J’ai atteint cet âge-là. Ça s’est fait subtilement, tranquillement et sans éclat. On y arrive sans même avoir eu le temps de s’en rendre compte. On l’atteint. L’âge où autour de soi, les espoirs se transforment en épreuves. Cet âge où le cœur vacille et où la routine finit par user les sourires. Depuis peut-être deux ou trois ans, les statistiques me rattrapent. Depuis quelque temps, le temps a fait son temps.
Je suis rendu à cet âge, où les coups de téléphone à des heures inhabituelles sont un présage de mauvaises nouvelles. Je suis de cet âge où tout ne tourne plus si rond. Je suis à cet âge, où l’eau a suffisamment coulée sous les ponts pour que le temps fasse son œuvre. Ce moment de la vie où l’on atteint le point d’inflexion entre naïveté et cynisme. L’âge où l’on est un peu figé dans une réalité. L’âge où la vie de tes amis s’effondre.
À 37 ans, on a une petite idée de ce qu’aura l’air la suite des choses. On ne sait pas exactement ce qu’elle sera, mais on sait très bien ce qu’elle ne sera plus. Ce n’est pas négatif ou pessimiste, ce n’est qu’un état de fait. L’âge où le rétroviseur est parsemé de fissures qui font partie de notre angle de vision pour la suite.
C’est comme un mauvais scénario qui se répète. On se sent comme dans une chanson de [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=ZfmC9Hj73C0″]Mylène Farmer[/youtube]. Le désenchantement s’agite. On s’approche de l’âge de l’accepter. On étudie une bonne partie de notre vie, pour avoir un emploi, s’acheter une résidence, faire des enfants et puis après ? Après on se questionne sur la signification de tout cela. Après, on rêve juste d’avoir moins et de vivre plus. Après, la raison prend le dessus sur les désirs. À mesure que l’on se bâtit une vie, on y laisse un peu de soi. Chaque rêve réalisé en éteint un autre. La vie n’est qu’un long cycle de choix qui modifient la suite des choses.
Je suis arrivé à cet âge où la simple mention d’un sourire, d’une personne ou d’une situation humecte les yeux de l’ami. Je suis à cet âge de contraintes et de déceptions. Je suis à cet âge où les hommes se prennent dans les bras pour absorber un peu de peine d’un ami en se moquant bien de ce que les autres peuvent en penser.
Je suis à cet âge où il y a encore du beau à venir, mais où il faut parfois une béquille pour le vivre.
Dans une vie où il faut tout planifier, tout prévoir, l’imprévisible frappe. Dans une vie où tout semble bien rose, tout est un peu plus brun que prévu. Comme un café refroidi par la tiédeur de la température ambiante.
Je suis à rendu à cet âge où tout a un goût un peu amer, même si on a sucré le présent d’un instant de sourire.
Le temps a laissé sa marque. Sur notre peau, sur notre cœur.
Derrière tous ces portraits Facebook, Instagram ou SnapChat, il y a quelque part de l’ordinaire dont on ne parle pas. Parce que l’ordinaire n’est plus. L’ordinaire se cache. On ne se contente plus de cela. On veut plus. À force de vouloir plus, on finit avec moins. Aussi paradoxal que cela puisse paraître.
[youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=-dBaEXSCs04″]Cet âge-là où Rod de la Petite Vie disait « J’ai l’air du père de Fernand Gignac » la pipe au bec.[/youtube] (1)
J’ai atteint cet âge-là où l’on n’est ni jeune ni vieux.
Oui, ce point d’inflexion où l’on passe de l’autre côté du versant en tentant de ralentir la descente pour ne rien manquer au passage. Oui, l’âge où l’on débarque du télésiège en se disant « l’ascension est terminée. »
Peu importe comment on négociera le reste, on arrivera tous en bout de piste. Plus ou moins rapidement, il y aura cette justice d’arriver à la fin. Peu importe la beauté, la chance, le portefeuille ou l’amour que l’on aura reçu.
Oui, je suis rendu à cet âge-là où l’on écrase ses lunettes roses à pieds joints et où le sourire est souvent juste en coin.
