Comédie, la dernière fantasmagorie technologique de Denis Marleau. (Sur la photo: le visage de Céline Bonnier) Photo: Maryse Boulanger |
Dans le cadre de Événement Beckett, j'assistais hier à Comédie de Samuel Beckett dans une mise en scène de Denis Marleau. Cette production s'inscrit dans une trilogie de fantasmagories technologies du directeur artistique du TF du CNA, qui a été précédé par Les Aveugles et Dors mon petit enfant (saison 2004-2005). Dans ce procédé, le metteur en scène s'intéresse au concept de l'absence de l'acteur sur scène puisque la présentation consiste en des projections sur masque à l'aide d'une vidéo préenregistrée. Les masques sont ainsi sculptés selon le visage des acteurs – son trio formé de Céline Bonnier, Paul Savoie et Ginette Laurin -; les acteurs devant donc apprendre à faire vivre le personne avec le visage figé, ayant pour seul appui les expressions faciales et la voix.
Des images de la présentation des Aveugles me reviennent encore en tête. J'avais été complètement fascinée par l'hypnotisme que créait la vue des visages de Céline et Paul qui avaient été sextuplés et qui se trouvaient comme suspendus au milieu de la pénombre. Le texte de Maeterlinck relatait la mésaventure de 14 aveugles perdus dans les bois, sans repère.
Pour Comédie, comme son nom l'indique, les masques ne sont pas aussi déstabilisant que dans Dors mon petit enfant et Les Aveugles. Peut-être, sommes-nous habitués à présent. Mais il faut dire aussi que tel que son nom l'indique, le texte provoque le rire. Pas immédiatement, mais après un certain temps. Dans ce triangle amoureux, les trois archétypes sont côte-à-côte: la cocûe déchirée, amère, le mari trompeur dépossédé, ahuri et la jolie maitresse, frivole et sans scrupule. Ayant pour corps un énorme bocal, ils sont comme les plantes fatiguées de la petite bourgeoisie. Aussi, l'évocation de la folie n'est jamais très loin dans ces présentations, serait-ce les répliques saccadées livrées dans un débit si rapide? Dans Comédie, le spectateur doit laisser à son oreille le temps de s'adapter alors que la présentation débute avec les trois personnages parlant en même temps, créant une certaine cacophonie. Et puis. le texte se délie tranquillement, d'abord avec l''entrecroisement des trois monologues, puis, on entend chacun des personnages reprenne son monologue d'un trait, le texte étant projeté sur un écran à l'arrière. Les noeuds sont maintenant déliés, on a entendu le texte à deux reprises, on a rit, des images sont apparues en nous, et nous sommes toujours fascinés par le phénomène et la potentiel d'une telle innovation des arts de la scène. Moment le plus cocasse: les masques éteints pour de bon, les lumières s'allument. les gens attendent, se regardent, et applaudissent finalement… timidement… Pas qu'ils n'ont pas apprécié, mais ils cherchent vainement du regard un acteur, un metteur en scène, un régisseur, ou un autre technicien pour recevoir les applaudissements. mais non, il y a seulement des spectateurs dans la piéce. Mais on applaudit quand même, encore ébahi du spectacle qui aura figé une demi-heure dans notre journée!
*****Il y aura une représentation à 19h30, 20h30 et 21h30 ce soir. Profitez-en, c'est gratuit!.*****