Ron Mueck, Big Man |
Troublant. Je ne trouve pas d'autres mots! Quand on entre dans les salles du MBAC qui logent les drôles de bonhommes qu'a créé Ron Mueck, on est. troublés, subjugués, emportés ailleurs. On comprend rapidement qu'il ne nous sera pas donner ici à voir des sculptures de grandeur nature. à quoi bon, après tout? C'est justement dans ces grandeurs irréelles que Mueck rend le réel, mais un réel un brin décalé, inquiétant, qui nous interpelle… Et quelle prouesse dans la technique! Jusqu'au bout des ongles, dans chaque pli de leur anatomie, ces humanoïdes sont d'un réalisme inouï. Mais là où on voit réellement le génie de l'artiste, c'est dans le regard et l'émotion indéterminée qu'abrite le visage de ses sujets. Ce qui mène à bien des spéculations de la part du visiteur.
Et si certains sont davantage émus par le couple couché en cuillères ou par le gros visage boursoufflé du bébé, j'ai pour ma part été très troublée par l'oeuvre représentant son père mort. D'abord par son sujet et par l'aspect personnel qu'il revêt, mais aussi par la petitesse de ce sujet qui a comme rapetissé dans la mort; dont tous les membres sont flasques, dans un abandon ultime. Alors que, dans ma perception, tous les autres sujets de cette exposition «posent» comme des êtres vivants, celui-ci pose en être mort. Le colosse et la femme alitée a aussi été dans ma mémoire longtemps après avoir quitté leurs salles respectives.
J'ai aussi été surprise par le paradoxe que créé ces androïdes chez le visiteur. On ressent une certaine inquiétude face à certaines oeuvres qui donnent l'impression qu'ils vont bouger dans la seconde, mais aussi parce qu'on se sent fixé du regard par ces êtres sans âme. Mais une grande empathie émane aussi du spectateur qui a envie d'enlacer ces créatures perdues, en leur donnant un peu de réconfort. Parce que si l'exposition de Mueck évoque beaucoup la naissance et la mort, le thème de la solitude est encore plus commun à tous ses sujets.
Bref, comme vous pouvez l'imaginer, on ne sort pas indemne de cette exposition. Il est important de prendre le temps d'observer la quinzaine d'oeuvres, une à une; l'expo se terminant sur une vidéo très éclairante et fascinante sur la technique de l'artiste. On se surprend aussi à vouloir retourner voir l'expo, mais peut-être en s'accompagnant cette fois des audio-guides. À voir et à revoir (profitez-en puisque c'est la seule visite de Mueck en sol canadien! Et ça se termine le 6 mai)