Jack Robitaille (Didi) et Jacques Leblanc (Gogo) Photo: Renaud Philippe |
Ce fût mon premier contact réel avec le texte En attendant Godot de Beckett hier soir. J'avais beaucoup lu en entendu sur la pièce, il va sans dire, mais, jamais je n'avais pu apprécier sa version intégrale. Lors de la première de la production du Théâtre de la Bordée, dans une mise en scène de Lorraine Côté, j'en fus conquise. Quelle belle littérature que celle de Beckett! Et n'ayant jamais vu Godot sur scène, c'est sans point de comparaison que j'ai reçu la pièce, mais je dois dire que le duo de Jack Robitaille en Vladimir et de Jacques Leblanc en Estragon était impeccable. Je ne pourrais imaginer meilleur couple! La complicité des deux hommes était palpable! Et comme toute la pièce repose sur leurs lasses épaules, il fallait bien qu'elles soient solides! Je dois dire aussi que la proposition de Hughes Frenette dans le rôle de Lucky était délicieuse! Surtout lors de ce long monologue – la seule fois où le personnage ouvre la bouche pour «penser» à voix haute – sans dessus dessous et constituant un exploit en soi à mémoriser! Quant à Denise Gagnon dans le rôle de Pozzo, de certains ont été surpris par le choix d'une femme dans ce rôle d'un homme robuste, j'en ai pensé du bien: la voix granuleuse de la comédienne a contribué à imposer le personnage, quoiqu'il n'était pas aussi menaçant et intransigeant qu'on l'aurait cru. Je tiens aussi à souligner le décor avec ses petits vallons et cet engrenage à l'arrière d'un écran qui évoque à la fois le système d'une horloge qui "tictaque", ainsi que l'aspect mécanique de la pièce, dont l'environnement sonore est imaginatif et farfelu. Bref, le Godot de Lorraine Côté est une réussite autant sur le plan esthétique, que technique. J'applaudis ce choix qu'elle a fait d'embrasser l'humour de ce texte plutôt que d'appuyer l'aspect plus lourd, philosophico-existentialiste du propos. Avec un rythme légèrement accéléré, il est possible de saisir toutes les nuances du texte et du sous-texte, sans que ce soit lourd et sombre pour autant. Mais, on revient tout de même à la maison avec une réflexion qui se poursuivra longtemps après la tombée du rideau.
Estragon: Allons nous en!
Vladimir: On ne peut pas!
Estragon: Pourquoi?
Vladimir: On attend Godot!
Estragon: C'est vrai…