Salut, ça faisait longtemps que je t’avais écrit. Je sais, je te joue dans la tête. Je vais être honnête avec toi : je suis payé pour ça. Je me sers de toi pour vendre des produits et des services. En fait, j’ai programmé ton insatisfaction. Quand je propose une campagne marketing pour un public cible féminin, je ne veux vendre qu’une chose : la période 20-30 ans. Tout le marketing est basé là-dessus. C’est simple, hein?
Oui, tu as une espérance de vie de plus de 80 ans. Par contre, durant ta vie de femme, je vais me concentrer à t’obséder avec cette décennie ou à être nostalgique de celle-ci. Donc, tu passeras 70 ans de vie à attendre ou regretter cette période. Je travaille fort pour que tu ne vives que pour cette période et je suis assez fier : ça fonctionne. Quotidiennement, je cultive ton insatisfaction.
Pourquoi la vingtaine est-elle une période distincte? C’est la première décennie du vieillissement. Le corps commence à s’oxyder et la croissance est finie. On commence tranquillement à vieillir. Entre 20 et 30 ans, ça ne parait pas encore trop. C’est aussi la première décennie de l’âge adulte. C’est donc la période de référence. C’est celle où tu n’as pas encore de déception majeure. Ton couple n’a pas encore craqué, ton corps n’as pas vécu des accouchements, tu n’es pas usée par le stress du travail, tu n’es pas aigrie par les malchances. Ta vie est encore peut-être parfaite. Je m’ancre dans ce souvenir de toi et je te le vends jusqu’au dernier dollar. En plus, c’est la période où tu as encore des aspirations, où tu rêves encore de projets différents. C’est le dernier moment de ta vie où tu peux « vivoter » à ta guise.
Tu connais l’expression « 30 is the new 20 », c’est moi qui l’a inventée. Pour lancer le message que ta trentaine sera comme ta vingtaine. C’est complètement faux. Ça marche bien, hein? Le pire, c’est que tu me crois. Pourquoi tu penses que le magasin s’appelle « Forever 21 »? Ça aussi, c’était mon idée. Même quand je te vends des tampons, je te mets des images de 20-30. Ridicule, non?
En passant, j’aime beaucoup les «vedettes Instagram ». Tu sais pourquoi? Elles sont parfaites en marketing. Premièrement, elles sont nombreuses, donc l’offre est grande. Je n’ai plus besoin de payer des mannequins à des prix astronomiques. Je cherche les « influenceurs » au féminin. Je leur donne un voyage gratuit contre des photos paradisiaques dans un tout inclus. Tu sais ce qui est génial? Je leur vends l’illusion qu’elles sont « the next best thing ». Leur valeur marchande est de quelques années, le temps que la prochaine vedette arrive. Après, elles ne sont relativement rien. Je leur souhaite sincèrement d’avoir mis de l’argent de côté durant ce temps ou d’avoir développé une entreprise en parallèle. Sérieusement, la « business » de l’apparence, c’est du très court terme. Bâtir une carrière là-dessus, c’est une illusion. Pas d’importance, j’en profite et tu payes.
Tu m’en veux ? Regarde-toi? Regarde les autoportraits que tu publies chaque jour avec un angle favorable et un filtre (tout en montrant tes attributs). Tu ne le sais pas, mais tu m’aides. Tu rends ma vie plus facile. Avant, je payais pour vendre du rêve. Maintenant, tu m’aides à maintenir la cadence presque gratuitement. Comment ça? Quand tu mets juste tes vacances, tes loisirs et tes beaux portraits sur les réseaux sociaux, tu m’aides à nourrir l’insatisfaction de mon public cible. Et tu sais quoi? Tu ne me charges rien pour ça. Par la suite, j’achète les mots clés de tes conversations privées avec tes amies dans les messages privés et publics. Voilà, tous les « suiveux » sur Facebook ou Instagram, je peux maintenant leur vendre le rêve à peu de frais. Je vais leur vendre leur période 20-30 ans ou la nostalgie de celle-ci pour l’éternité.
Je te vends des voitures, des cosmétiques ou des vêtements avec de la jeunesse. À la télévision, ce n’est pas différent. Pourquoi penses-tu que le téléphone ne sonne plus souvent chez les actrices de 40 ans et plus ? On ne veut pas vendre la vie ordinaire au public. Même les séries sont écrites pour vendre la décennie souhaitée. Les agences d’artistes le savent. Dans une fiche d’actrice, il est écrit « âge à la caméra » et on va enlever quelques années de vie à son actif. C’est ça la réalité. On ne vend pas du réel, tu le sais, mais tu achètes quand même.