Oui, je suis rendu-là où les doigts pleurent sur le clavier, sans en avoir honte, ni en être gêné.
Note (1): Notez le nom de l’animateur de foule dans le générique.
Mais vous n’y êtes pas du tout… à 37 ans vous n’avez pas cet âge-là. Ma vie a commencé à 45 ans. Je me suis mariée à 63 ans. À 67 ans, je peux dire que j’ai cet âge-là. Je suis Mamie, le plus beau rôle de ma vie! Et surtout plein de projets.
Vous avez sans doute un coup de cafard. Cela arrive dans la vie. Je le sais.
Dès que le printemps daignera se montrer le bout du nez, nous nous sentirons tous beaucoup mieux. Une dépression, en a-t-on vraiment besoin?
Allez, souriez à la vie.
Merci Mme Roy de ce positivisme. J’imagine que ce sentiment à l’approche du printemps, après un hiver est une source de réconfort. Voir une femme avec cette lumière c’est agréable. Vous m’aidez à bien commencer la journée.
Merci.
En voilà des propos étonnants, mon cher ami… Si jeune encore. Alors que la vie commence à 40 ans, à ce qu’il paraît! Bah, ne vous en faîtes pas pour ce qui est de la suite du programme. L’important, la seule chose qui compte vraiment dans la vie, c’est comment on se sent au fond de soi.
Avec tout près de 30 ans de plus à mon compteur qu’à votre boulier, j’en ai vu passer des saisons. Des belles et des pénibles. Mais, davantage que les voyages, rien ne contribue mieux à former la jeunesse. La jeunesse de cœur. C’est ainsi que malgré ma mi-soixantaine, j’ai toujours la verdeur intérieure de mes 17 ans.
Et je regarde parfois celles et ceux de mon âge en me demandant sans y penser comment on peut se sentir lorsque l’on est vieux. Pour aussitôt sourire en moi-même en me rappelant que j’y suis, que j’arrive à cet âge du mal ici et du mal là, du radotage et du «j’aurais dû faire ça» suivi de la consolation du «heureusement que j’ai fait ceci». Et je m’affaire maintenant – entre deux siestes – à classer ce que j’ai accompli, ce que j’ai le mieux réussi, tout en me débarrassant de ce qui a foiré.
Et j’avoue que c’est souvent amusant de tout revivre. Même le moins bon semble parfois s’en tirer honorablement quand les années ont passé. Vous verrez. Vous avez encore le temps…
Cher vous,
La réflexion est nécessaire mais la votre me semble bien sombre. À force de souhaiter toujours plus, passe-t-on à côté de l’essentiel ?
Ne voit-on que le verre à moitié vide ?
Plus l’on en fait (ski, châlet, belles voitures, maison, je on en rajoute), plus on se créé des obligations. On se les créé ces contraintes et s’en délester est difficile ! Or marcher dehors, écouter les oiseaux, lire un bon livre en se collant, cuisiner en famille, ça reste le vrai bonheur, et ça ne coûte presque rien.
Sauf que ça ne permet pas de briller sur les réseaux ou auprès des amis. Vous êtes tout jeune. 37 ans c’est juste assez pour décider de son sors… ou juste prendre une semaine de repos lorsque la vie semble sombre…
Vous avez le talent et la plume. C’est énorme.
Une amie
??<3 ?
XOX
Que de paroles sages remplies d’espoir….merci!
Merci Claude Perrier…c’est ce que je veux croire, à tout juste 40 ans!
C’est beau et ça met un baume sur le cœur et ce lorsque, même à tout juste 29 ans on a aussi déjà peur d’être à cet âge là…
Ici naît l’art.
Le bonsaï qui pousse droit, est laid.
Il n’est beau que tordu, plié et replié.
Kintsugi est beau quand la cassure est grande.
Ce n’est pas un éloge de la misère, mais que de tout, l’art est de savoir faire de l’art.
Voilà le travail à faire.
Merci d’avoir le courage de le dire car moi aussi je me sens présentement ainsi…Venant de perdre mon père voilà un peu plus d’un mois et 40 ans très bientôt je sens exactement cela.?
