La nuance est importante. L'Orchestre d'hommes-orchestres ne joue pas Tom Waits, mais ce groupe de Québec joue À Tom Waits. Ce soir au Théâtre Centennial, le quatuor ne célébrait pas la richesse et la portée des paroles de la légende vivante (on n'y comprenait pas grand chose, le chant étant trop caricatural), mais bien un pan de son univers musical, celui à la fois débridé et glauque. D'ailleurs, Orphans, la dernière compile de Tom Waits répartissait les chansons en trois catégories: Brawlers, Bawlers et Bastards; ce sont les bâtards que l'OHO a pris sous son aile.
À voir le groupe sur scène, on constate que cet «hommage» à Tom Waits est un prétexte, un tremplin, pour un spectacle grandiose par son audace et sa multidisciplinarité. C'est un concert de musique actuelle qui se rattache aux fondements du rock (blues, country aux accents hillbilly…) et qui prend des allures de freak show, de cirque saltimbanque et de théâtre de rue. On a eu droit à des percussions avec des spaghettis, des gants de boxe, des couvercles de poubelle ou des ciseaux, des chorégraphies durant lesquelles les musiciens se mettent en danger (par exemple, le guitariste doit baisser la tête sur le rythme, sinon il mange un coup de bâton de golf en pleine figure), des chœurs arrache-cœur et chaotiques… Il y en avait tellement pour l'œil qu'on en oubliait l'exécution musicale parfois bancale.
Ce soir, l'OHO était accompagné des New Cackle Sisters, un duo qui revisite l'œuvre datant des années 40 des DeZurik Sisters. Présentent sur la scène durant tout le concert, elles s'intégraient à la performance des quatre hommes-orchestres avec brio. C'était jubilatoire de les voir exécuter leurs petites chorégraphies. Au retour de l'entracte (et au rappel), leurs chansons étaient pétillantes à souhait, tout particulièrement avec le yodle.
Après une telle soirée, on a bien hâte d'entendre et (surtout) de voir le nouveau projet de l'OHO qui porte sur l'œuvre de Kurt Weill.