Et quand je ne peux pas te vendre du rêve, quand je n’arrive pas à te convaincre que le 20-30 est à ta portée, j’utilise la stratégie de la dernière chance. Je te vends l’estime de toi. Tu pensais que j’avais un cœur et une conscience? Mais non, je te vends juste ce que tu veux avoir. Je te vends ce que tu veux voir et entendre. Je te vends donc une campagne pour l’estime de toi. Sérieusement, tu penses que j’ai un autre objectif que de faire plaisir à mon client qui cherche à vendre des produits à un public cible? C’est beau la naïveté. Tu sais ce qui est bien avec la vente de l’estime de soi? Je peux viser une clientèle mineure sans tu ne m’accuses de viser les jeunes à des fins mercantiles. En fait, tout ça sert à fidéliser les jeunes filles à ma marque pour le jour où elles auront de l’argent à dépenser.
En somme, merci pour tous ces « likes », « # » ou autres publicités gratuites quand tu te vantes de faire quelque chose. Tu sais quoi? Toi aussi tu fais ça pour générer l’envie, le désir ou pour faire du marketing avec ta vie privée. En somme, tu veux dire à tes amies comment ta vie est plus extraordinaire qu’elle ne l’est réellement. Toi aussi, tu vends 10 jours de ton année sur les réseaux sociaux avec un angle favorable. Évidemment, tu ne mettras jamais les 355 jours ordinaires du reste de ton année. Tu ne susciterais pas l’envie et tu ne m’aiderais pas.
Tu as beau mettre tous les «# » de liberté et de voyage que tu veux. Moi, je vois tes dettes, c’est moi qui te les vends. Je sais que tu es prisonnière. Je te vends cette prison virtuelle. Celle des 20 à 30 ans. Merci de rendre mon travail trop facile.
Partage cette lettre sur ton mur, identifie 100 de tes amies et cours la chance de gagner un voyage. Je blague évidemment. Avoue que t’allais le faire…
Cordialement cynique
Mark Eting
Quelle pertinence , votre texte me touche en tant que femme et en tant que mère.
Wow, j’adore. J’ai 34 ans et oui des fois je suis nostalgique du bon vieux temps, cepandant je n’ai aucune crème anti-rides, je ne prends pas de photos avec filtres pour mettre sur fb, et quand fb me rappelle que je n ai pas actualisé ma photo de profil depuis des lunes, je l’envoi promener… Malheureusement bien des jeunes femmes sont emprisonnées dans cette spirale de Marketing. Peut être que des textes comme celui-ci, légèrement cynique, leur permettront d’en prendre conscience.
Vous savez moi j’adore les personnes qui disent les vraies choses !! Vous en faites partie, car vous nous commenter tout haut ce que nous pensons tout bas !! Oui vous êtes sarcastique, mais quelques fois il faut l’être pour attirer l’attention des personnes cible comme vous dites. Mais imaginer une seconde sans femmes dans ce monde de consommation !! Quelle catastrophe pour l’économie ! hihihiiiiii……Je suis sarcastique parfois moi aussi Monsieur McSween lolllll…., mais avouer que grâce à nous les femmes et j’inclus aussi certains hommes métro qu’ont appellent maintenant qui consomment autant que les femmes ayant un côté féminin très dévelloppée lolllll…..Car voyez-vous il faut des personnes comme ca pour faire virer l’économie et faire vivre d’autres personnes comme vous et moi Monsieur McSween. Mais votre texte va surement en réveiller plus d’un (es) sur leur quotidien, qui n’est souvent qu’illusion dans leur vie de tout les jours pour épater la gallerie de presse lollllll… Votre livre en passant, En as-tu vraiment de besoin !! est très intéressant sur certains sujets qui nous rejoingnent . Continer votre sarcaste tout en restant humble et polie envers nous la gente féminine !! hihihhhiiiiiiiii…..Bonne continuité dans vos projets avec l’influence des personnes impulsives qui ne savent plus où donner de la tête pour rendre leur univers intéressante !! D’une personne qui vous aime bien !!
Merci pour ce texte. Petite coquille : Je n’ai plus besoin de payer des mannequins à des pris (PRIX) astronomiques.
c’est tellement vrai et important de le dire…mais ce langage que j’aime, cette grammaire si bien formulée, que j’aime, n’atteint pas à mon avis, la cible…
ces filles qui utilisent instagram ou facebook ont majoritairement décrochées…
50 mots rétrécit suffisent à peupler leur univers….lol!
j’aimerais avoir tort!!!!
Bravo, bravo ,bravo Mille fois d’accord avec vous M Mark Eting .
C’est pas donner a tout le monde d’avoir un esprit critique et libre ,
et c’est pas payant de l’enseigné .