J’ai 50 ans et à la suite de ma lecture j’ai envie de dire pauvre petit gars la vie à 37 ans ne fait que commencer.
Je regarde mes enfants de 25, 23 et 13 ans et j’ai hâte à la suite car ils sont extraordinaires. Avec mon conjoint, nous retrouvons ces moments hors temps de plaisirs instantanés avec ou sans les enfants. Ces années de sérinité où on a plus rien à prouver juste de déguster et d’accompagner les enfants dans leur vie.
Jamais je ne retournerais en arrière de peur de changer notre vie de maintenant et j’attends avec impatience le reste de cette vie avec les prochains combats que je relève avec détermination. Je dis merci à cette vie que j’embrasse à bras ouverts et avec excitation.
Je vous répondrai que l’on ne peut pas extrapoler son parcours sur celui des autres.
Avec le temps, plus de doute pour moi, vraiment Pierre-Yves tu possèdes une veille âme pleine de sagesse. Un modèle 1980 qui pense comme un « class of 1947″…
Enfin, un phare pour de jeunes générations quelque peu désorientées!
Espérant que tes messages trouvent preneur tant à la radio que dans tes bouquins, essais et chroniques…
C’est lorsque l’ascencion est terminée qu’on a le temps pour les regrets.
Déjà. J’ai 35 ans.
Merci pour votre texte.
M. Perrier,
Vous m’enlevez les mots de la bouche.
Merci pour ce partage qui me fait du bien ?.
First world problems.
Tellement touchant, merci pour ce texte.
Et après cet âge, curieusement, genre la cinquantaine, une paix arrive…La sérénité? Un calme tout doux…Oui, la cinquantaine apaise je trouve. On goûte tout simplement, parce que le temps compte et qu’on a plus tant à prouver peut-être. Enfin, c’est ainsi que je le ressens…c’est un grand privilège certainement!
L’âge n’a pas d’importance pour autant que l’on est bien entouré et que l’amour est présent dans notre quotidien.
Petit taquin …ai-je le goût de vous dire…car dans ces propos je soupçonne une invitation à l’urgence de vivre et d’aller à l’essentiel ….Bienheureux êtes -vous de faire ce constat à votre âge « vénérable » de 37 ans….bonne journée
Oui…vous avez cet âge-là où on réalise que la vie ne sera pas tout à fait comme on l’avait imaginé, comme on nous l’avais promis. On en dit des choses aux enfants : vous êtes l’avenir, l’avenir vous appartient, réalisez vos rêves, vous avez la vie devant vous etc. Enfin toutes ces paroles convenues qui font qu’on a mal quand on se réveille. Mais dites-vous que vous l’avez belle et bonne la vie. Vous êtes beau, brillant et vous accomplissez toutes sortes de projets intéressants qui ne sont pas à la portée de tous. Qui ne sont pas à la portée de la plupart des hommes et des femmes qui habitent cette terre. Alors savourez et chassez ce découragement. La vie est belle et passé ce moment, vous aurez bientôt 40 ans et vous verrez, ça goûte meilleur quand on a laissé nos attentes derrière et qu’on vit le présent. Simplement vivre.
Mon »petit » Pierre-Yves !!
J’adore te lire 🙂
J’ai atteint cet âge-là où l’on n’est ni jeune ni vieux 😉 »moi » 🙂 ça fait un »ti-bout », car j’ai 65 ans ! Je veux juste te dire »attelle-toi » tu vas avoir toute une »ride » 😉
Mais tu vas voir, ça vaut la peine . Il ne reste que l’angoisse d’aller au »foyer » rendue où «je» suis »moi », je profite de tous les instants, car je sais »tout moi » maintenant, excepté »l’AVENIR » 😉
Au plaisir de te lire !!
Merci, très beau texte. moi aussi je rendue là depuis un bon moment. et il fait bon d’arriver à cet âge là ou enfin on prend conscience.
