partiel ou durant l’été) et des étudiants à temps plein.
Les montants maximaux de la prime au travail pour l’année d’imposition 2016 sont les suivants.
Situation familiale | Prime au travail annuelle maximale pour l’année d’imposition 2016 |
Personne seule | 725,76 $ |
Couple sans enfant | 1 133,10 $ |
Famille monoparentale | 2 419,20 $ |
Couple avec au moins un enfant | 3 147,50 $ |
Pour avoir accès à la prime au travail, le gouvernement du Québec a changé les règles du jeu. Un étudiant à temps plein ne peut plus toucher la prime au travail.
En effet, Revenu Québec précise :
« vous n’étiez pas […] (si vous étiez étudiant à temps plein, vous n’avez pas droit aux crédits d’impôt relatifs à la prime au travail, sauf si, au 31 décembre, vous étiez le père ou la mère d’un enfant qui résidait avec vous) »
Ce que ma très courte analyse préparée en 15 minutes démontre, c’est que l’analyse de l’IRIS est incomplète ou inexacte. On ne montre qu’un angle choisi de la réalité dans les communications publiques.
Quand on parle de chiffres et d’argent, on prend le bâton du pèlerin et on tente de preuve de rigueur intellectuelle. Je le répète, on aurait besoin davantage de vision 3D de la réalité.
Quand on veut se faire prendre au sérieux comme l’IRIS, il faut démontrer un peu de rigueur dans l’analyse pour montrer les deux côtés de la médaille. Je salue le travail de vulgarisation tenté, mais je me désole des limites de celui-ci. Nous vivons dans une époque de faits alternatifs, semble-t-il…
Concernant la baisse du crédit d’impôt de 20% à 8%, il n’a pas servi au Gouvernement du Québec de « se refaire les poches » comme vous le dites, mais bien d’augmenter le seuil de revenu de l’aide financière aux études pour la contribution parentale. En somme, la baisse de ce crédit d’impôt qu’utilisait les étudiants les plus riches a permis d’augmenter le nombre de bourses offertes aux étudiants les plus pauvres.
Il me fera plaisir de vous en dire davantage si vous souhaitez améliorer votre analyse de la situation.
Bonjour Pierre-Yves, ton article manque aussi d’un peu de rigueur dans l’analyse! 🙂 C’est une rumeur persistante que le gouvernement a « secrètement » diminué le crédit d’impôt pour frais de scolarité en contre-partie de l’annulation de la hausse. Or, la diminution du crédit d’impôt a été décidée lors du Sommet sur l’enseignement supérieur (conjointement avec les associations étudiantes) et l’ensemble du montant a servi à rehausser le seuil de contribution parental dans le calcul de l’aide financière aux études. Bref, moins d’argent aux étudiants et familles plus nanties pendant (et surtout APRÈS – le crédit d’impôt étant reportable) les études, et plus de bourses aux étudiants en ayant besoin!
Essayer de répondre à une étude incomplète par un article incomplet n’est guère mieux. Le crédit d’impôt était principalement utilisé par les étudiants les plus riches et la plupart du temps après leurs études. Le montant de ce crédit a été transféré dans l’aide financière aux études afin de permettre à plus d’étudiants d’y avoir accès, et ce, pendant leurs études. Ce transfert est largement bénéfique pour la grande majorité des étudiants.
Pour ce qui est de l’abolition de la prime au travail en 2015, cette mesure aurait très certainement eu lieu, indépendamment de la mobilisation de 2012. Sans l’abolition de la hausse des frais de scolarité, les étudiants de 2017 payeraient donc 1400$ de plus… tout en n’ayant plus droit à la prime au travail.
le budget gouvernemental est un jeu de vases qui communiquent entre eux….
Le budget gouvernemental est un jeu de vases communiquant pour la prime au travail retirée trois ans après le conflit, mais pas pour le crédit d’impôt servant à majorer la contribution parentale. De toute évidence l’argumentaire de M. McSween manque de fluidité. Ainsi, il dédaignant, « comme lecteur des médias », de voir des informations incomplètes, il téléscope les siennes [comme rédacteur des médias].
Comme professeur émérite de l’UQTR, vous savez bien qu’une conclusion peut être annulée avec un contre-exemple. C’était le point de ma courte intervention. Je vous laisse à vos recherches télescopiques ?:-)
Merci pour ces précisions
Les commentaires déjà publiés ont indiqué, déjà, que pour ce qui est du seul élément ajouté par P.-Y. McSween, le crédit d’impôt, ses remarques sont lacunaires et n’apportent guère à l’étude de l’Iris, jugée « incomplète ». Je ne reviendrai pas là-dessus.
Je veux simplement souligner le fait que, quand on se targue comme monsieur McSween de faire des analyses explorant « tous » les angles de la situation, et non un seul (avec la métaphore du 3D), l’apport de son article est vraiment honteusement limité. L’Iris ne se targuait pas, elle, de « tout » examiner, mais se penchait sur un élément précis: les frais de scolarité. Tenter d’amorcer une véritable exploration de « tous » les angles aurait au moins exigé une prise en charge des multiples dimensions du conflit étudiant de 2012: économique, certes, mais aussi social, politique, culturel, etc., avec indication des sous-éléments impliqués. Cela est chimérique, cela demanderait plusieurs thèses? Précisément.
C’est pourquoi, plutôt que de poser à l’analyste rigoureux, objectif, qui fait le tour des objets d’étude, dans de beaux textes en 3D, je serais plus modeste, si j’étais Monsieur McSween.
Premièrement, il y a deux éléments:
1) Crédit d’impôt
2) La perte de la prime au travail
Et pour vous répondre, je vous mentionne que pour répondre à une affirmation aussi nette que celle de l’IRIS, je ne fais que souligner deux grandes faiblesses fiscales.
L’IRIS affirme même sur Twitter que l’étudiant a 1465$ de plus dans ses poches: c’est juste FAUX.
Parce que l’IRIS a décidé de quantifier l’impact financier, on peut contester avec les éléments fiscaux et financiers. Ici, je parle de rester dans le domaine de l’impact financier, sujet sur lequel l’IRIS se mouille.
Comme lecteur des médias, je n’aime pas me faire envoyer des résultats d’études ou d’analyses complètement illogiques et limités.
Il me fera plaisir de discuter littérature avec vous, pour l’instant, je parle de fiscalité nette.
J’ai assisté la semaine dernière à un dîner conférence organisé par le CD Howe Institute. Le conférencier a fait référence à la grève étudiante qui, selon lui, était une aberration et le fruit d’un manque d’éducation économique de la jeunesse.
Ce point de vue reflétait celui du gouvernement Charest qui, pendant le conflit, répétait que le Québec ne pouvait économiquement pas maintenir le statu quo et que les étudiants devaient faire leur part.
Mais si on regarde cette situation avec une « vision 3D », est-il juste d’affirmer que le Québec sortirait économiquement gagnant en transférant une part de la dette publique sur la population étudiante? Est-ce que l’endettement global d’un pays ne doit pas tenir compte du taux d’endettement de sa population? Puisque la population étudiante ne peut pas emprunter à meilleur taux que le gouvernement du Québec, est-ce que la dette global du Québec augmenterait?
Finalement, est-ce à dire que l’argument économique est en fait un argument politique?
Quel est votre point de vue sur cette situation?