Mais très avantageux pour vous M, Mark Eting
En plus de savoir compté vous avez un don de bien expliqué les choses .
Merci d’être
Line Naud
Simplement…. merci.
Cynique mais hélas trop vrai dans le contexte présenté. les 20-30 ans
Pourtant, moi personnellement, je ne voudrais jamais retourner à mes 20-30 ans. La vie a commencé à prendre tout son sens lorsque j’ai eu 32 ans et je dirais que ma tranche de vie préférée a été 32 – 42
20 ans j’avais encore des boutons…
21 pas confiance en moi.
22 ans trouvé un chum qui ne me convenait pas pour du long terme
23 ans devenue maman sans comprendre ce qui m’attendait et trop conne pour pose les questions avant, donc, prisonnière de mes choix après. Mais, je n’ai plus de bouton…. autant de pris!
24 ans je me cherche
25 ans je trouve des p’tits bouts de ce qui m’allume vraiment mais, c’est pas rassurant et pas payant encore. (artiste lyrique)
26 ans j’en ai marre de mon mariage de merde
27 ans je déconne
28 ans les temps sont dures pour arriver à décrocher du merdier
29 ans je prends des vessies pour des lanternes, un amour de conte de fée qui tournera au cauchemar
30 ans. J’ai envie d’en terminer avec la vie. Mais….. j’ai une autre petite vie qui s’est installée en moi, donc, je m’accroche!
Et là….. maintenant que je sais ce que sont des vessies et ce que sont des lanternes, je commence à aimer la vie pour vrai. Et j’ai deux raisons de me battre, mes deux filles et ma carrière. Mes aptitudes deviennent mes raisons de vivre et de m’épanouir. Je suis enfin sorti de mon cocon de 20-30 ans. ENFIN!!!!
Donc, pas envie de retourner là, mais pas du tout.
Et je n’envie aucunement les filles de cet âge là, elles sont aussi mal foutues dans leurs têtes au même âge, que moi je l’étais, sauf quelques exceptions probablement…..ces dernières sont timides, introverties et ne le constateront que plus tard…. comment elles étaient mal dans leur peau bouton ou pas.
Mon corps et mon esprit se sont rejoint en harmonie entre 32 et 42 ans.
Odette (aujourd’hui 65 ans)
Bien en accord avec cet écrit…Mais, nous sommes tout de meme conscients de ces idéalismes…Pourquoi pas ! Laissons nos préjugés et libre de montrer nos meilleurs jours tout en étant conscient et en acceptant nos mauvais jours …Dédramatissons et laissons tomber nos mals etres face a ce possible fléau de temps en temps ! La sagesse et l’agisme parle, si j’étais plus je verrais cela autrement ..Je ne sais pas ! Toi,en réfléchissant un peu, tu pourrais aussi trouver du positif a ce culte de la beauté ou de la laideur …
Je comprends bien ce que vous dites mais je pense qu’il y a du positif aussi à savoir que le 30 qui est le nouveau 20 a fait des p’tits à savoir que le 40 est le nouveau 30 et ainsi de suite…
Il n’est pas rare de voir une personne de 50 et + retourner étudier pour changer de carrière.
J’ai 49 ans et la pub ne s’adresse pas à ma catégorie d’âge et c’est tant mieux ! J’ai la paix !
Très cynique, mais tellement vrai.
Il faut voir à ce sujet le brillant reportage de la BBC sur la vie d’Edward Barneys, l’un des principaux père du marketing: https://www.youtube.com/watch?v=eJ3RzGoQC4s
Et le petit livre que celui-ci avait publié en 1928 pour convaincre les entreprises d’utiliser ses services, comme des « bienfaits » du marketing. Il y expose candidement sa philosophie, comment le marketing permet à la « démocratie » de fonctionner, en permettant à l’establishment de dicter au « peuple » ce qu’il doit penser. Le livre en question porte le titre très significatif de « Propaganda ».
Voila pourquoi je ne publie rien de personnel sur mon mur. Que des découvertes scientifiques ou quelques nouvelles politiques et environnementales. Ce que tu écris, je l’avais compris il y a bien longtemps… quelques notions de sociologies suffisent et la capacité de faire des liens; il y a toujours plus intelligent que soi…
rillant, saisissant peut être pour certains mais tellement affreusement réel ce phénomène de dépendance à la consommation. La drogue du 21ième siècle…Depuis très longtemps, je me suis rarement sentie interpeller par cet idéal que l’on tente me me faire avaler de force…la cuillère ne fut jamais à ma taille et c’est tant mieux. Cette indépendance est mon estime de moi. J’y crois et j’en suis fière car je suis vrai comme personne et que l’hypocrisie, je n’achète pas!