Cet âge-là où l’on ne se cherche plus. Parce que l’on s’est trouvé depuis quelque temps déjà. Cet âge-là où l’on se rend compte qu’on a cependant mis sa vie en mode pilote automatique pour terminer l’ascension sans trop de heurts, ignorant plus facilement les failles qui se creusent autour. Cet âge-là où l’on doit décider si l’on prend la piste de gauche ou de droite pour redescendre et ça nous embête, totalement. Le pilote automatique commence à défaillir. Faudra foncer simplement, autrement qu’à nos vingt ans, sans lunettes roses. Faudra apprendre à déjouer l’amertume, j’imagine. Je suis aussi rendue à cet âge-là. J’ai retiré mes lunettes roses depuis peu. Je tarde à les écraser, car tout ce qui me semblait faire sens le fait beaucoup moins maintenant. Je cherche encore, mais je trouverai une nouvelle signification à tous ces choix derrière moi avant d’amorcer ma descente. Très beau texte qui résonne encore. Lu par hasard, mais au bon moment. Le hasard n’existe peut-être pas finalement…
Cet âge la, chacun l’atteint à son rythme, selon les chemins empruntés et ses parcours intérieurs. On a la lucidité de l’âge de son âme. À 58 ans, je veux juste passer à quelque chose de plus valorisant que de me lever le lundi matin pour le boulot et réaliser que je suis déjà rendu au vendredi… La vie passe, mais il me semble que je la perds à la gagner…
Vous venez tout juste de mettre des mots sur mes sentiments. J’ai perdu cette naïveté de la vie très jeune et la dernière année passée à vivre de grandes épreuves viennent de me faire réaliser que la pente commence à descendre au lieu de monter. Oui à cet âge là où tout ton entourage te dit que la vie est tellement belle et de rester positif, parfois il faut aussi avoir l’humilité de reconnaître enfin que ce qu’on ressent peu parfois être laid et décevant à cause de ces béquilles qui marquent le coeur profondément. Le bonheur n’est pas inné et il est difficile à trouver et à équilibrer quand on vit de lourdes épreuves surtout à un âge où la vie sourit à tous sauf à nous. Faut malgré tout apprendre à surfer sur les meilleures vagues même quand la tempête nous en offre si peu…merci pour ton texte, mais surtout pour ton humilité et l’authenticité qui transparaît dans ton propos.
Merde. C’est semblable à ce que je vis et pense. 42 ans, pas de blonde, pas d’enfants (que j’aurais voulu). Si seulement j’avais mis des efforts sur ma vie comme j’ai mis sur ma carrière…
Bref, l’humain est pareil et 40 est une étape plus difficile pour beaucoup d’entre nous. J’ai pour ma part laissé mon emploi et pris un petit congé pour voyager. D’un coup je me retrouve à mon retour?!
Bonne chance et introspection à tous et toutes. Sans jugement, chacun son combat.
Cher Pierre-Yves,
Vous êtes pas trop jeune pour tenir un tel discours? Non!
L’âge ne se compte pas nécessairement selon la convention culturelle de l’époque. Je me dis que vous aurez tellement d’années pour continuer de Voir et d’aider à voir. Si déjà vous percevez l’immense complexité du temps qui passe; l’immense illusion des obligations sociales, c’est que vous êtes une vieille âme et que votre âge réel vous est inconnu. Votre texte est profond. Pas pessimiste du tout! Qui vous êtes est, a toujours été et sera toujours. Voilà votre allié(e) et tout le sucre dont vous avez besoin pour le chaos et l’impression de choix… ou de finitude.
Vous êtes merveilleux. Joie!
J’ai récemment atteint les 40 ans. Ce jour-là, je me suis dit: « Statistiquement parlant, j’ai atteint la moitié de l’espérance de vie. Quand j’entamais ma première moitié de vie, je pleurais et je faisais dans ma couche. Il m’a fallu 25 ans pour être à peu près responsable et je peux donc dire que je n’ai que 15 années pleinement vécues à mon actif… il m’en reste 40. Je ne fais que commencer, et je suis aujourd’hui mieux outillé que je ne l’ai jamais été à tout moment précédent dans ma vie, afin d’atteindre mes buts et mes rêves. »